L'apprentissage
De multiples atouts

Régis Gaillard
-

Au cœur du système éducatif, l’apprentissage recèle bon nombre d’atouts non seulement pour les élèves mais aussi pour les entreprises. Une formule qui rencontre de plus en plus de succès dans l’univers agricole.

Pourquoi embaucher un apprenti : l’apprentissage, une voie d’excellence

Ouvert à tous, l’apprentissage répond à la fois au besoin des jeunes (et moins jeunes) qui veulent, tout en se formant, acquérir de l’expérience, et aux entreprises qui recherchent des personnes à la fois diplômées et expérimentées.

Faire le choix de l’apprentissage permet de bénéficier :
- d’un vrai statut de salarié,
- d’un salaire dès le début de formation,
- d’une formation reconnue par le ministère de l’Agriculture,
- d’une réelle expérience professionnelle.

Faire le choix de l’apprentissage, c’est accepter d’entrer dans le monde du travail, avec un contrat encadré et signé avec une entreprise et un centre de formation. Mais c’est aussi et surtout participer à la vie de l’entreprise, avec un accompagnement personnalisé par un tuteur expérimenté.
Près de 80 % des apprentis trouvent un travail dès leur sortie de l’apprentissage et, pour la plupart, un emploi durable. La formation par l’apprentissage ouvre de réelles perspectives d’emploi.

Les aides à l’embauche : plan de relance de l’apprentissage après la crise sanitaire

À la suite de la réforme sur la formation professionnelle de 2018, l’apprentissage avait le vent en poupe avec une augmentation des contrats signés. La croissance des contrats d’apprentissage était nette. D’ailleurs, 2019 marquait une année record en nombre de contrats en Saône-et-Loire avec 301 contrats enregistrés auprès de la chambre d’agriculture contre 258 en 2018.

En 2019 et au niveau national, plus de 35.000 apprentis en agriculture ont été accueillis par plus de 130 CFA. Ce nombre est en constante évolution. Sur les 134.862 exploitations employeuses en production agricole, 15.805 comptent au moins un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, soit 12 % des employeurs. Depuis le 1er janvier 2020, Ocapiat a enregistré 30.000 contrats en agriculture.

Néanmoins, cette dynamique s’est arrêtée nette avec la crise du coronavirus. La rentrée de septembre aurait pu se révéler compliquée car les entreprises sont frileuses à recruter, notamment en apprentissage. En effet, la période de recherche commence habituellement au printemps. Mais avec le confinement et la priorité de reprise d’activité pour les entreprises, les jeunes se heurtent à une absence d’offres. Alors comment inciter les exploitations à continuer de former des jeunes ?

Pour encourager et inciter les entreprises à continuer à recruter des salariés en contrat d’apprentissage malgré le contexte économique difficile, le gouvernement a pris des mesures de relance de l’apprentissage.

* Une aide en faveur de l’embauche d’apprentis

Le montant de cette aide exceptionnelle s’élève pour la première année du contrat uniquement et pour tout contrat préparant à un diplôme jusqu’à la licence professionnelle :
- à 5.000 € pour les apprentis mineurs,
- à 8.000 € pour les apprentis majeurs.

À compter de la deuxième année, l’aide unique instaurée en 2019 s’applique à nouveau à raison de 2.000 € pour la deuxième année et 1.200 € pour la troisième année mais uniquement pour les contrats d’apprentissage équivalent niveau Bac.

Attention : cette aide exceptionnelle remplace l’aide unique en vigueur depuis 2019 uniquement pour la première année.

* Pour toutes les entreprises

Pour les contrats d’apprentissage signés à compter du 1er juillet 2020 et jusqu’au 28 février 2021. Cette aide sera versée aux entreprises de moins de 250 salariés sans condition et aux entreprises de plus de 250 salariés sous conditions de seuil de conclusion de contrat d’apprentissage.

* De manière automatique

Elle serait versée de manière automatique via la DSN pour tout contrat d’apprentissage déposé auprès d’un OPCO (Ocapiat pour le secteur agricole). Cette aide répond à une demande forte de la FNSEA de développer l’embauche d’apprenti post-bac. Car depuis la loi du 5 septembre 2018, l’aide unique à l’embauche est accordée pour les formations limitées au niveau bac.

