Non, les éoliennes ne servent pas qu’à produire de l’énergie renouvelable. Ces dispositifs peuvent vous aider à combattre le gel radiatif. Explications de Thomas Canonier, du Vinipôle.
L’utilisation d’éoliennes dans la lutte contre le gel ne date pas d’hier. En effet, il existe deux types de gels dont l’advectif, comme celui que nous avons connu en 2021. Il arrive très tard et est marqué par du vent. L’éolienne dans ce cas est impuissante.
Puis, il y a le gel radiatif, printanier, qui touche la Bourgogne depuis un certain nombre d’années, dû au refroidissement de l’air par le sol. Il en résulte un phénomène de radiation et donc des pertes calorifiques. Le gel radiatif frappe en période d’anticyclone, de stabilité, sans vent, avec une stratification des masses d’air. L’air froid, plus dense, se niche en bas des coteaux. Plus on remonte en altitude, plus les températures remontent. Pour donner un exemple de situation de gel radiatif, on peut avoir plusieurs degrés d’écart, à l’échelle d’une parcelle qui est en pente, entre le haut et le bas du coteau. « Nous l’avons mesuré au Vinipôle sur une parcelle à Fuissé », précise Thomas Canonier. Le principe de l’éolienne, qui est utilisé depuis longtemps dans cet objectif, est de mettre en convection ces masses d’air et d’apporter la masse d’air qui se trouve en hauteur pour l’envoyer vers le bas, là où se concentrent les masses froides et, par la même occasion, les chasser. « Ces systèmes sont utilisés depuis longtemps en Champagne, dans le val de Loire et, plus près de chez nous, à Chablis » explique le conseiller Vinipôle.
Étant donné que le département est de plus en plus souvent victime du gel avec les hivers doux et le débourrement précoce, les viticulteurs sont en demande et investissent dans des tours antigel qui reposent tous sur le même principe. Il en existe plusieurs modèles. Certaines sont fixes, sur des mâts qui font en moyenne 12 mètres de haut, et disposent de deux, quatre ou cinq pales. Plus on augmente le nombre de pales, plus on crée un mouvement laminaire et plus le bruit généré par l’éolienne est faible, mais c’est aussi plus cher. Pour comprendre cet effet, Thomas Canonier donne un exemple concret : « lorsque vous descendez la vallée du Rhône, juste avant Tain-l’Hermitage, vous voyez des éoliennes à deux pales qui sont moins chères mais qui font plus de bruit ». Les éoliennes fixes sont équipées d’une tête qui tourne sur elle-même et que l’on peut orienter pour créer une turbulence.
Éolienne mobile chauffante
Il existe également des éoliennes mobiles, qui sont les plus utilisées dans nos secteurs. Elles sont attelées à des remorques ou des tracteurs. Sur ces dispositifs, le bras se lève et monte à environ huit mètres. Ces éoliennes sont équipées, en moyenne, de trois ou quatre pales et tournent le plus souvent à l’essence ou au diesel, éventuellement au gaz naturel, car il y a de plus en plus de vols de carburant. Il est ensuite possible de les coupler à une production de chaleur. Certains viticulteurs font des feux au pied des tours, il existe des systèmes de canon d’air chaud ou tout autre type de dispositif placé sous l’éolienne pour créer une masse d’air encore plus chaud. Autre possibilité, l’éolienne peut produire elle-même de la chaleur avec du gaz naturel et donc envoyer directement de l’air un peu plus chaud. Ce sont des systèmes que l’on rencontre notamment à Chablis. Plus on chauffe, plus l’éolienne est efficace en l’absence de vent.
Un mouvement d’air collectif
« L’un des axes de développement que nous souhaiterions mettre en place au Vinipôle, serait de créer des collectifs qui permettent de coupler le fonctionnement d’une éolienne. Dans un gel radiatif classique, le fait de coupler plusieurs éoliennes permettrait de créer des flux d’air plus important et de couvrir des zones plus larges. Nous sommes en phase de test » conclut Thomas Canonier.
Il existe des subventions pour investir dans un tel dispositif, bien que le prix des éoliennes ait augmenté ces dernières années. La meilleure solution reste donc la démarche collective, pour le montage financier, mais aussi pour l’organisation, qui évite de faire porter toutes les charges à une seule personne et ainsi mutualiser.
Pour un tel projet, il ne faut pas non plus oublier l’approche riverain. Les éoliennes peuvent faire peur, générer des nuisances sonores, faibles mais existantes, il ne faut pas les nier, même si ici l’utilisation est ponctuelle. Mieux vaut donc les prévenir avant sur le cisaillement du bruit du vent qui peut être perçu par les riverains, sans oublier le bruit de l’éolienne en elle-même, qui est un ″gros ventilateur″. Les constructeurs font des éoliennes multipales pour limiter l’effet bruit, mais cela à un coût.
Les éoliennes antigel protègent les vignes sur environ 4 ha chacune, jusqu’à - 4 °C et le démarrage doit se faire en températures positives. Certaines éoliennes, connectées à une sonde, alertent le viticulteur dès que la température baisse à 1 °C. Dans ce cas, on étudie le vent et la couverture nuageuse pour décider d’allumer, ou non, sa tour. Enfin s’il est essentiel de bien placer sa, ou ses, tour(s) sur son exploitation, établir la topographie d’un secteur donné permet d’harmoniser le placement des éoliennes de viticulteurs voisins, équipés d’éoliennes, afin de s’assurer que les tours installées dans chaque domaine œuvrent dans le même sens plutôt que de repousser des flux en sens contraires, ce qui aurait pour effet de réduire, voire d’annuler l’efficacité de la lutte contre le gel.