Meunerie
Le jeu de pistes de l'évaluation des blés panifiables

Berty Robert
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Lors des dernières Journées techniques des industries céréalières, qui se tenaient à Auxerre, la question de l’évaluation de la qualité des blés destinés à la meunerie a été abordée. Un jeu de pistes complexe face à des marchés et des pratiques de plus en plus différenciés.

Le jeu de pistes de l'évaluation des blés panifiables
Pour les industriels de la transformation céréalière rassemblés à Auxerre les 8 et 9 novembre, l'évaluation de la qualité des blés est une notion essentielle mais qui semble se complexifier sans cesse.

Que cela débouche sur de la farine à destination de la panification ou pour fabriquer des biscuits, les industries transformatrices des céréales sont de plus en plus exigeantes sur la qualité des blés qui sont leur matière première. La dernière édition des Journées techniques des industries céréalières, organisée à Auxerre les 8 et 9 novembre, témoignait de cette réalité, à l’occasion d’une conférence consacrée à l’évaluation de la qualité des blés, aujourd’hui et demain. Une réflexion et des travaux qui s’inscrivent dans un contexte où s’impose la nécessité pour les blés français de répondre à une très forte segmentation des marchés. Pour répondre à ce défi, Adeline Streiff, ingénieure en recherche et développement chez Arvalis, estime qu’il faut mettre en place « une stratégie qui repose en grande partie sur la génétique. La panification est au cœur de l’évaluation de la qualité. Il faut un test qui permette à la filière de parler la même langue ».

L’importance d’une vision claire

Ce test, dans les milieux de l’industrie céréalière, on le connaît : il porte le joli nom de NFV 03-716. En 2023, selon l’ingénieure d’Arvalis, il a mis en lumière un certain déficit des blés panifiables, en matière d’allongement et de façonnage. Avoir une vision claire des qualités des blés est essentiel pour les meuniers dont le métier consiste, en grande partie, à faire des assemblages. D’une année sur l’autre, la collecte de blé tendre en France présente de grandes différences face aux tests de panification. D’où l’intérêt pour Arvalis, de procéder à des analyses au sein d’un grand nombre de variétés. Il ressort de ces analyses un constat : mélanger des variétés de blé qui ont des défauts à d’autres qui se comportent mieux améliore l’ensemble du mélange pour la panification. « Il y a, poursuit Adeline Streiff, un besoin de complémentarité dans les variétés, ce qui permet de jouer sur plusieurs leviers, d’une année sur l’autre ». Un travail dense lorsqu’on sait que, chaque année, près de 40 variétés de blé tendres sont inscrites. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cette norme NFV 03-716 est encore suffisamment pertinente, alors que les artisans boulangers diversifient sans cesse leurs façons de travailler et que d’autres débouchés – tels que l’amidonnerie, qui permet d’extraire du blé d’autres ingrédients utilisés par l’agroalimentaire – montent en puissance. Chez Arvalis, on se demande si on pourrait avoir recours à d’autres indicateurs pour évaluer la valeur boulangère : « il y a, par exemple, le Gluten Index, poursuit Adeline Streiff, qui permet de mesurer les différentes propriétés du gluten en un seul test, ou encore la prise en compte de l’indice d’élasticité… Nous avons mené des tests qui montrent qu’on peut combiner ces deux indicateurs, mais les résultats sont hétérogènes ».

Le changement climatique, là aussi

En conclusion, pour des évaluations de blés pertinentes, il y a surtout besoin d’écouter leurs utilisateurs, pour comprendre les variétés dont ils ont besoin. « Il faut aussi, conclut l’ingénieure d’Arvalis, innover au plan analytique et peut-être raisonner en approches multi-espèces et pas seulement en termes de blé tendre pour une raison simple : il faut faire avec le changement climatique, avec des fins de cycles culturaux plus chaudes ». Décidément, le changement climatique a des implications qu’on ne soupçonne pas toujours.