Association Charolais de Bourgogne
Constat amer pour l’IGP Charolais de Bourgogne…

Marc Labille
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En 2023, l’IGP Charolais de Bourgogne a essuyé une baisse de 21% de son volume d’activité. Cela fait plus de vingt ans qu’éleveurs et opérateurs construisent ensemble cette filière locale avec le soutien des collectivités. Mais le débouché espéré dans la restauration collective ne tient pas ses promesses.   

Constat amer pour l’IGP Charolais de Bourgogne…
Vincent Pommery (au centre) est entouré d’un bureau composé de Jean-Michel Morel (Elvea 71-58), Baptiste Lamborot (Feder Élevage), Didier Touillon (Charollais Viandes), Olivier Jame (groupe Bigard), Philippe Dumas. Pour sa gestion, l’association reçoit l’appui de Feder, de l’Association Charolais Label Rouge, de Qualinea et d’Interbev BFC.

L’association Charolais de Bourgogne a tenu son assemblée générale le 4 juin dernier à Vitry-en-Charollais. C’était la toute première assemblée générale pour le nouveau président Vincent Pommery. Éleveur de bovins charolais en système herbager à Parigny-les-Vaux au nord de Nevers, Vincent Pommery a succédé à son collègue nivernais Régis Taupin le 16 octobre dernier. Cette " transmission " est intervenue en pleine année difficile pour l’IGP Charolais de Bourgogne. Cette dernière a subi de plein fouet la baisse générale dont souffrent les filières de qualité. Avec 680 bovins valorisés en IGP en 2023, équivalent à 320 tonnes, le volume d’activité a essuyé une baisse de 21 %. Ces chiffres, soulignaient les responsables de l’association, marquent un retour au niveau de 2020, année du Covid quand il avait fallu faire une croix sur le débouché de la restauration hors domicile…

Crise dans les filières de qualité

Les signes de qualité traversent une conjoncture difficile et tous les opérateurs font face à la même baisse, rapportait-on. Dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, de la viande d’importation prend la place de la viande de qualité, phénomène qui prévaut dans la restauration hors foyer, la cible privilégiée de l’IGP Charolais de Bourgogne.

Cette situation soulève beaucoup d’interrogations pour les promoteurs du signe de qualité réunis en AG. « Depuis quatre–cinq ans, on a assisté à une montée en puissance du label au détriment des autres signes de qualité. Or ces signes sont tous portés par les mêmes opérateurs qui n’ont pas voulu les mettre en concurrence. Le Charolais de Bourgogne a souhaité conquérir la restauration hors foyer en espérant profiter des lois ÉGAlim et Climat… Mais ces lois ne se sont pas appliquées. La restauration collective est restée à la traîne là-dessus… Et la grande distribution n’a pas emboîté le pas des signes de qualité. Elle a préféré une politique de prix, quitte à importer », résumait sans détour, François Chaintron.

Les intentions et les actes…

Le constat est amer pour tous les éleveurs qui ont soutenu la démarche depuis les années 96-97. Les opérateurs engagés de longue date dans Charolais de Bourgogne (groupements, abatteurs, organisations de producteurs…) n’ont pas chômé ni compté leurs heures. Le potentiel de production est là, le cahier des charges a été couronné par l’obtention de l’IGP, la logistique est prête… « Mais les commandes n’arrivent pas », se désolait-on.

Les collectivités, dont dépend la restauration collective, ne sont pas étrangères à la situation du Charolais de Bourgogne aujourd’hui. Pourtant, à maintes reprises, elles avaient promis d’approvisionner les restaurants scolaires avec de la viande charolaise IGP… Des collectivités qui ont d’ailleurs encouragé et soutenu financièrement la démarche, rappelait Yves Largy, et qui aujourd’hui semblent se désintéresser du produit…

Politiques publiques changeantes

En dépit des promesses de tribune, les freins à un approvisionnement plus qualitatif dans les cantines n’ont pas tellement bougé. On déplore toujours de sacro-saints codes des marchés publics et la logique de moins-disant à la vie dure chez les gestionnaires de restaurants collectifs. Les politiques publiques ont aussi changé de marotte. Entre-temps, elles se sont mises à ne jurer que par des plans alimentaires territoriaux et les circuits courts, au détriment parfois de filières de qualité pourtant bien locales et plébiscitées il y a une vingtaine d’années…

Avenir incertain…

À ce stade, l’avenir du Charolais de Bourgogne est incertain et les responsables de l’association s’en inquiètent. Heureusement, les comptes de la structure sont à l’équilibre pour 2023. Il faut dire qu’elle sort d’une importante restructuration interne, par laquelle elle avait conclu un partenariat avec l’ACLR et Qualinea qui lui permettent aujourd’hui de se prévaloir d’une gestion économe. Mais même avec cette gestion rigoureuse, le budget prévisionnel s’annonce négatif, car une nouvelle baisse d’activité est attendue et les charges devraient augmenter.

En dépit de cette perspective, l’association entend poursuivre ses missions de promotion. Elle continue de cibler les collectivités et par là même la restauration collective… Elle espère aussi poursuivre ses rencontres avec les abatteurs et les points de vente, et ce, malgré le fait de n’avoir pas pu renouveler le financement de cette action par la Région…

Où va le bœuf ? RHD, burgers, imports…

À l’issue de l’assemblée générale de Charolais de Bourgogne, Caroline Mousseron d’Interbev BFC a présenté les grandes lignes de l’étude " Où va le bœuf ? " sortie début 2024. Réalisée par l’Institut de l’Élevage et financée par Interbev, il s’agit d’une photographie des circuits empruntés par la viande de gros bovins en France en 2022 avec les évolutions depuis 2017. La consommation est restée stable entre 2017 et 2022, mais avec plus de viande d’import (23 %). Le déséquilibre qualitatif entre production et consommation demeure. La France importe de la femelle laitière tandis qu’elle exporte de la viande de jeunes bovins mâles viande. La GMS (Grandes et Moyennes Surfaces) reste le débouché principal pour la viande de gros bovins (38 % des volumes), mais elle a perdu quatre points depuis 2017. Second débouché (24 %), la RHD (Restauration Hors Domicile) a pris quatre points de plus par rapport à 2017. Suit l’exportation avec 13 % des volumes totaux disponibles, puis la boucherie (11 %). La viande bovine est aujourd’hui consommée à 61 % sous forme élaborée ou dans des plats préparés. La part de viande piécée dans la consommation n’est plus que de 39 % (- quatre points). Le taux de viande piécée tombe à 35 % en GMS et 27 % en RHD alors qu’il est à 68 % en boucherie traditionnelle. La RHD est le premier débouché des viandes étrangères. Elle compte 55 % d’import dans ses approvisionnements et 63 % des volumes importés lui sont destinés. Entre 2017 et 2022, les volumes destinés à la GMS ont diminué au profit de la RHD. Le piécé est en chute de 21 % dans les GMS alors qu’haché, élaboré et plats préparés progressent avec même une montée en puissance des burgers sur les étals de la grande distribution. La restauration hors domicile poursuit sa progression (+ 14 % en cinq ans) et le burger devient roi, même dans les restaurants traditionnels… Si la restauration collective s’oriente vers un approvisionnement français, ce n’est pas le cas de la restauration commerciale où l’origine n’est pas un critère de choix. À noter que la part de viande française est plus importante dans les burgers que les autres plats servis en RHD. La boucherie traditionnelle est fidèle aux races à viande et elle importe 15 % de viande étrangère tant pour une clientèle à petit budget que pour des créneaux haut de gamme (viandes persillées).