Élections en France
La France à contre-courant de l'Europe... va ramer côté agricole
Les résultats définitifs des élections européennes en France donnent le Rassemblement national largement en tête avec 31,37 % des voix. Une tendance qui se confirme partout dans l'Union européenne. Pour autant, les grands courants politiques en Europe n'ont guère changé. La France se retrouve donc presque totalement à contre-courant...
En France, le 9 juin, à l’issue des élections européennes, la liste du Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella est arrivée en première place (31,37 %) suivie de celle de la majorité présidentielle, Besoin d’Europe, emmenée par Valérie Hayer (14,60 %) et la liste socialiste de Raphaël Glucksmann, Réveiller l’Europe, (13,83 %). Parmi les autres listes dépassant les 5 %, synonyme d'élues en position éligible au Parlement, on trouve les listes de Réveillez l'Europe (Parti Socialiste, 13,83%), de l'Union populaire (LFI, 9,89%), Les Républicains (7,25%), d'Europe-écologie-Les-Verts (EE-LV, 5,5%) et de Reconquête 5,47%.
Ainsi, la France va avoir des eurodéputés bien différents. Le RN obtiendrait 30 sièges (contre 18 actuellement) au Parlement européen. Parmi ces élus, Gilles Pennelle (15e de la liste) et l’agricultrice de Saône-et-Loire (La Genête) Valérie Deloge (20e) devraient donc rejoindre la commission de l’Agriculture (Comagri). La liste centriste Besoin d’Europe n'obtiendrait que 13 sièges (contre 23 aujourd’hui). L’eurodéputé sortant et ancien président des Jeunes agriculteurs, l'éleveur charolais, Jérémy Decerle n’est donc pas reconduit. La liste socialiste Réveillez l’Europe enregistrerait 13 sièges (+6) et enverra donc Christophe Clergeau à la Comagri. La France insoumise avec 9,89 % enverrait 9 eurodéputés (+3). Sur cette liste, c’est Arash Saeidi qui pourrait rejoindre la Comagri. Derrière, les Républicains avec 7,25 % aurait 6 élus (-1) dont la céréalière Céline Imart. Les Verts ont quant à eux obtenu 5,5 % des suffrages, soit seulement 5 sièges alors qu’ils en avaient 12 lors de la précédente mandature. Dans ces conditions, l’agriculteur, Benoit Biteau n’est pas réélu. Enfin, Reconquête, mené par Marion Maréchal, avec 5,47 % obtiendrait 5 sièges.
Les Verts et libéraux en fort recul
Les résultats des 26 autres pays donnent un tout autre visage. La droite traditionnelle, représentée par le groupe du Parti populaire (PPE), parviendrait à conserver son rang de plus important groupe politique du Parlement européen avec près de 186 sièges (+10 sièges par rapport à la dernière mandature). Ses membres, les Allemands (environ 30 sièges), les Espagnols (22) et les Polonais (20) en tête, devraient être une nouvelle fois incontournables dans les négociations pour former une majorité. Avec six élus Républicains, la France va avoir des difficultés à obtenu des postes clés toutefois. Les sociaux-démocrates du groupe S et D, deuxième force politique habituelle d'Europe, devraient connaitre une stabilité de leur contingent (environ 135, -4). Même s'ils doublent leurs eurodéputés (de 6 à 13), le Parti socialiste français sera au même niveau que les délégations d'autres pays.
Le fait le plus marquant du scrutin devrait être la percée des partis eurosceptiques et identitaires qui siègent actuellement au sein des groupes ECR (73 sièges, +4) et ID (58 sièges, +9). Toutefois, ils restent minoritaires et, à l'image du parti italien de Giorgia Meloni du Parti Fratelli d'Italia a déjà retourné sa veste pour se ranger du côté du PPE, d'Ursula Von Der Leyen. Les marchés financiers avaient tremblé lors de son élection aux législatives en 2022, comme ces derniers jours en France après l'annonce de l'arrivée de Bardella en tête. Néanmoins, si ces groupes parvenaient à s’allier entre eux et avec les nombreux eurodéputés non-inscrits (100), ils représenteraient une force politique de poids à Strasbourg. Le groupe CRE (73 sièges) ne comptent que très peu d'élus français (cinq).
L'autre fait marquant est la dégringolade des centristes-libéraux de Renew qui devraient connaitre le recul le plus important en nombre d'élus (79, -23), qui était clairement un vote contestataire de la politique nationale du gouvernement français, en décalage des enjeux européens.
À noter aussi, le fort recul des Verts (53, -18) qui avaient joué un rôle lors de la formation de la précédente Commission européenne (en raison notamment de la coalition allemande alliant droite du SPD avec les Verts et les libéraux).