L’objectif de cette mesure, qui doit être intégrée dans le projet de loi de finances rectificatif, est de maintenir le niveau record du nombre d’apprentis atteint en 2019.

 

Formation apprenti

Première année de contrat Aides à l'embauche Aides à l'embauche
Aides à l'embauche
 

Coût entreprise 1ère année annuel (salaires+charges)

Première année aide exceptionnelle

Deuxième année
aide unique

Troisième année
aide unique

CAPA métiers de l'agriculture (2 ans)

5 376.12 €

5 000 €

2 000 €

 

BAC PRO en 2 ans (mineur en dernière année)
BPREA

8 823.96 €

5 000 €

2 000 €

 

BAC PRO en 2 ans (majeur en dernière année)
BPREA

8 823.96 €

5 000 €

2 000 €

 

BAC PRO en 3 ans (mineur 3e année)

5 376.12 €

5 000 €

2 000 €

1 200 €

BAC PRO en 3 ans (majeur 3e année)

5 376.12 €

5 000 €

2 000 €

1 200 €

BTSA (majeur)

8 428.20 €

8 000 €

   

CERTIFICAT DE SPECIALISATION

13 609.44 €

8 000 €

   

LICENCE PROFESSIONNELLE (21 ans révolus)

12 648.36 €

8 000 €

   

 

Selon le ministère, avec cette aide, l’embauche d’un apprenti ne représentera aucun coût (qu’il s’agisse du salaire et des charges sociales) tant que son âge ne dépasse pas les 20 ans. La mesure devrait coûter plus d’un milliard d’euros à l’État.

* D’autres mesures de soutien à l’apprentissage

La durée laissée aux jeunes après leur entrée en CFA pour trouver un employeur sera allongée temporairement de trois à six mois. Pendant ces six mois, il pourra donc entamer sa formation en CFA. Pour l’apprenti, cette mesure permet de rechercher et/ou expérimenter un ou plusieurs secteurs d’activité durant six mois.

* Une aide aux apprentis pour le financement d’un ordinateur portable

Cette mesure entend tirer les leçons de la période de confinement pendant laquelle neuf jeunes sur dix ont pu poursuivre leur formation à distance. Mais certains jeunes ont rencontré des difficultés faute de disposer du matériel informatique. Cette aide envisagée de 500 € visera à faciliter l’achat d’un ordinateur pour les apprentis.

* Un plan d’accès à l’emploi des jeunes

Une autre concertation avec les partenaires sociaux sera engagée sur l’emploi des jeunes car en raison de la conjoncture, la ministre du Travail redoute que les jeunes soient « les derniers embauchés ». L’objectif est donc de faire en sorte que les 800.000 jeunes qui sortent du système scolaire cette année puissent être aidés pour intégrer un marché du travail particulièrement dégradé.

Les démarches : la conclusion d’un contrat d’apprentissage

Depuis le 1er janvier 2020, l’enregistrement des contrats d’apprentissage est effectué par l’Opérateur de compétence Ocapiat (ex Fafsea), pour la production agricole.

* Le contenu des informations à transmettre à Ocapiat

L’employeur doit transmettre le contrat d’apprentissage, via le Cerfa dûment complété, à Ocapiat au plus tard dans un délai de cinq jours ouvrables suivant son début d’exécution, accompagné de la convention de formation conclue entre l’entreprise et le centre de formation d’apprentis (CFA).

La modification d’un élément essentiel du contrat d’apprentissage doit faire l’objet d’un avenant transmis dans les mêmes conditions que le contrat initial. À réception, Ocapiat statue sur le maintien de la prise en charge. En cas de rupture du contrat avant son terme, l’employeur notifie la rupture sans délai à Ocapiat qui en informe le ministère du travail.

* Le délai d’instruction

Ocapiat doit se prononcer sur la prise en charge financière du contrat dans un délai de vingt jours à compter de la réception des documents. Passé ce délai, le silence de l’opérateur vaut refus de prise en charge.

