RÉGLEMENTATION
La réforme du stockage des engrais ne passe pas

Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation des textes prévoyant de durcir l'encadrement du stockage d'ammonitrates. Alors que le monde agricole dénonce un signal « extrêmement négatif », l'entourage de Barbara Pompili promet d'étudier les conséquences économiques de la réforme.

La réforme du stockage des engrais ne passe pas
Le décret soumis à consultation par le ministère de la Transition écologique prévoit d'abaisser le seuil de déclaration ICPE (Installations classées pour l'environnement) de 250 à 150 tonnes pour les stocks d'ammonitrates à haut dosage, tous conditionnements confondus. ©Eco.gouv

Le texte publié le 27 janvier a surpris. À tel point que de la FNSEA à la FNA (négoce agricole) en passant par La Coopération agricole, l'Unifa (Industries de la fertilisation) mais également toutes les principales organisations des grandes cultures (AGPB, AGPM, FOP, CGB), ont dénoncé dans un communiqué du 28 janvier « un signal extrêmement négatif à l'approche des échéances électorales du printemps ». L'objet de l'ire agricole : un décret soumis à consultation par le ministère de la Transition écologique prévoyant d'abaisser le seuil de déclaration ICPE (Installations classées pour l'environnement) de 250 à 150 tonnes pour les stocks d'ammonitrates à haut dosage, « tous conditionnements confondus ». Une révision synonyme de mises en conformité pour de nombreuses installations qui disposeront entre six mois et trois ans et demi pour réaliser l'ensemble des travaux. « L'enjeu était de répondre à un risque sérieux qui porte atteinte à la vie des personnes », souligne-t-on dans l'entourage de Barba Pompili. Car le texte, rappelle-t-on, fait suite à l'explosion du port de Beyrouth en août 2020, ainsi qu'à la mission relative à la gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates, dont le rapport a été rendu en mai 2021. Mais le texte, précise-t-on, ne concerne que les hauts dosages. « Les coopératives pourront conserver le même volume de stockage en passant à des ammonitrates de moyen dosage », soit des ammonitrates avec un taux d'azote inférieur à 28 %.

Une nouvelle mission des inspections

En plus de la sécurité, reconnaît-on au ministère de la Transition, cette nouvelle réglementation permettra aussi de mieux connaître les installations stockant des ammonitrates, dont le nombre restait inconnu faute d'être soumises au régime ICPE. Mais la profession a déjà fait ses calculs et estime que 30 à 50 % des sites de stockage de proximité pourraient fermer. Car la réforme, selon les évaluations des OPA, pourrait entraîner « des investissements supplémentaires conséquents évalués entre 80 000 et 120 000 euros par exploitation agricole ». « Nous allons avoir des tensions logistiques », prévient François Gibon, délégué général de la Fédération du négoce agricole. « C'est une surréglementation dans un contexte de prix tendus qui va pénaliser les agriculteurs », abonde Florence Nys, directrice générale de l'Unifa. La filière, rappelle-t-elle, avait d'ailleurs soumis un plan d'action à l'issue de la mission gouvernementale avec d'autres seuils révisés, mais ses propositions « n'ont pas été retenues ». Or la pandémie, soulignent les OPA dans leur communiqué, « a rendu particulièrement difficiles les livraisons d'engrais ». En cette fin février, alors que les épandages de printemps se rapprochent, le nouveau cadre réglementaire rendrait « intenable un approvisionnement correct des producteurs ». Et le texte en consultation, tranchent-elles, représente dans ce contexte « un énième arbitrage réglementaire sans fondement scientifique ». Face à la grogne du monde agricole, l'entourage de Barbara Pompili a demandé à ses services « d'examiner dans quelles mesures les filières ont besoin d'un accompagnement qui pourrait passer par des aides ». Le cabinet rappelle aussi le délai de trois ans et demi accordé pour les mises en conformité. « Les prescriptions que nous imposons le plus tôt sont celles qui n'exigent pas de travaux particuliers », comme la séparation des tas, la présence d'extincteurs ou le nettoyage des sites.

I.L