Bruno Charbonnier à Bourbon-Lancy
« La haie a un vrai potentiel de production », témoigne Bruno Charbonnier

Marc Labille
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Depuis 2005, Bruno Charbonnier alimente sa chaudière avec des plaquettes issues des haies et ripisylves de son exploitation. L’agriculteur prend soin de ses haies qu’il laisse monter pour une production de bois pérenne. Intéressante économiquement, la démarche est aussi pleine de vertus environnementales.

« La haie a un vrai potentiel de production », témoigne Bruno Charbonnier
Sur une exploitation comptant plusieurs kilomètres de haies, Bruno Charbonnier parvient à produire tous le bois énergie nécessaire à son chauffage.

Bruno Charbonnier exploite 130 hectares à Bourbon-Lancy. Il y conduit un troupeau de 70 vaches allaitantes et cultive une cinquantaine d’hectares de céréales à paille, maïs, soja… L’agriculteur possède également un gîte à la ferme qu’il loue à des touristes. En 2005, Bruno a fait le choix d’installer une chaudière à plaquette en remplacement de son chauffage électrique. À l’époque, c’était le début de ce type d’installation alimenté au bois énergie. L’agriculteur de Bourbon-Lancy avait un cousin qui s’était lancé avant lui dans le cadre d’un projet collectif dans la Nièvre voisine. Pour son nouveau chauffage central équipé d’une chaudière autrichienne assez coûteuse, Bruno a pu bénéficier à l’époque d’une subvention de 50 %. Il chauffe ainsi sa maison et le gîte pour près de 230 mètres carrés de surface.

Haies abîmées par le broyage

Le combustible est fourni par l’exploitation. Au début, Bruno a commencé par déchiqueter des bois de ripisylves, ces bordures d’arbres qui longent les rivières. À l’époque, les haies de la ferme n’étaient pas en mesure de fournir le bois nécessaire. Comme nombre de ses collègues, Bruno avait pris pour habitude de tailler chaque année ses haies au carré. Une pratique dont il a vu les impacts au fil des années et qu’il n’hésite pas à qualifier aujourd’hui de « catastrophe écologique ». « Dans les années 1970, on laissait encore monter les haies qu’on entretenait l’hiver à la main. Mais avec l’arrivée des broyeurs à rotors (épareuses), les haies - qu’on voyait comme une contrainte - ont en partie été détruites. On a perdu des bonnes essences et ça a sélectionné les mauvaises espèces : épines noires, ronces… », explique Bruno.

Faire remonter les haies

15-20 ans sont nécessaires pour faire remonter une haie, confie l’agriculteur. Et du fait justement de la perte d’essences intéressantes, les haies qui sont longtemps restées basses, ne sont pas très productives, témoigne-t-il. La solution est de couper la haie en son pied au bout de quelques années. Cette méthode radicale permet de « nettoyer la haie », tout en laissant les quelques arbres rescapés repartir (chênes, charmes, aulnes…). La haie doit aussi être un peu élargie, complète Bruno.

En procédant ainsi, une haie peut atteindre 3 m de hauteur au bout de deux ans seulement, constate l’agriculteur.

Chaque année, il lui faut environ 50 mètres cubes de plaquettes pour le chauffage de sa maison et de son gîte. Une quantité qu’il trouve sans difficulté sur sa ferme. Il y a deux ans, 300 mètres linéaires d’une haie « moyenne » et un peu de ripisylve lui ont donné 70 mètres cubes de plaquettes.

Du bois adapté aux déchiqueteuses

Pour assurer une production régulière de bois plaquette sur la ferme, « il faut le gérer à l’avance », explique Bruno. D’abord, il faut de bonnes essences, d’où l’intérêt de régénérer la haie en la coupant au pied. Il faut 15-20 ans pour obtenir des bois satisfaisants. Car pour le déchiquetage, mieux vaut de beaux arbres assez réguliers. De ce point de vue, les bois issus de haies sont en général moins intéressants que ceux provenant de forêt ou de ripisylve, fait remarquer l’agriculteur. Le rendement du chantier de déchiquetage est 30 % moins bon avec des bois de haies, informe Bruno. « Avec les grosses déchiqueteuses qui sont utilisées, les bois de haie reviennent plus cher à broyer. Ces machines ont un coût de revient à l’heure très élevé ce qui impose du volume. Pour le bois de nos haies, il faudrait des broyeurs plus petits », estime l’agriculteur.

Limitrophe de l’Allier, Bruno fait appel à une Cuma du département voisin pour le déchiquetage. Dans l’hiver, une entreprise vient couper les bois à l’aide d’un grappin sécateur hydraulique. « L’organisation du chantier est importante », souligne-t-il. Réalisé au mois de juin, le déchiquetage prend une journée. L’agriculteur assure lui-même le transport des plaquettes jusqu’à leur hangar de stockage avec deux bennes de 15 tonnes de charge utile.

Intérêts économiques, bénéfice paysager, biodiversité

Pour Bruno, la valorisation du bois produit par ses haies conforte l’autonomie de son exploitation. Les cultures lui fournissent la paille dont il a besoin dans son élevage et les légumineuses fourragères le rendent moins dépendant des achats d’aliments. En fournissant du bois pour le chauffage, la conduite de ses haies en haie haute lui économise aussi du carburant et des heures de travail en le dispensant du broyage annuel. Le seul inconvénient, ce sont les branches qui ont tendance à retomber sur les fils de téléphone ou dans les passages, signale-t-il. Un entretien régulier est quand même nécessaire et pour cela, un lamier serait approprié, confie Bruno.

Au-delà de l’intérêt économique, l’agriculteur pointe le bénéfice paysager du retour de haies hautes dans les campagnes. Pour les touristes qu’il accueille dans son gîte, cet aspect qualitatif du bocage est un plus indéniable. Et l’agriculteur ne boude pas son propre plaisir d’admirer ses belles haies et ses chemins ombragés habités d’une faune diversifiée et bruyante. Mais Bruno estime qu’il faudrait « un intérêt financier supplémentaire pour nous inciter à le faire ». Et la sécheresse l’inquiète car il voit ses haies souffrir de plus en plus de la chaleur et du manque d’eau avec des charmilles ou même des chênes qui dépérissent.