Horticulture
Les serres chauffées à l'heure de la crise énergétique

Ariane Tilve
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Particulièrement touchés par la crise énergétique, les horticulteurs naviguent à vue. Certains tentent de réduire la voilure de leurs activités pour limiter les dépenses, d’autres maintiennent le cap, coûte que coûte, en attendant de voir jusqu’où ira la flambée des prix du fioul, leur principale source de chauffage.

L'une des serres de L'Horticole de la Velle, de 3.000 m², ne sera remplie de geranium qu'à moitié pour limiter les dépenses de chauffage.
L'une des serres de L'Horticole de la Velle, de 3.000 m², ne sera remplie de geranium qu'à moitié pour limiter les dépenses de chauffage.

Maintenir l’activité

L’Horticulteur Thierry Camus, qui chauffe exclusivement au fioul, a choisi de maintenir son activité à plein. « Je ne vois vraiment pas comment faire autrement. Je suis horticulteur depuis 35 ans, toutes mes commandes sont déjà passées. Il m’est impossible de produire ou de chauffer différemment. Un plant de tomate aura toujours besoin d’une température de 14 ° pour pousser », se désole l’exploitant qui travaille avec son épouse et deux employés à temps plein à Morey. Résigné, il craint à terme de devoir mettre la clé sous la porte avec un fioul qu’il se souvient d’avoir acheté un temps 0,80 € le litre, contre 1,50 € aujourd’hui. Même son de cloche en Bresse où un horticulteur, qui souhaite garder l’anonymat, estime que la situation ne fait qu’empirer depuis 2017. « Je chauffe exclusivement au fioul et je ne peux pas faire autrement que de maintenir la totalité de mon activité, d’autant plus que les commandes sont déjà passées. Pour limiter les dépenses, nous avons réduit les températures en serre de 8 à 4°, et en magasin de 20 à 15°. Autant vous dire qu’il fait froid ! ». Une situation particulièrement difficile pour les huit employés de cette exploitation qui propose, entre autres, plantes vertes, pluriannuelles et bisannuelles.

Réduire les dépenses

Anne Dugué a choisi de limiter les dépenses par tous les moyens. Dans son domaine L’Horticole de la Velle, à Épervans, elle cultive notamment des bisannuels, comme les pensées ou les primevères, moins gourmandes en énergie et actuellement placées dans des serres non chauffées. Ici, on produit également des plantes à massifs, des légumes, des chrysanthèmes et, en fin d’année, des compositions de jacinthes et des décorations de noël. « Toutes nos serres sont censées être chauffées, certaines au gaz d’autres au fioul. Pour l’heure, en raison des températures clémentes pour la saison, le chauffage n’est pas en route, sauf dans l’une des petites serres où j’ai des poinsettias et des plantes vertes ». L’exploitation vient de faire le plein de fioul, une cuve de 2.000 litres, mercredi 23 novembre, avant l’arrêt des aides de l’État. « Malgré ces aides, nous notons quand même une importante augmentation puisque le litre est passé de 1 à 1,50 € ». Pour le gaz, un contrat vient d’être signé avec un fournisseur d’énergie qui limite la hausse. « Nous avons déjà eu une augmentation, comme tout le monde, mais elle est moins importante que d’autres exploitants agricoles que nous connaissons et qui n’ont pas signé de contrat ». Alors pour limiter la casse, deux serres de 3.000 m² sont pratiquement vides en attendant de nouvelles arrivées. L’une devra être chauffée pour les géraniums, qui n’occuperont pas tout l’espace. Toujours dans l’objectif de limiter, autant que faire se peut, les dépenses énergétiques, Anne Dugué a décidé de scinder l’espace à l’aide de bâches afin de ne chauffer qu’une partie du bâtiment. « Nous avons profondément changé la nature de notre métier, qui est de tailler des boutures, d’acheter des cuttings puis de les repiquer. Aujourd’hui, nous nous contentons d’acheter de la motte toute prête, ce qui permet d’économiser de l’énergie. Mais ces mottes sont deux fois plus chères que les cuttings qui, eux, coûtent en moyenne 0,11 € pièce ». Anne Degué a en outre fait le choix de reculer au maximum les arrivées de plants. Au lieu de les prendre en février, comme elle le fait habituellement, elle ne les recevra qu’en mars pour réduire au maximum la période de chauffe. « Mais on ne peut pas repousser toutes les cultures. Si nous avons de la demande à partir du 15 avril, pour y répondre il nous faut anticiper la pousse ».

Comme la plupart des acteurs de la filière, Anne Dugué organise le transport de sa marchandise. À toutes ses charges énergétiques se greffe l’explosion du prix du gasoil. Rien que pour la livraison des chrysanthèmes, cette année, elle a déjà dû débourser près de 7.300 € contre 5.000 l’année dernière. « Crise énergétique ou non, nous avons toujours fait très attention à notre consommation de gaz et de fioul. Nous régulons précautionneusement les températures à l’aide de thermostats pour rester à 2° au lieu des 5° habituels. Nous sommes également censés faire chauffer les tables, sous les plants et les boutures, mais nous ne l’avons pas non fait. Nous avons choisi de les couvrir avec des toiles ». Malgré tous ces efforts, elle craint pour l’avenir de son exploitation, mais aussi pour celui de toute la filière. « Notre production est une production de luxe. Les gens ont besoin de manger, s’ils n’en ont pas les moyens, ils n’achètent pas de fleurs. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de répercuter la hausse des coûts de production sur les clients ».