Vinosphère
De sombres perspectives côté CHR

Régis Gaillard
-

L’édition 2021 de Vinosphère était, une fois n’est pas coutume, 100 % digitale. Pour une franche réussite avec des interventions toujours aussi pertinentes sur des sujets aussi cruciaux que le Covid-19 et les changements climatiques.

De sombres perspectives côté CHR

En lieu et place de la grand-messe annuelle habituellement programmée à Beaune, place en cette matinée du jeudi 25 février à une édition digitale qui sera, sans aucun doute, renouvelée dans le futur avec des présentations qui n’ont nullement pâti de la dématérialisation et une réelle interaction en compagnie des professionnels installés derrière leur écran.

Covid-19 bien évidemment

La version 2021 était découpée en deux parties. Avec, dans un premier temps, une thématique consacrée à la pandémie.

Directeur France de Wine Intelligence, Jean-Philippe Perrouty s’est intéressé aux impacts conjoncturels et structurels du Covid-19 sur les marchés du vin sur sept marchés à l’export : Allemagne, Australie, Canada, Chine, États-Unis, Grande Bretagne et Suède. Avec des mesures réalisées entre mars et août 2020. Sur les huit premiers mois de 2020, les clients ont consommé du vin de façon plus fréquente qu’en 2019. Une hausse des fréquences de consommation due à une croissance portée par un public féminin et par la génération X. À noter que la consommation hors repas a également gagné du terrain. Avec, notamment, les apéritifs virtuels qui se sont amplifiés et qui restent relativement stables entre avril et août 2020. À souligner aussi que le fait de boire un verre de vin à midi s’est développé. Avec, toutefois, un recul pendant l’été. Par contre, partout, la dépense moyenne s’est repliée. On note toutefois quelques signes de reprise pendant l’été 2020, surtout en Chine. D’autre part, le consommateur se tourne vers ce qu’il connaît ; dans les pays producteurs, cela se traduit par un repli sur les vins domestiques. On remarquera aussi le développement des grands formats. Alors, qu’au début de la pandémie, ont été observés des achats plaisir, plus chers, force est de constater que cela n’a pas duré. La priorité des ménages a été de maîtriser leur budget dans une période d’incertitude.

Bien évidemment, côté CHR, la fréquence de consommation s’est effondrée au printemps 2020. Une reprise sensible a été observée lors de la période estivale, mais à des niveaux moindres qu’avant le Covid-19. Il y a de la part de bon nombre de consommateurs une certaine réticence à retourner en CHR. Par ailleurs, partout les achats de vin online (sur le web) se sont fortement développés. Une tendance qui semble être solide, particulièrement aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Chine. Ceci est porté par un public plus jeune et plus impliqué que la moyenne. Parfois, cette tendance s’accompagne d’un développement de circuits relativement courts. En guise de conclusion, Jean-Philippe Perrouty a rappelé que « dans la plupart des pays, il y a eu d’importants reports de consommation depuis les CHR vers le domicile. Outre une dépense moyenne orientée à la baisse, les consommateurs se sont recentrés vers les basiques, connus, du pays ». Et d’évoquer de sombres perspectives côté CHR alors que « le développement du e-commerce semble être solide », ouvrant de réelles possibilités de croissance dans certains pays.

Le e-commerce encore balbutiant

Pour sa part, Jérémy Robiolle de Xerfi Specific a analysé le e-commerce du vin entre perspectives du marché et impact de l’actuelle pandémie. L’occasion de rappeler que la consommation de vin en France ne cesse de chuter depuis 2017, avec une baisse de 4 % rien qu’en 2020. Une chute que le e-commerce pourrait permettre de pallier lorsque l’on constate son importance grandissante, exponentielle dans le monde, avec un chiffre d’affaires de 100 milliards d’euros en 2019 et 110 milliards en 2020. En France, lorsque l’on observe le e-commerce, le vin augmente beaucoup plus vite que les autres secteurs. Un produit qui, il est vrai, partait aussi de plus loin. La croissance a été très marquée entre 2014 et 2017 (environ 32 %) avant de ralentir un peu ensuite, tout en ayant une croissance à deux chiffres (20 %), deux fois plus vite que les autres secteurs. En 2019, le e-commerce représentait 5,5 % du marché du vin avec 481 M€. En 2025, il pourrait représenter de 8 à 9 % des ventes avec près de 900 M€ de chiffre d’affaires. L’une des inconnues prend la forme d’Amazon et le rôle joué dans le futur par cette entreprise, formidable accélérateur de e-commerce. Concernant ce e-commerce, reste encore aux entreprises du Net à trouver un modèle qui soit rentable, ce qui est encore peu le cas aujourd’hui. Il leur faudra non seulement rationaliser leurs offres, mais aussi améliorer les services de livraison et enrichir l’expérience d’achat. Beaucoup demeure encore à faire sur la toile entre créations de partenariats avec les géants du web, ouverture de sa propre marketplace ou encore création de sa propre boutique.