Ces résultats provisoires semblent confirmer la tendance déjà observée lors de la neuvième mandature d'un morcèlement politique de plus en plus important de l’hémicycle, faisant craindre un scénario à la Française, d'un Parlement ingouvernable. La France se retrouve reléguée en terme d'influence dans tous les partis et les alliances et compromis seront difficiles face à des blocs de pays (Sud, Nord) qui n'ont plus, ni les Anglais (Brexit), ni le duo fondateur Allemagne-France en position de force.
L’obtention d’une majorité pour le prochain candidat à la tête de l’exécutif européen -qu’il s’agisse de la candidate du PPE Ursula von der Leyen ou non- apparaît, à ce stade, incertaine. La France risque de se retrouver isolée et sans véritables postes clés à la Commission, Conseil... Une débacle historique qui se répercutera sur la Future Pac et PSN.
L'agriculture française moins représentée
Après affinage des résultats, la liste centriste Renaissance ne recueillait que 14,6 % des voix, lui assurant finalement 13 élus. L’ancien président des Jeunes agriculteurs Jérémy Decerle et éleveur charolais, 14e de la liste, ne retrouvera donc pas son siège au Parlement européen. Une double perte donc d’expérience pour la Saône-et-Loire après la décision d’Arnaud Danjean de ne pas se représenter (LR, PPE). Alors que l’eurodéputée sortante Irène Tolleret ne se représentait pas, le groupe Renaissance se retrouve sans spécialiste des questions agricoles. Globalement, une perte d’influence française au Parlement européen sur les dossiers agricoles est à prévoir, beaucoup des élus français siégeant à la commission de l’Agriculture n’étant pas réélus : Benoît Biteau (Verts), Anne Sander (LR) ou encore Gilles Lebreton (RN), qui, lui, ne se représentait pas. Le seul à conserver son siège est le socialiste Christophe Clergeau. Les nouveaux eurodéputés français intéressés par les questions agricoles devraient donc être Gilles Pennelle et l’agricultrice, éleveuse de moutons en Bresse, Valérie Deloge pour le RN, Arash Saeidi pour LFI, et la céréalière Céline Imart pour LR. Cette dernière, bien qu'adhérente de la FDSEA auparavant, a un cursus politique fort (Sciences Po, Cese...) et pourrait briguer d'autres postes. Elle a soutenu le président des Républicains Éric Ciotti, voulant un rapprochement avec le RN, hypothétiquement son avenir européen...
Macron dissout l'Assemblée nationale, trois textes agricoles dans l'incertitude
À l’issue des élections européennes du 9 juin, le président de la République a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Lors d’une allocution, il a déclaré : « après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote ». Et d’ajouter : « je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second ». La dissolution de l’Assemblée nationale entraîne la suspension de tous les textes en instance, qui doivent être redéposés et examinés à nouveau par la nouvelle assemblée à l’issue des élections législatives. Le nouveau gouvernement peut reprendre les projets de loi en les redéposant devant la nouvelle Assemblée. Mais ils repartent alors à zéro dans la navette parlementaire et doivent suivre l’intégralité du processus législatif habituel. Dans le secteur agricole, cette annonce intervient alors que le Sénat entamait la première lecture du projet de loi d’orientation agricole (LOA), et que le gouvernement a promis deux textes de loi à venir, projets ou propositions de loi : le premier devait porter sur les relations commerciales ; il devait être rédigé après réception d’un rapport parlementaire (sic) « entre le 17 et le 19 juin », pour aboutir dans l’idéal autour de la « mi-juillet », en vue d’un probable examen à la rentrée. L’autre texte devait porter sur la séparation de la vente et du conseil des pesticides. Alors que la ministre déléguée à l’agriculture, Agnès Pannier-Runacher, qui devait porter ce texte, plaidait pour des aménagements, la droite voulait sa suppression pure et simple.
EGAlim 4, LOA... : inquiétude sur ces chantiers législatifs
La FNSEA et les JA ont fait part ce 10 juin de leurs craintes de voir « remis en question » par la dissolution de l’Assemblée les travaux engagés sur le projet de loi d’orientation agricole ou sur un renforcement du dispositif EGAlim. « EGAlim, simplification, loi d’orientation… Autant de chantiers obtenus par le travail de notre réseau et dont l’aboutissement est remis en question, car il est suspendu aux décisions du gouvernement en place après les élections » législatives, affirment dans un communiqué les Jeunes agriculteurs (JA). « Les décisions politiques vis-à-vis de l’agriculture française risquent de ne pas être tenues », s’inquiète de son côté la FNSEA dans un communiqué séparé. Et d’appeler « tous les partis politiques à mettre dans la feuille de route de leurs candidats aux élections législatives les propositions qu’elle a portées : dignité, revenu et simplification ».