Élevage bovin
Les limites de l’affichage environnemental

Cédric MICHELIN
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La filière viande rouge redoute de se voir imposer un affichage environnemental biaisé et trompeur pour le consommateur dans la mesure où il ne prend pas en compte l’ensemble des contributions positives de l’élevage, comme le stockage du carbone dans le sol par les prairies.

Les limites de l’affichage environnemental
La ferme expérimental de Jalogny a également démonté nombre d'idées reçues et fausses données supposées sur l'impact environnemental de l'élevage.

En recevant, le 14 décembre dernier, les 150 citoyens de la Convention citoyenne, le président de la République s’est engagé à encourager le développement d’un « score carbone » (ou Yuka du carbone) pour orienter le choix des consommateurs vers des produits respectueux de l’environnement. Dans le même temps, l’administration française a publié une base de données, Agribalyse, permettant aux opérateurs économiques de proposer un « affichage environnemental » des produits, basé sur l’analyse du cycle de vie des produits (ACV). D’ailleurs certains n’ont pas tardé : ils sont en train de se lancer dans une expérimentation de l’affichage environnemental proposé par le ministère de la Transition écologique. Concrètement, pour évaluer l’impact environnemental d’un produit, la méthode consiste à quantifier ses différents impacts environnementaux tout au long de la chaîne de production, de l’agriculture à la consommation, en passant par la transformation, le transport et la logistique avant de les additionner et les rapporter ensuite au kilogramme. 

Graves incohérences 

C’est ici que le bât blesse. Cette méthode du cycle de vie, la seule à être reconnue à ce jour, pénalise très fortement les productions issues de l’élevage herbager et de l’agriculture biologique. En effet, quand il s’agit d’analyser l’empreinte environnementale des produits issus de l’élevage, on est face à un biais majeur. La méthode favorise les cycles de production les plus courts donc les plus industriels. De même, elle ne comptabilise pas l’ensemble des services rendus par l’élevage des herbivores en France, tel que le stockage du carbone dans le sol induit par les 13 millions d’hectares de prairies que compte notre pays et le maintien de la biodiversité. Au final, « une viande issue des feed lots américains affiche un score environnemental meilleur qu’une viande issue de bovins qui pâturent sur de grandes surfaces de prairies qui stockent le carbone et protègent la biodiversité », déplore l’Interprofession bétail et viandes (Interbev). Idem en Bio, label Rouge, poulet de Bresse, filière Comté...

Un affichage social

Certes, ces incohérences sont connues de longue date. Pourtant, aujourd’hui, ces données sont en passe d’être portées à la connaissance des consommateurs. C’est pourquoi Interbev, dans l’attente d’indicateurs complémentaires, demande la suspension de la base de données Agribalyse, l’allongement de l’expérimentation et le refus de tout projet d’expérimentation uniquement basé sur l’analyse du cycle de vie. Un travail de recherche a d’ailleurs été engagé dans ce sens, le projet Oekobeef en partenariat avec l’Institut de l’élevage et l’Ademe. Il vise à compléter la base de données Agribalyse en intégrant d’autres indicateurs sur la biodiversité, le stockage du carbone et le maintien des prairies non pris en compte jusqu’à présent. Interbev souhaite également que l’affichage social soit développé au même titre que l’affichage environnemental. La capacité de préserver un modèle d’élevage d’herbivores vertueux (importance de l’alimentation à l’herbe, autonomie alimentaire des élevages, complémentarité élevage et cultures) ne tiendra et ne pourra progresser qu’à la condition d’une juste rémunération de l’ensemble des acteurs de la filière, plaide Interbev, soutenue par un certain nombre d’ONG environnementales, de protection animale et d’associations de consommateurs.