Vinipôle
Vitilab : une station météo faite maison

Ariane Tilve
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Contrôler l’hygrométrie et les températures de son vignoble permet d’anticiper le gel et de lutter contre des maladies comme le mildiou. Pour cela rien de tel qu’une station météo, mais le prix de l’équipement peut en rebuter certains, sachant que sur le marché les tarifs peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros. La solution ? C’est Vitilab qui la propose.

La station météo à faire soi-même, grâce au Vitilab.
La station météo à faire soi-même, grâce au Vitilab.

Fabriquer soi-même sa station météo c’est LA solution facile et pas chère pour contrôler des données essentielles pour la santé des vignes, mais aussi et surtout pour comprendre la logique des objets connectés qui ont vocation à faciliter la vie des viticulteurs et de tous les autres exploitants agricoles. À l’origine de ce projet, Guillaume Paire, responsable du Vitilab de Davayé et passionné de vignes autant que de nouvelles technologies. Un passionné pédagogue, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné. Il nous accueille dans son Fablab, un laboratoire niché dans d’anciens containers transformés en locaux dédiés à l’innovation, en plein cœur du Vinipôle. Dans ce laboratoire on trouve, entre autres petites merveilles de technologie, un découpeur laser pour le bois et le plastique, une fraiseuse numérique qui nécessite trois jours de formation pour pouvoir graver et utiliser de l’aluminium, par exemple, et deux imprimantes 3D, dont l’une permet de fabriquer des stations météo. « Nous avons créé ces petites stations en partant de problématiques de terrain. Les vignerons voulaient mesurer la température et l’hygrométrie sachant que l’objectif, en expérimentation, est d’être au plus près du cep. Il existe sur le marché des produits plus performants mais aussi plus onéreux que ceux que nous fabriquons ici ».

À faire soi-même, do-it-yourself !

Pas question pour Guillaume Paire de fabriquer puis de vendre ces stations. Il insiste sur le fait que le rôle du Vitilab n’est pas de vendre quoi que ce soit mais plutôt d’expérimenter, de former, d’accompagner. Il a donc proposé aux vignerons d’apprendre à fabriquer eux-mêmes l’appareil, en contrepartie d’un défraiement pour le matériel d’environ 50 €, quel que soit l’âge ou le niveau d’affinités avec les nouvelles technologies de l’élève. La formation est prise en charge par la Chambre d’agriculture. Mais avant de pouvoir la proposer, le Vitilab - c’est-à-dire Guillaume Paire mais aussi des intervenants pour la 3D, la domotique, etc. - a travaillé en amont durant plusieurs mois pour dessiner le prototype de la station en 3D, sur logiciel. « Nous avons créé cette boîte (voire photo) munie d’un capteur. À l’intérieur, il y a une carte numérique et des petites batteries, un microcontrôleur et, derrière, le capteur qui récupère la température libre en météo. Le principe est simple : une boîte. Le plus difficile a été de fabriquer les petites assiettes qui s’impriment en une seule pièce et dont le rôle est de refléter les UV et de chauffer les capteurs ». Une fois dessiné virtuellement sur logiciel, le prototype est fabriqué par l’imprimante 3D.

Ou plutôt devrait-on dire les prototypes, puisqu’il a fallu moult essais avant d’en arriver à ce modèle qui ne convainc toujours pas entièrement le responsable du Vitilab. « Avant d’arriver à ce prototype, nous avons fait plusieurs tentatives, plus ou moins réussies. Il y a eu des modèles avec plus d’espace de rangement pour y ajouter des piles et augmenter l’autonomie. Nous avons, aujourd’hui encore, ce que je considère comme un prototype qui peut toujours être amélioré ».

Le capteur a été conçu avec une encoche pour être placé sur les fils de fer présents dans les vignes. « Nous sommes sur des parcelles gélives, l’appareil est donc avant tout un outil de pilotage du gel. On récupère des températures en temps réel pour anticiper le gel ». Utile donc pour savoir quand déclencher son dispositif que ce soit éoliennes, bougies ou autres et ainsi limiter les coûts et les économiser, 2021 ayant montré des ruptures sur certains types de bougies.

« La station est également un récepteur de valeurs hygrométriques, capable d’anticiper des maladies comme le mildiou. Elle peut aussi mesurer les températures et, lorsqu’il fait très chaud, permettre d’évaluer l’évapotranspiration. ». À l’intérieur du boîtier de cette petite station, on trouve un véritable mini-ordinateur muni d’une RAM (mémoire vive), de capacité de stockage et d’un microprocesseur ESP32 qui fait wifi, Bluetooth… « L’avantage, c’est que l’on peut tout faire avec ce type d’appareil. L’inconvénient, c’est que c’est plus gourmand en énergie », précise Guillaume Paire.



Un réseau Long Range (Lora)



La spécificité de cette technologie est donc qu’elle est équipée d’une antenne réseau Lora qui fonctionne avec des basses fréquences sur d’importantes distances. Il y a, dans ce cas, deux options pour récupérer les données stockées dans la station, en l’occurrence la température et l’hygrométrie. Envoyées sur un récepteur d’information de la taille d’un chargeur de piles que l’on peut brancher sur n’importe quelle prise, les données sont ensuite renvoyées sur ″The Thing Network″, un réseau communautaire et open source qui permet de réceptionner la data des objets connectés, et ce dans un rayon de six kilomètres, à condition que la topographie (vallée, bois…) des lieux ne pose pas de problème et ne face des masques ou obstacles. En clair, on se connecte sur une plateforme Internet pour voir apparaître la courbe de températures et les mesures hygrométriques captées par la station météo. Aujourd’hui, tout le monde est habitué à avoir des données sur son téléphone grâce notamment à la 4G, mais celle-ci est très gourmande en énergie. Si on utilisait une telle technologie, il nous faudrait quatre batteries pour tenir trois mois. Le Long range porte loin et consomme peu d’énergie pour faire passer l’information.


La Vinibox pour les cuves


« Nous en avons fait un dérivé qui s’appelle la Vinibox dont le contrôleur, la sonde est un petit peu différent », ajoute Guillaume Paire. Destinée au cuvage, la Vinibox dispose d’un capteur que l’on peut placer dans chaque cuve pour en connaître la température en temps réel. « Lorsque l’on vinifie, ce qui est long le matin, c’est de faire le tour de toutes les cuves pour connaître les températures. Là, il suffit de se connecter à l’interface pour avoir l’ensemble des données ».

Le prix de revient d’un instrument de ce type est en moyenne de 50 € TTC, tout comme pour la station météo faite soi-même. Pour équiper dix cuves, c’est donc un investissement de 500 € et 100 € d’antenne. Imbattable !