Traitements phytosanitaires
Des crédits et un discrédit

Cédric MICHELIN
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Emmanuel Macron a reconnu ne pas avoir réussi à tenir sa promesse de sortir du glyphosate en trois ans, plaidant néanmoins un échec « collectif », dans un entretien le 4 décembre à Brut. En attendant, le mal est fait...

Des crédits et un discrédit

« Je n'ai pas changé d'avis » sur cet objectif, mais « je n'ai pas réussi » à l'accomplir, c'est un échec « collectif », a déclaré le chef d'État qui, en novembre 2017, s'était engagé dans un Tweet pour une interdiction du glyphosate « au plus tard dans trois ans ». Trois ans plus tard, en pleine polémique sur sa promesse de transformer en loi les propositions de la Convention citoyenne pour le Climat, c’est donc un énième retour sur sa parole en matière d’environnement, notamment sur l’agriculture.
En janvier 2019, Emmanuel Macron avait déjà averti que la France ne parviendrait pas à se passer du glyphosate « à 100 % » en trois ans. « Pas faisable et ça tuerait notre agriculture », estimait alors le président. « Pourquoi on n'a pas réussi? (...) Quand les autres ne vont pas au même rythme que nous, ça crée de la distorsion de concurrence et on sacrifie notre agriculture pour régler le problème », a-t-il fait valoir vendredi. Une analyse bien tardive alors que la profession n’avait cessé de le mettre en garde… « Quand on veut lutter contre les pesticides, c'est l'Europe le bon niveau », a-t-il poursuivi. « On ne peut pas gagner la bataille tout seul si on n'a pas les autres Européens », a-t-il insisté. L'autorisation actuelle du glyphosate dans l'Union européenne court jusqu'à fin 2022.
L’écologie est en effet pavée de bonnes intentions comme l’enfer, le chef de l’État semble maintenant se rendre compte tardivement que le glyphosate « n’est pas le produit le pire » ni « le plus dangereux, de très loin ». Interpelé plus largement sur la transition écologique, il a appelé à ne pas jouer « camp contre camp. On doit jouer ensemble. On n'arrivera pas à interdire les insecticides et les fongicides sans les agriculteurs, on ne réussira pas sur la transition de la mobilité si on n'entraîne pas tous les Français ».

Vers un crédit d'impôt

En parallèle, le gouvernement et le parlement ont tenté de désamorcer les polémiques anciennes et naissantes. À l'occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, le 6 décembre, le Sénat a adopté, avec avis favorable du gouvernement, des amendements portés par des sénateurs, portant création d’un crédit d’impôt d’un montant de 2.500 € « permettant de soutenir les entreprises agricoles qui déclarent en 2021 et/ou 2022 qu’elles n’utilisent plus de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate ». L’objectif, expliquent les sénateurs dans l'exposé de leurs motifs, est de « soutenir économiquement les filières les plus impactées économiquement en raison de leur consommation de glyphosate, ce qui est le cas des cultures pérennes (viticulture, arboriculture) et des grandes cultures ». Ce dispositif ne sera pas cumulable avec les crédits d’impôt agriculture biologique et haute valeur environnementale (HVE). Et elle reste conditionnée à une autorisation de la Commission européenne. Cette décision fait écho à la déclaration de Julien Denormandie au micro de RTL le 27 novembre. À la suite du Conseil de défense écologique, il annonçait que le gouvernement allait « accentuer l’aide financière aux agriculteurs » sur ce dossier. Des « dispositions » seraient « présentées au Parlement dans les prochains jours », avait annoncé Julien Denormandie.

Aide aux agroéquipements

Dans la foulée du Président, le 7 décembre, le ministère de l'Agriculture annonce que l'enveloppe dédiée, dans le plan de relance, à la prime à la conversion des agroéquipements sera abondée de 80 millions d'euros. Elle sera portée à 215 millions d'euros, contre 135 millions dans sa version présentée en septembre. Ce dispositif, qui doit être instruit par FranceAgriMer, avait été validé lors d'un conseil d'administration de l'établissement public fin novembre. Cette mesure sera disponible début 2021, selon une « logique de catalogue » (liste positive d'équipements éligibles). Elle finance jusqu’à « 30 à 40 % » de l’achat d’un équipement permettant de limiter directement ou indirectement l’usage des pesticides ou des effluents d’élevage ; cette aide sera bonifiée pour les jeunes agriculteurs (+10 pts), les achats collectifs (+10 pts) ou en outre-mer (+30 pts). « La création de ce crédit d’impôt (pour les exploitations se passant de glyphosate, NDLR) et le déblocage d’une enveloppe supplémentaire de 80 millions d’euros pour la conversion d’agroéquipements résultent d’une volonté forte du gouvernement d’accompagner les agriculteurs. Toute transition a un coût et doit donc être financée », commente le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. Quelque chose nous dit pourtant que le dossier glyphosate est loin d’avoir vécu son dernier rebondissement…