Réchauffement climatique
Les bovins viande s’adapteraient...

Marc Labille
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L’Autunois-Morvan a fait l’objet d’une étude pour évaluer les impacts du réchauffement climatique sur la production de viande bovine. Baptisé Climaviande, ce projet national, conduit par l’Institut de l’élevage et financé par Interbev, permet d’ores et déjà d’anticiper l’adaptation des exploitations au climat futur. 

Les bovins viande s’adapteraient...
Dans l’Autunois, comme ailleurs en Saône-et-Loire, le réchauffement climatique devrait obliger à réaliser davantage de stock au printemps pour en redistribuer une partie durant les sécheresses estivales.

Avec des sécheresses et des canicules qui désormais se répètent, l’élevage bovins allaitant se voit confronté durement au réchauffement climatique. Pour anticiper des pistes d’adaptation à cette nouvelle donne, Interbev a financé Climaviande, une étude visant à évaluer les impacts du changement climatique sur les élevages. Conduit par l’Institut de l’élevage, ce programme a porté sur trois territoires français : bassin limousin, Pays de Loire et bassin charolais. Pour ce dernier, c’est le nord-ouest de la Saône-et-Loire qui a été retenu (l’Autunois-Morvan) et la chambre d’agriculture a été la partenaire de terrain de ces travaux inédits.

Dans chacune des zones étudiées, le projet entendait décrire les évolutions du climat à l’horizon 2050. Il s’agissait aussi d’évaluer les impacts concrets du changement climatique sur les cultures fourragères et les systèmes d’élevage de ces zones et de proposer des leviers d’adaptation.

« Crash test climatique »

La première étape a consisté en un état des lieux des régions concernées avec le relevé des données météo et la caractérisation des itinéraires techniques des exploitations sondées (rendements, dates de semis, mise à l’herbe, vêlage, récolte, fertilisation, etc.). Ce travail a été conduit par les conseillers de la chambre d’agriculture avec un groupe d’agriculteurs du secteur (La Grande-Verrière, Tavernay, Monthelon). 

Pour décrire les tendances climatiques, les experts se sont appuyés sur les modèles existants (Météo-France). Une simulation des aléas climatiques a été effectuée permettant d’envisager les impacts sur les cultures fourragères. 

Éleveurs, experts et conseillers ont pris part à un « Rami Fourrager », outil de « co-conception » imaginé par l’Inrae permettant « de modéliser et de reconfigurer un système ». Partant d’un exemple représentatif des pratiques locales (120 vaches, 155 ha, 2 UTH, finition des vaches, génisses et taurillons, ensilage de maïs) et basé sur les références fourragères moyennes de la période 1989-2018, ils se sont projetés dans les conditions du futur (2035-2064). Le modèle a même subi un « crash test climatique », c’est-à-dire qu’il a été soumis à un aléa climatique typique du futur, de sorte à imaginer la meilleure manière de s’y adapter.

Moins de gelées, plus de canicules…

Le climat actuel de la région d’Autun se caractérise par des températures plutôt fraîches et des précipitations supérieures à ce qu’elles sont dans d’autres zones de la région. Sur les dernières décennies, les températures moyennes sont en légère augmentation dans l’Autunois-Morvan. Mais cette hausse est trois fois moins élevée que dans le Mâconnais, observe-t-on. Dans le futur proche, les températures n’augmenteraient que de l’ordre de + 1 degré dans l’Autunois. Mais dans la seconde moitié du siècle, le réchauffement s’accélèrerait notamment en ce qui concerne les maximales. Concrètement, il continuerait à geler en hiver, mais moins fort. En revanche, le nombre de jours caniculaires serait en forte hausse. 

Sécheresses plus fréquentes

Les simulations agronomiques révèlent que l’augmentation de température n’aurait pas que des effets négatifs. Au printemps, cette augmentation pourrait permettre d’avancer la mise à l’herbe (jusqu’à quinze jours plus tôt dans un futur lointain). Mais en été, l’augmentation des épisodes caniculaires impliquerait un arrêt de la croissance de certaines espèces prairiales et un stress thermique plus ou moins marqué chez les animaux, confirme-t-on.

