« Visite bout de champ » à Curgy
Les cultures s’adaptent et se diversifient

Marc Labille
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Le 17 mars dernier, une dizaine d’agriculteurs se sont retrouvés à Curgy pour une « visite bout de champ » organisée par la chambre d’agriculture en partenariat avec Agri-Sud-Est. En visitant des parcelles de blé, lupin, féveroles, méteils, il a été question d’adaptation au changement climatique et de systèmes d’élevages plus autonomes.

Les cultures s’adaptent et se diversifient
Visite d’une parcelle de méteil (chez Frédéric et Jean-Pierre Naudin) implanté début octobre : féverole, vesce, pois, triticale, seigle…. La conduite du méteil ne nécessite aucun produit phyto. Le semis assez épais permet de contenir les adventices.

Animées cette année par Julie Lausoeur, conseillère de secteur, Antoine Villard, conseiller grandes cultures à la chambre d’agriculture et Denis Perrigueur d’Agri-Sud-Est, les « visite bout de champ » existent depuis une vingtaine d’années sur ce territoire de l’Autunois. Tous les ans, le groupe d’éleveurs se réunit une première fois à la sortie de l’hiver pour un état des lieux des cultures. C’est aussi l’occasion d’échanger sur les pratiques, de prendre connaissance des dernières infos techniques et règlementaires… Bien que située au pied du Morvan et du plateau d’Antully, la zone possède des sols diversifiés où sont implantées des cultures dont certaines de vente. L’intérêt des agriculteurs du groupe pour les productions végétales est aujourd’hui renforcé avec le besoin d’autonomie alimentaire des élevages dans un souci de maîtrise des charges. 

Accueilli sur l’exploitation de Jérôme Lhoste, le groupe a effectué un tour de plaine avec au menu du blé, du lupin, de la féverole et du méteil. Comme le confirmait Antoine Villard dans un bilan de l’année climatique, le colza autrefois présent à Curgy a disparu des rotations. En revanche, des cultures protéagineuses ou à vocation fourragère font leur apparition. 

La difficulté des semis de fin d’été

Revenant sur la sécheresse exceptionnelle de 2020 et ses conséquences désastreuses sur les cultures, Antoine Villard insistait notamment sur le fait qu’il sera de plus en plus compliqué de semer fin août-début septembre. Alors que l’on nous promet des étés de plus en plus chauds et secs, les semis de colza et de prairies temporaires risquent d’être remis en cause à cette période. Pour le conseiller, cette nouvelle donne climatique implique de devenir plus « opportuniste » en se tenant prêt à semer de début août à fin septembre, quand la météo le rendra possible. Cette approche implique aussi de limiter autant que possible les frais (semences, désherbage…).

Pour l’implantation des prairies, une technique prometteuse consiste à les semer dans des méteils fourragers en octobre, indiquait Antoine Villard. Une fois le méteil récolté au printemps, la prairie, qui a été protégée du gel en hiver, reprend son développement.

Fertilisation : adapter aux besoins

En visitant une parcelle de blé cultivée par Jérôme Lhoste, Antoine Villard s’est attardé sur la fertilisation azotée de la céréale. Cette année, le premier apport a pu être réalisé fin février et le second apport vers le 8-10 mars. Le dernier apport, quand il a lieu, est à prévoir au stade dernière feuille. Face à des éleveurs, le conseiller grandes cultures a fait part d’une évolution des préconisations dans la fertilisation azotée. En effet, aujourd’hui, on incite à adapter les apports aux besoins réels de la plante. Or, la courbe de croissance du blé encourage à faire baisser le premier apport, lequel est passé de 50 à 40 unités et qui pourrait même descendre à 30 unités, révélait Antoine Villard. Par contre, le blé a besoin de beaucoup d’azote de mi-mars à mi-avril quand la plante est à son maximum de pousse. Dans tous les cas, il ne faut pas mettre plus de 80 unités d’un coup et avoir en tête que le blé absorbe trois unités par quintal produit. Le conseiller rappelait que c’est la bonne gestion de l’azote qui permet de gérer la verse et donc de se passer de régulateur.