* Le refus de prise en charge et les conditions

Ocapiat peut refuser la prise en charge du contrat d’apprentissage en cas d’inéligibilité de la formation mais également lorsque le contrat ne satisfait pas aux conditions relatives :
- à l’éligibilité de la formation à l’apprentissage ;
- à l’âge de l’apprenti (16 à 29 ans sauf dérogation) ;
- au maitre d’apprentissage (employeur ou salarié de l’entreprise, volontaire, majeur, garanties de moralité) ;
- à la rémunération de l’apprenti qui doit être a minima conforme au barème légal et/ou conventionnel.

Le refus de prise en charge par l’opérateur doit être motivé et notifié à l’employeur, à l’apprenti et au CFA. Cette notification peut être faite par voie dématérialisée. L’opérateur doit aussi informer le ministère du refus de prise en charge et de sa motivation.

 

L’apprentissage comme tremplin pour Romaric Guichard

Apprenti en Contrat de Spécialisation lait/agroéquipement chez Emmanuel et Olivier Lamard, associés du Gaec de Jourivière à Cosges dans le Jura, Romaric Guichard partage une expérience particulièrement riche.

Âgé de 19 ans et originaire de Sornay, Romaric Guichard a réalisé un bac professionnel au lycée de Fontaines pour s’engager ensuite dans un premier Contrat de spécialisation en production laitière par la voie de l’apprentissage. Convaincu par l’alternance, il poursuit son cursus par une nouvelle année de spécialisation, cette fois en agroéquipement. « J’ai souhaité réaliser mon bac professionnel en formation continue pour acquérir les bases théoriques avant de m’engager dans l’apprentissage ». Un bon moyen pour poursuivre sa formation tout en entrant dans la vie active. « La formation a été largement facilitée par mes employeurs qui m’ont rapidement fait confiance. Ils disposent d’une grande technicité, ont le sens de la pédagogie et se donnent le temps nécessaire pour m’accompagner ». Une période très formatrice car elle permet d’acquérir de la technique, d’apprendre à travailler en groupe et à mieux organiser le travail.

Rapidité et efficacité

Pour Olivier et Emmanuel Lamard, le choix de l’apprentissage est une franche réussite. C’est à la fois un moyen de répondre à un besoin de main d’œuvre à temps partiel et, surtout, une volonté d’accueillir et de transmettre. L’embauche a été très rapide : à savoir un simple échange avec la maman de Romaric qui a joué le rôle d’intermédiaire et quelques jours de test avant la signature du contrat. Il s’agissait d’une première embauche pour les associés qui ont rapidement eu confiance en Romaric. Lequel a fait preuve de motivation, disposant d’un bon niveau de connaissance et ayant de réelles capacités relationnelles. Un premier pas avant l’éventuelle intégration d’un nouvel associé au sein du Gaec. Toutefois, inclure un nouvel associé dans un Gaec est une démarche de longue haleine : l’embauche d’un apprenti permet de prendre le temps nécessaire pour apprendre à bien se connaitre et d’envisager sereinement un projet dans la durée.

Julien Thibert à Montagny-près-Louhans recommande l'apprentissage
Julien Thibert.

Julien Thibert à Montagny-près-Louhans recommande l'apprentissage

Installé en société avec son père en volaille de Bresse en circuits courts depuis 2019, Julien Thibert a préalablement et rapidement fait le choix de l’apprentissage pour acquérir de l’expérience et s’assurer d’un projet professionnel solide.

