Face à la crise
L’Europe doit protéger ses producteurs

Le président de la FNSEA, Xavier Beulin, revient ici sur le plan de refinancement des exploitations agricoles, annoncé le 4 octobre et évoque les mesures qu’il faut maintenant obtenir de Bruxelles face à la crise climatique, mais également vis-à-vis de la crise plus structurelle qui touche les producteurs à l’échelle européenne. Interview.
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Suite à l’annonce du plan de refinancement par Manuel Valls, quelle est votre réaction ? En quoi faudrait-il aller plus loin ?
Xavier Beulin : les pertes pour la ferme France sont telles en 2016, estimées à plus ou moins cinq milliards d’€, qu'aucun dispositif ne peut et ne pourra compenser cette situation.
L'urgence pour la FNSEA était de mettre très vite sur pied un dispositif de refinancement des exploitations impactées. Il est nécessaire que ce refinancement soit proposé à la très grande majorité des agriculteurs avec les meilleurs taux d'intérêts du moment, et des durées appropriées à chaque situation. A cet égard, la prise en charge du coût de la garantie à 50/50 par les banques et par l'Etat, via la BPI, était une mesure attendue.
Les cellules d'urgence départementales auront également à traiter un certain nombre de dossiers, nous serons vigilants pour qu'elles disposent de moyens, je pense entre autres au Fac (Fonds d’allègement des charges), à l’Année blanche, aux mesures de la MSA, pour répondre aux besoins.
Reste un point faible et même très critique dans ce plan gouvernemental, l’insuffisance de moyens spécifiques pour permettre d'accompagner les agriculteurs et leurs familles qui, par choix ou par obligation, quitteront le métier. Le gouvernement ne peut se contenter d'une prime de reconversion professionnelle d'à peine plus de 3.000 €. C’est indécent !
Enfin je signalerai qu'il a fallu batailler dur pour obtenir une exonération partielle de taxes foncières, y compris pour les prairies.
Un autre chantier nous mobilise beaucoup : une intervention de l'Union européenne face à ce qu'il convient bien d'appeler une catastrophe climatique inédite depuis l'après-guerre. Nous avons obtenu de nos collègues européens et du Copa une démarche conjointe auprès du Commissaire à l’Agriculture Phil Hogan. Au ministre de l’agriculture de prendre le relai maintenant.

Le plan permet-il tout de même d’amorcer un accompagnement plus humain, plus individualisé, des agriculteurs en difficulté ?
X. B. : j'ai demandé au Premier ministre "une clause de revoyure" avant fin novembre pour évaluer les dispositifs, vérifier leur efficacité et, le cas échéant, les adapter, les réajuster. Nous restons extrêmement vigilants et nous jugerons sur pièces.
S'agissant des agriculteurs en grandes difficultés, nous devons faire preuve de solidarité et d'humanité. Ces familles doivent pouvoir se réorienter avec dignité. Le silence est pire que tout, allons à la rencontre de nos voisins. Avec l'appui du réseau des chambres d'Agriculture et des MSA, c'est aussi notre mission syndicale de rechercher des solutions adaptées, nous enregistrons trop de drames dans nos campagnes, souvent dans l'anonymat. C’est pourquoi nous demandons un double dispositif de "départ anticipé" et de "reconversion professionnelle", doté financièrement.

Vous avez rencontré Phil Hogan, le Commissaire européen à l’Agriculture, au Sommet de l’Elevage. Pensez-vous pouvoir obtenir des mesures de régulation de la part de Bruxelles ?
X. B. : j'ai pu rencontrer Phil Hogan à Cournon et à Athènes. A chaque fois, je lui ai fait trois demandes.
D'abord, une prise en compte de la situation climatique et de ses impacts sur les productions végétales, en France comme dans quelques autres pays de l'UE, demande faite d'ailleurs également à Stéphane Le Foll en vue du dernier conseil agricole d'octobre.
Ensuite, j'ai abordé les sujets élevage. Comme la production laitière, la viande bovine nécessite une action volontariste, notamment en termes de soutien à l'export, pour restaurer des niveaux de prix acceptables.
Enfin, j'ai fait part de nos attentes sur la Pac, d'abord à court terme, sur un effort significatif de simplification, et à moyen terme, sur la nécessité de disposer à nouveau de quelques outils de gestion de crises et d'aléas.

Quelles ont été les réflexions lors du Congrès des agriculteurs européens, à Athènes ?

X. B. : je retiendrai de ce congrès des agriculteurs européens deux remarques majeures. Oui, il y a une demande alimentaire croissante dans le monde. Oui, l'Europe a du potentiel. Oui, les technologies apportent des solutions. Oui... mais l'Europe ne doit pas seulement protéger ses consommateurs, elle doit aussi protéger ses producteurs ! Toute réforme tient et tiendra en notre capacité d'une part à faire partager nos convictions à nos collègues européens, et d'autre part à gommer les distorsions sociales, fiscales, et environnementales, et donc à travailler à mieux d'Europe.