L’évolution de l’évapotranspiration et du cumul de précipitations n’augureraient rien d’alarmant. Mais les précipitations, déjà très variables d’une année sur l’autre, continueraient de l’être dans le futur en amplifiant même cette hétérogénéité. L’augmentation de l’évapotranspiration consécutive à celle des températures contribuera à accentuer la précocité du déficit hydrique estival : sécheresses plus fréquentes, plus prononcées et plus précoces, surtout sur les sols superficiels morvandiaux.

Printemps précoce

Les simulations réalisées mettent en évidence un démarrage en végétation plus précoce accompagné de bonnes conditions au printemps, qui permettraient ainsi d’avancer la mise à l’herbe, les premières coupes et les semis des cultures de printemps. Conséquence de l’augmentation des températures, les rendements resteraient stables voire en légère hausse pour ces récoltes précoces, malgré un cycle de croissance raccourci.

En été, l’augmentation du déficit hydrique se traduirait par un ralentissement de la croissance de l’herbe plus marqué et plus long. Ce creux d’été, déjà récurrent en sols superficiels, serait plus intense à l’avenir. En revanche, la reprise automnale pourrait se prolonger en fin de saison.

L’herbe pousserait donc plus tôt au printemps et plus tard à l’automne, mais avec un ralentissement d’été plus marqué. Si un gain de rendement est possible dans le futur, celui-ci se ferait essentiellement par la période de printemps, évalue-t-on.

En ce qui concerne le maïs, on observerait une avancée des dates de floraison et de récolte : jusqu’à 20 jours de gagnés à la floraison et jusqu’à 40 jours à la récolte sur une centaine d’années. Cela autoriserait des variétés plus tardives. Mais il faudra cependant attendre la deuxième partie du siècle pour voir s’éloigner le risque de températures trop froides pour le développement du maïs dans l’Autunois-Morvan. Et si les rendements devraient être stables ou en légère hausse, leur variabilité d’une année à l’autre risque de s’accentuer du fait des sécheresses et des excès de températures inhabituels.

Davantage de stocks

À l’échelle des exploitations, ces évolutions risquent d’aller dans le sens d’un accroissement de la part d’herbe stockée, à la fois du fait d’un pic de production printanière accru et de besoins nouveaux d’affouragement en été. L’adaptation serait alors de distribuer cet excédent de printemps aux animaux en été. La période de plein pâturage sans distribution de fourrage serait raccourcie à quatre mois seulement. Une évolution qui ne va pas dans le sens de la réduction du travail, note-t-on. Aucune baisse de chargement n’est envisagée dans le futur proche, mais la quantité de fourrage à stocker par UGB serait accrue.

Au regard de ces simulations et dans la conjoncture économique actuelle, les éleveurs de l’Autunois ne remettraient pas en cause l’engraissement, excluant de fait une conversion des taurillons en broutards et maintenant la finition des femelles.

Pour parer au déficit fourrager provoqué par un aléa climatique attendu en moyenne une année sur cinq, la solution serait de constituer un stock de secours en générant des excédents quatre années sur cinq. Une « auto-assurance » plébiscitée par les éleveurs, mais qui a un coût.

Des marges de manœuvre

Des solutions agronomiques sont évoquées avec par exemple la culture de méteils ou des doubles fauches précoces, dans la limite des débits de chantier et des fenêtres météorologiques propices. L’accroissement de la sole céréalière est une autre option envisageable. Enfin, la luzerne est un levier d’adaptation intéressant tant elle serait favorisée par ce nouveau contexte climatique.

L’analyse agronomique de l’impact du réchauffement climatique donne un scénario plus contrasté qu’attendu. Si l’accroissement des sécheresses et des températures excessives mettra à rude épreuve les exploitations allaitantes, il pourrait exister aussi des impacts plus positifs (accroissement des rendements, mise à l’herbe plus tôt). Du coup, tout du moins dans un futur proche, les choix des éleveurs ne seraient pas remis en cause et le système naisseur-engraisseur de la région aurait encore des possibilités d’adaptation et des marges de manœuvre.

Le CO2 augmente les rendements

Les résultats des simulations sont la conséquence de l’évolution du climat et de l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère. Une augmentation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère serait en effet à l’origine d’une augmentation des rendements pouvant aller jusqu’à 10 % dans le futur proche voire, 20 % en fin de siècle. L’augmentation de la concentration en CO2 agit sur l’efficacité de la photosynthèse et l’intensité des échanges entre la plante et l’atmosphère via l’ouverture des stomates. Cet effet bénéfique pour la productivité a été pris en compte dans le modèle utilisé dans Climaviande.