Beaujolais, gloire et déboires
« J’avais la sensation de vivre l’histoire en temps réel »

Rencontre avec David Bessenay, le journaliste - travaillant dans la presse agricole et viticole - qui vient de sortir une enquête sur le vignoble du Beaujolais, entre faillite et résurgence.

« J’avais la sensation de vivre l’histoire en temps réel »
David Bessenay est revenu sur son travail d’enquête ayant abouti à la publication de son dernier ouvrage sur le Beaujolais.

Les librairies sont ouvertes et il faut en profiter (avant 18h ou sur Internet). Nous vous conseillons tout particulièrement le livre de David Bessenay intitulé Beaujolais, Gloire et déboires (éditions Héraclite, 19 €). Ce journaliste du terroir, passé notamment par l’Information agricole du Rhône, revient sur son travail d’enquête fouillé, reposant sur les témoignages des principaux acteurs de cette période. 


Quand et pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre sur le Beaujolais ?
David Bessenay : Quand je couvrais l’actualité du Beaujolais pour l’Information agricole du Rhône, j’avais déjà pensé à écrire un livre sur le vignoble. Car j’avais la sensation de vivre l’histoire en temps réel. Au début des années 2000, on sentait qu’un tournant arrivait. Le Beaujolais était déjà plongé dans la crise. La période était triste entre une politique d’arrachage des vignes, la cessation d’activité pour de nombreux viticulteurs et des vins peu chers. Par la suite, j’avais aussi vécu une période de reconstruction, avec de nouvelles personnes à la tête du vignoble, des pratiques culturales différentes, un développement de la diversification des produits, etc. Je voulais donc raconter ce nouveau virage pris par le vignoble. Après cette période charnière, j’avais l’impression que ça irait pour le mieux. Finalement, ce rebond est plus long qu’on aurait pu le penser mais le Beaujolais est sur la bonne voie et ses dirigeants actuels savent où ils veulent aller.


Pour ce livre, quel ton avez-vous privilégié ? 
D.B. : C’est avant tout un travail journalistique. Si le Beaujolais présente des atouts dans sa reconstruction, il n’était pas question de masquer les erreurs du passé malgré mon fort attachement à ce vignoble. Et puis l’objectivité parfaite n’existe pas… Je voulais aussi laisser la parole aux acteurs. Ils se sont livrés à moi, très librement, avec beaucoup de sincérité et d’honnêteté. Personne n’a tenu de langue de bois. Le fait que je connaissais déjà des acteurs a forcément facilité les choses. Certains des témoignages étaient riches, intéressants mais aussi durs, traduisant la période complexe du Beaujolais. J’ai aussi voulu adopter un style sarcastique, tout en mêlant un peu l’humour pour apporter de la légèreté. Les messages passent mieux comme cela…


« Le moral est meilleur »

Justement, lors de vos échanges avec de nombreux acteurs, quelle ambiance avez-vous ressenti dans le vignoble ?
D.B. :  Globalement, on sent que le moral est meilleur. De nouveaux vignerons et des négociants sont ambitieux. Des opérateurs sont dans une bonne dynamique et le Beaujolais a bonne presse. La période d’abattement est passée et beaucoup de vignerons qui ont mal vécu le Beaujolais Bashing (dénigrement en anglais) sont repartis avec plus de confiance et des projets d’avenir. Il y a une fierté retrouvée même si tous les problèmes ne sont pas encore réglés entre les coteaux, les appellations génériques, etc.


Votre cinquième chapitre intitulé « Ingouvernable » fait allusion aux conflits entre les Hommes. Est-ce l’une des raisons de la crise du Beaujolais ?
D.B. : Les problèmes entre les Hommes n’ont pas facilité la construction du Beaujolais. Ils l’ont même ralentie. Il y avait une lutte de pouvoir. Mais je ne veux pas tout mettre sur le dos des opérateurs et des personnes présentes dans les instances durant ces années difficiles. Je crois plutôt que c’est la crise qui entraîne les querelles et les tensions. Avec une vision plus collective et stratégique, le Beaujolais aurait gagné du temps. Ces tensions ne sont pas la cause principale de la crise. Évidemment, il y a le beaujolais nouveau, ainsi que la production de vins rouges alors que la consommation se tournait progressivement vers les blancs et les rosés, et les coûts de production élevés qui n’ont pas facilité la valorisation.


Précédemment, vous affirmiez que le Beaujolais était sur la bonne voie. Les dirigeants actuels confirment que les voyants sont au vert. Mais que manque-t-il pour que ces signaux positifs soient réellement visibles ?
D.B. : Si j’avais la réponse, j’aurais occupé des fonctions à Inter Beaujolais (rire). Globalement, la situation est meilleure, même si les grands équilibres peuvent parfois fragiliser cet ensemble. En attendant, on est revenu à des vins plus traditionnels et qualitatifs qu’il y a une vingtaine d’années. C’est l’un des effets du changement climatique. La nouvelle génération de viticulteurs a produit des vins différents et vendus plus chers. Ils ont sorti le Beaujolais de l’ornière, à l’image des participants au salon Bien Boire en Beaujolais qui est devenu une référence.


Actuellement, vous êtes journaliste à Paysan de La Loire. La couverture de l’actualité du Beaujolais vous manque-t-elle ?
D.B. : Non, mais je continue de suivre l’actualité du vignoble de près. Je vis à Saint-Étienne, une ville où l’on rencontre de nombreux amateurs de gamay. Ils aiment le Beaujolais. J’ai donc la chance d’en boire et de les partager avec mes amis stéphanois grâce à des cavistes de la ville qui proposent de bonnes références.
Propos recueillis par David Duvernay