EARL de Courtil à Melay
A Melay, l'EARL de Courtil produit du lait et des bœufs économes

Marc Labille
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A Melay, Rodolphe Besançon nourrit 85 laitières et 70 bœufs sur seulement 114 hectares. Au cœur de ce système, l’herbe permet de produire du lait et de la viande à peu de frais moyennant du pâturage dynamique, des fauches précoces et du méteil.  

A Melay, l'EARL de Courtil produit du lait et des bœufs économes
Grâce au pâturage dynamique, Rodolphe Besançon parvient à « produire du lait à pas cher ».

À Melay au sud de Marcigny, Rodolphe Besançon est à la tête d’une exploitation laitière avec un troupeau de 85 prim’holstein pour une production de 610.000 litres de lait. Sur seulement 114 hectares, l’élevage totalise plus de 200 UGB. Depuis quelques années, l’EARL s’est mise à garder tous ses veaux pour produire des bœufs de 3 ans. Grâce à la semence sexée, Rodolphe fait produire des femelles de renouvellement à ses bonnes génisses et les autres femelles donnent des veaux purs et croisés limousin ou blanc bleu belge destinés à faire des bœufs. Bien que restant trois ans sur l’exploitation, ces animaux sont économes à produire, fait valoir l’éleveur. Ils sont en effet élevés à l’herbe de fin mars à fin novembre. En hiver, ils sont nourris avec de l’ensilage d’herbe et du foin. Pour leur finition, les refus des vaches laitières suffisent la plupart du temps ou alors, ils reçoivent une complémentation d’environ 2 kg de farine par tête, indique Rodolphe qui ajoute : « aujourd’hui, c’est un atelier qui rapporte de l’argent à peu de frais ». Ces bœufs dégagent en effet une marge de 600 à 700 € par animal, a calculé Denis Chapuis, le conseiller de la Chambre d’agriculture qui suit l’exploitation. Il faut dire que l’élevage profite de la remontée du prix de la viande et de la demande des industriels. De 2,60 € le kilo de carcasse, le prix de ces bœufs laitiers est passé à 4,90 €. Ils sont livrés à Sicarev qui en a besoin pour sa filière steak haché. Les bœufs de Rodolphe donnent entre 400 et 460 kg de viande.

Des bœufs et du lait à l’herbe

Cette production de bœufs est un très bon complément aux vaches laitières, y compris vis-à-vis de la ressource herbagère. « Les bœufs mangent de l’herbe que les laitières ne mangent pas », confie Rodolphe. Sur cette exploitation limitrophe de la Loire, les vaches laitières ont toujours pâturé. Mais au bout de trois ou quatre jours, dans une même parcelle, leur production de lait baissait, se souvient l’éleveur. Pour la campagne 2019-2020, profitant de la reprise d’une parcelle attenante à l’exploitation, la famille Besançon a décidé de passer au pâturage dynamique.

Les vaches ont accès à une trentaine d’hectares de prairies divisées en une trentaine de paddocks. Elles changent de paddock chaque jour, ce qui leur permet d’ingérer constamment de la bonne herbe. Les laitières de l’EARL de Courtil vont au pâturage dès le 10-15 mars avec l’objectif de produire le maximum de lait au printemps. Elles continuent de recevoir une petite ration de 10-15 kg de matière sèche (MS) le soir. Mais le coût de ration n’est plus que de 70 €/1.000 litres de lait produits contre 177 € en hiver, fait valoir Rodolphe. Les vaches conservent aussi une petite complémentation au distributeur automatique de concentrés, mais elles n’ont pratiquement plus besoin de tourteau grâce à la richesse azotée de l’herbe pâturée.

Aménagé pour le pâturage dynamique

Pour permettre cette gestion en pâturage dynamique, la famille Besançon a réalisé un certain nombre d’aménagements. De la stabulation, les vaches ont accès à trois blocs de paddocks. Ces paddocks sont desservis par des chemins empierrés et renforcés par du géotextile. Ils sont délimités par des clôtures électriques. Ces clôtures sont fixes dans les parties non fauchées et mobiles dans les parcelles récoltables. Les éleveurs les démontent chaque hiver pour permettre l’épandage de lisier au mois de février.

Chaque paddock est muni d’un abreuvoir alimenté par l’eau de la ville. Rodolphe et son père ont installé tout le réseau nécessaire à l’alimentation d’une vingtaine d’abreuvoirs. Les tuyaux sont enterrés avec l’alimentation électrique des clôtures. Chaque baquet d’abreuvement dispose de sa propre vanne de coupure.

« Elles y vont en courant ! »

Le coût total de ces aménagements - les terrains les plus humides ont été drainés - avoisine les 10.000 € (terrassement, plomberie, clôtures, géotextile…), évalue Rodolphe. Mais leurs bénéfices sont nombreux, à commencer par la fonctionnalité des équipements. À la sortie de la stabulation, un jeu de barrières et de fils permet de diriger les vaches vers l’un des trois chemins menant aux trois blocs du pâturage dynamique. Chaque matin, en allant chercher les vaches pour la traite, Rodolphe ouvre un nouveau paddock. Les vaches le rejoignent toutes seules après la traite et le soir, elles reviennent d’elles-mêmes pour une nouvelle traite avant de retourner dans leur paddock. « Elles y vont en courant ! », rapporte l’éleveur qui estime avoir gagné du temps par rapport à l’époque où le troupeau devait être conduit chaque jour au pré par la route. Le passage au pâturage dynamique a fait gagner en production laitière. « Les vaches consomment une herbe plus riche et elles en gaspillent moins. À l’herbe, la production par vache descend à 22-23 contre 26-27 litres en hiver, mais c’est du lait produit à pas cher et on tire moins sur les animaux », conclut Rodolphe.

 

Ensilage d’herbe, méteil et sur-semis pour plus d’autonomie

Dans son objectif de maîtriser ses coûts de production, Rodolphe Besançon optimise l’autonomie de son élevage. L’ensilage d’herbe est récolté dès le 15-20 avril. Cette coupe précoce concerne aussi certains paddocks du pâturage dynamique dont la pousse est trop avancée. Fertilisés à nouveau, ils peuvent à nouveau être pâturés en mai, signale Rodolphe. L’ensilage d’herbe à dominante ray-grass/trèfles affiche des valeurs de 1,06 unités fourragères (UF) pour 40 à 50 % de matière sèche et 21 de matière azotée totale (MAT), détaille l’éleveur. Depuis 4-5 ans, l’EARL cultive aussi du méteil qui lui procure entre 4 et 8 tonnes de matière sèche supplémentaires pour des valeurs de 0,8 UF et 15 à 18 de MAT. Ensilage d’herbe et méteil fournissent ainsi entre 11 et 18 tonnes de matière sèche à l’exploitation, fait valoir Rodolphe. Méteil et prairies temporaires sont cultivés en rotation avec du maïs et des céréales. Sur des terres argilo-limoneuses, l’éleveur a abandonné le labour en 2016. Il pratique le sur-semis sur les prairies dégradées par la sécheresse. À raison de 30 kg/hectare, le mélange implanté est composé de ray-grass hybride, de dactyle, de fétuque, de plusieurs trèfles et d’un peu de ray-grass anglais, détaille Rodolphe.