Cinéma : film documentaire
La Ferme des Bertrand ou la vraie vie des paysans

Le réalisateur Gilles Perret a suivi la vie de ses voisins fermiers. Après un premier documentaire en 1997, il en diffuse un autre sur grand écran. Plongée dans la vie quotidienne d’une famille d’agriculteurs qui a consenti de nombreux sacrifices pour leur ferme savoyarde.

La Ferme des Bertrand ou la vraie vie des paysans

Quincy. Petit village de Haute-Savoie d’une quarantaine d’âmes, situé à deux pas des stations de ski et à 30 km de Genève (Suisse). La famille Bertrand est installée sur ces terres depuis des générations. C’est en 1972 que cette ferme de 60 ha est filmée pour la première fois, sous l’œil du journaliste Marcel Trillat, lui-même fils d’agriculteurs On y voit trois frères, Joseph, André et Jean en train de casser des cailloux pour aménager un terrain. À cette époque, Gilles Perret n’a que quatre ans, mais il joue déjà avec ses jeunes voisins. Le destin veut qu’après des études d’ingénieur, il s’oriente vers le cinéma. Il prend la caméra en 1997 et suit pendant un an la famille Bertrand qu’il trouve « formidable ». À cette époque, les trois frères Bertrand, qui sont tous célibataires, vont céder l’exploitation à leur neveu Patrick et sa femme Hélène. Il en tire un documentaire : « Trois frères pour une vie ». Les trois frères sont déjà âgés, mais encore plein d’allant. Ils fauchent les prés torse nu, se plaignent que les foins ont « beaucoup de tard » et regrettent d’avoir abandonné les vieux réflexes d’antan qui permettaient de savoir, rien qu’à la direction du vent, s’il allait s’arrêter ou continuer de pleuvoir : « On écoute trop la météo maintenant ». Un quart de siècle plus tard, c’est au tour d’Hélène, veuve de Patrick, de passer la main à son fils Marc et son gendre Alex. Des trois frères de 1972, il ne reste plus qu’André, toujours vivant en 2022 et qui, voûté par le poids de l’âge et des travaux, s’occupe encore des poules et de ramasser les œufs. Il est reconnaissant envers les jeunes d’avoir su faire évoluer l’exploitation et rendre le travail moins pénible. On sent dans ses propos que lui-même aurait bien aimé avoir accès à ces technologies tant décriées par les écologistes… qu’il n’a pas l’air de trop porter dans son cœur. Deux mois avant la transmission, un robot de traite va être installé. Ce qui permettra de dégager du temps pour Marc et Alex. « Ça donnera peut-être plus de goût aux jeunes générations » de reprendre la ferme plus tard, explique Hélène avec un regard attendrissant sur ses petits-enfants. Eux-mêmes ne rechignent pas à donner un coup de main. Si pour le moment, ils veulent tous être agriculteurs, Hélène sait qu’ils ont encore le temps de changer d’avis.

"Laisser une nature propre"

Ce documentaire, sorti sur grand écran fin janvier, est une réflexion sur le travail d’agriculteur, son évolution et son adaptation au cours des cinquante dernières années pour alléger le travail quotidien, le rendre moins pénible. Le témoignage fort des trois frères souligne les sacrifices qui ont été consentis par toute une génération qui aurait aimé exercer un autre métier et qui aurait aussi aimé fonder une famille. Au moment de transmettre l’exploitation en 1997, André assume totalement ses choix. « Dans la vie, il n’y a pas que la satisfaction de l’argent. Il y a celle de laisser une nature propre ». Ce film qui tombe à point nommé, en pleine crise agricole, montre qu’il est possible d’allier technologie et respect de l’environnement. Il est aussi une ode à la valeur travail, tant décriée de nos jours. Gilles Perret nous offre une heure trente de grand air, de vie agricole simple et parfois rude. Tant le réalisateur que les agriculteurs peuvent être fiers du travail et du devoir accompli.

 

La Ferme des Bertrand

Documentaire de Gilles Perret

Durée : 1 h 29