Ensilages d’herbe
Anticipation et qualité

Silvère Gelineau (Arvalis)
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Les températures clémentes de ce début avril sont favorables à la pousse de l’herbe. Le système digestif des herbivores ruminants a besoin de temps pour s'adapter à une nouvelle alimentation, surtout lorsque l'on passe d'une ration foin à une ration herbe. Il faut donc soigner sa transition alimentaire au moment de la mise à l'herbe.

Anticipation et qualité
Evolution de la teneur en énergie (UFL) et de la teneur en protéines (MAT) de graminées prairiales au cours du premier cycle en fonction du stade (valeurs en ensilage)

Après un début d’année très doux et favorable à une reprise de végétation, le froid est revenu à la mi-janvier sur la majorité du territoire. Outre le ralentissement de la pousse d’herbe, il a permis de revenir sur des normales saisonnières. Pour les parcelles non pâturables ou réservées à la fauche au 1er cycle, l’avancée des stades est très proche des dernières années. Le retour des pluies sur le mois de mars, l’allongement de la durée du jour et les températures dans les normales saisonnières sont favorables au développement. La température des semaines à venir sera déterminante sur le rythme de développement des prairies.

2023 proche des normales saisonnières

Selon le stade de récolte visé et le secteur géographique, les ensilages devraient s’étaler de début avril pour les RGH et RGI du sud de la France à la fin mai pour les RGA les moins précoces en fauche tardive. Entre une récolte précoce et tardive, le différentiel de rendement sera d’environ 1,5 à 2 t MS/ha. Ce choix impactera fortement la valeur alimentaire et la capacité à faire une deuxième voire une troisième coupe selon le secteur et l’arrivée des pics de chaleur et de manque d’eau.
L’épiaison : stade charnière pour la valeur des ensilages
Le début de l’épiaison est un stade charnière pour la valeur alimentaire de l’herbe. Au printemps, une prairie peut cumuler plus de 60 kg MS/ha chaque jour. Face à ce cumul de biomasse, la valeur alimentaire diminue progressivement, puis nettement à partir du début de l’épiaison. Ainsi, selon les besoins des animaux qui consommeront le fourrage, il est important de déclencher la récolte au meilleur compromis entre rendement et valeur alimentaire.
Pour des animaux à forts besoins (vaches laitières, jeunes bovins à l’engraissement), on visera une récolte avant le début d’épiaison des graminées. Pour des animaux aux besoins plus modérés (génisses de renouvellement, vaches allaitantes gestantes), il est possible de profiter davantage de la forte croissance des prairies sur cette période, quitte à perdre en valeur alimentaire (voir figure 1).

Anticiper le chantier, le stockage et l’usage

L’anticipation d’une récolte d’herbe, tant sur la date que sur les moyens, est fondamentale. Il est important de prévoir les quantités potentiellement récoltées afin d’anticiper la place nécessaire pour le stockage. Selon les quantités distribuées à chaque période, le ou les silos doivent être confectionnés pour respecter un avancement minimum de 10 cm par jour (voire 20 cm/j en été).
Selon la marge de sécurité en stock fourrager en sortie d’hiver, il faudra trouver le bon compromis entre valeur alimentaire et rendement. Cet objectif de récolte sera adapté au contexte météo de la période : on visera un créneau de 48 à 72 h sans pluie. Une évapotranspiration (ETP) de 5 à 6 mm sur la durée du préfanage devrait suffire pour passer le seuil des 30 % de MS. On visera une teneur en MS de 35 % sur graminées et 40 % sur légumineuses pour une récolte en ensilage.
Afin de faciliter le séchage, une fauche entre 7 et 8 cm de haut favorisera l’aération sous l’andain et limitera la reprise d’humidité par le contact avec le sol. La présence d’un conditionneur sur la faucheuse améliora aussi la vitesse de séchage. Attention toutefois à limiter l’agressivité du conditionneur à fléaux en cas de fort taux de légumineuses dans la prairie afin de réduire au maximum les pertes de feuilles.
Enfin, dans le cas d’un fourrage humide ou avec une part importante de légumineuses, l’incorporation d’un conservateur peut être pertinente. Celui-ci peut aider à une stabilisation plus rapide du silo et limiter les phénomènes de protéolyse.

L’herbe pâturée, un menu économique !

L’herbe pâturée reste l’aliment le moins coûteux, trois fois inférieur au prix de revient des fourrages conservés (sans parler des aliments achetés). Maximiser son utilisation permet aussi de limiter les apports de concentrés tout en assurant des performances élevées.

L’herbe pâturée, c’est à la fois…

- Le fourrage le plus digestible (70 à 80 %) et l’un des plus riches en UF lorsqu’il est exploité au bon stade.
- Le fourrage le plus ingestible lorsqu’elle se compose de mélanges de graminées et de légumineuses (prairies multi-espèces et prairies permanentes).
- Un apport suffisant en Ca et P dans le cas des associations graminées et légumineuses.
- Un aliment bien pourvu en potassium et carencé en sodium, magnésium, cuivre et zinc. Les teneurs en sélénium et vitamine E diminuent au cours de la saison.
- Un fourrage qui présente une haute concentration énergétique lorsqu’il est pâturé au stade végétatif, souvent équivalent voir supérieur au maïs ensilage.
- Un aliment intéressant de par sa concentration en protéines (autour de 100 g de PDIE/UFL) et par la digestibilité de celles-ci : le rapport (PDIN-PDIE)/UFL reste positif quelle que soit la qualité de l’herbe pâturée. (Source : RMT Prairies Demain / Encyclopedia Praetensis)
Ces deux aspects du même fourrage indiquent que l’herbe pâturée, lorsqu’elle est distribuée en quantité non limitante, se suffit à elle-même pour nourrir des ruminants à hauts besoins nutritionnels.
Pour bénéficier de toutes les qualités de l’herbe au pâturage :

- Exploiter des stades jeunes (stades végétatifs) en ayant des temps de repousses de 20 à 40 jours selon les types de végétation. Les mises à l’herbe précoces, en conditions portantes, y contribuent, tout comme des hauteurs d’entrée dans la parcelle inférieures à 12 cm.
- Pâturer ras (sans descendre en dessous de 5 cm) en début de saison : plus de tallage et de feuilles chez les graminées, plus de lumière pour les légumineuses. Lorsque le déficit hydrique est marqué, il est préférable de relever les hauteurs de pâturage.
- Introduire, maintenir ou favoriser les légumineuses qui permettent d’accroître la valeur protéique et augmentent l’appétence. Limiter la fertilisation azotée pour les favoriser.
- Sortir des parcelles du circuit de pâturage en cas d’excédent pour ne pas se faire déborder et offrir de l’herbe de qualité aux animaux.
- Faucher les refus en fin de printemps ou en été si les hauteurs d’herbe n’ont pas été maîtrisées.