Variétés résistantes pour éviter les traitements 

En termes de maladies, c’est la météo de fin-mars et du mois d’avril qui décide de tout et donc s’il faudra traiter ou non, rappelait Antoine Villard qui incitait à consulter le bulletin Agro Infos édité par la chambre d’agriculture. En triticale, un traitement fongicide n’est pas forcément nécessaire. Le changement climatique a certes provoqué une recrudescence de rouille jaune, mais les variétés de triticales très sensibles à la rouille jaune sont abandonnées au profit de variétés résistantes. En blé aussi, la sélection a mis sur le marché des variétés moins sensibles aux maladies. « Certaines pourraient même se passer de traitement », confie Antoine Villard. Aujourd’hui, il existe des fongicides haut de gamme, capables de traiter toutes les maladies en un seul traitement et qui permettent de moduler les doses en fonction de l’état sanitaire des cultures, expliquait l’intervenant. Un traitement qui intervient au stade dernière feuille étalée.

Pour clore ce chapitre sanitaire, Antoine Villard évoquait les orges dont les maladies arrivent plus tôt dans la saison, d’où la nécessité de traiter sans tarder, en cours de montaison. 

Orge : un retour face au stress hydrique ?

En perte de vitesse depuis plusieurs années, l’orge pourrait revenir dans les assolements. Pénalisée en Saône-et-Loire dont elle craint les sols acides ou humides, l’orge, du fait de sa précocité, est en effet mieux armée face au stress hydrique que le blé, faisait valoir Antoine Villard. En outre, contrairement au blé, la moitié des variétés d’orges fourragères sont résistantes à la jaunisse (JNO). Un avantage déterminant car le puceron vecteur de la maladie revient dans la campagne faute d’insecticide autorisé.

Jérôme Lhoste : élevage et cultures, le bon compromis

Jérôme Lhoste : élevage et cultures, le bon compromis

À Curgy, Jérôme Lhoste exploite 264 hectares dont 85 ha de cultures et il élève un troupeau de cent vaches charolaises. En succédant à son père, Jérôme Lhoste explique ne pas avoir voulu augmenter le nombre de vaches, mais il a choisi d’étendre la surface de production végétale laquelle a presque triplé en une dizaine d’années. Il cultive aujourd’hui du blé, de l’orge, de l’épeautre, du triticale et du lupin. Ce printemps, Jérôme envisage même d’implanter du soja pour remplacer le maïs ensilage. Une partie de la récolte est vendue. Pour compenser les rendements limités de ses terres, le jeune éleveur produit des cultures sous contrat comme le blé de force ou l’épeautre qu’il livre à Agri-Sud-Est. S’il juge la marge hectare équivalente entre les cultures et l’élevage, Jérôme Lhoste estime que c’est la production de paille qui fait toute la différence. Grâce à ses cultures, il n’en achète pas du tout et parvient même à en vendre à des collègues. Fort de son assolement et de ses rotations, l’agriculteur vise aussi à améliorer l’autonomie alimentaire de son élevage. C’est ce qu’il attend notamment du lupin qu’il cultive sur ses terres depuis deux ans. Ses cinq hectares de protéagineux ont été semés le 20 septembre dernier. En 2020, la culture moissonnée début août a donné 15 quintaux par hectare. Mais le potentiel peut aller jusqu’à 40 q/ha. 

Sans amidon et riche en protéines, les graines de lupin peuvent être distribuées aux bovins sans être aplaties, informe Denis Perrigueur d’Agri-Sud-Est. Jérôme Lhoste les destine à des vaches à l’engraissement. Le lupin sera mélangé à des céréales et à un mélange de maïs et de luzerne, indique-t-il.

Le lupin comme le soja représentent d’excellents précédents pour les céréales, fait valoir l’agriculteur qui avoue s’intéresser de près à l’agronomie. « On ne fera pas dix quintaux de plus, mais on peut rechercher comment faire autant à moins cher ».