Après une année de troisième en MFR, Julien Thibert s’est engagé, dès l’âge de quinze ans, dans un projet de bac professionnel CGEA par apprentissage en trois ans avant deux années de salariat précédant son installation. « Je souhaitais partager le temps entre formation et terrain. Cela me permettait aussi de gagner un peu d’argent ». Trouver un maître d’apprentissage a demandé de la persévérance. « J’ai pris des contacts. Puis je me suis présenté spontanément sur plusieurs fermes ». Embauché par des exploitants situé à quelques kilomètres, en vaches laitières et céréales, il a réalisé une très grande diversité de tâches et a pu bénéficier de beaucoup d’autonomie. Des employeurs avec qui il est toujours en contact, l’entraide fonctionnant parfaitement si le besoin se présente. Quant à son expérience, Julien Thibert est enthousiaste. « Je recommande l’apprentissage. Cela apporte de la confiance en soi pour s’installer à son compte et permet d’apprendre à travailler à plusieurs. En termes de compétences, la complémentarité entre le travail en exploitation et le temps en classe est idéale pour mettre en pratique ce qui est transmis par les enseignants et afin de mieux comprendre les choix techniques des éleveurs ». À peine installé, Julien Thibert envisage dans le futur l’embauche d’un apprenti. « Un bon moyen de transmettre ses connaissances et, pourquoi pas, trouver par cette voie un futur associé ».

Le point de vue des élus

Anne Gonthier, élue à la chambre d’agriculture

« Rassurer et expliquer aux maîtres d’apprentissage de notre département les nouvelles aides pour cette année. Permettre aux employeurs de transmettre à leur apprenti tout leur savoir-faire et leurs valeurs. Telles sont les ambitions du Groupe Apprentissage, émanation de la Commission Enseignement Formation constituée des professionnels de la chambre d’agriculture, de la FDSEA71, de la CPRE (Commission paritaire régionale de l’emploi) et du CFA départemental. Le but recherché est un travail de concertation et de complémentarité de nos structures pour favoriser la promotion de l’apprentissage et de la formation continue dans notre département. L’enjeu est également de faciliter la mise en relation des employeurs et des apprentis, les conforter dans leur choix et les aider dans la mise en place des contrats. Tous ces professionnels de l’agriculture œuvrent ensemble et sont unanimes pour affirmer que l’apprentissage est un vecteur formidable et privilégié de la transmission des savoirs et le renouvellement des générations ».

Bernard Moreau, de la section des employeurs de main d’œuvre FDSEA71

« La section des employeurs de main d’œuvre de la FDSEA est très attentive au sujet de l’apprentissage. Cette formation, qui allie pratique sur le terrain et théorie en établissement, permet aux jeunes de se forger une solide expérience répondant aux besoins de main d’œuvre rencontrés dans les exploitations de notre département. Nous serons aux côtés des employeurs et des apprentis pour les accompagner dans les démarches, avant, pendant et après leur contrat. Le gouvernement encourage fortement la formation en apprentissage : relevons ensemble le défi. Un salarié bien formé est un partenaire précieux dans une exploitation agricole. Pour tout renseignement, contactez le service emploi de la FDSEA 71 ».

Se former comme maître d’apprentissage

Accompagner un jeune dans sa progression pour lui permettre d’acquérir un diplôme et le guider dans la réalisation de son projet professionnel demande certaines compétences et savoirs être. La chambre d’agriculture propose, en partenariat avec la FDSEA, une formation de deux jours les 14 novembre et 11 décembre 2020 à Écuisses. Ces deux journées permettront de mieux appréhender cette fonction tant sur le plan règlementaire que managérial et humain. Cette formation bénéficie des financements Vivea (pour les agriculteurs à jour de leurs cotisations) et d’une aide spécifique à la formation de maitre d’apprentissage de 210 € versée par Ocapiat.

Pour toute information, contacter Maud Gouy (chambre d’agriculture) au 03.85.29.55.63 ou mgouy@sl.chambagri.fr

Quelques chiffres clés

Au 1er janvier 2020, la région Bourgogne Franche-Comté comptait pas moins de 2.644 apprentis dans le secteur agricole dont 353 en Saône-et-Loire. Au niveau de la région, les principales filières dans lesquelles se trouvent les apprentis sont l’agronomie et l’agriculture, l’aménagement paysager, les productions végétales et productions animales. À noter que 72 % des apprentis préparent un diplôme de niveau IV ou V (Bac ou BTS).

Pendant la période de confinement, les membres de la commission apprentissage ont réalisé une enquête auprès de l’ensemble des chefs d’exploitation de Saône-et-Loire pour connaître leur vision de l’apprentissage, leurs besoins et leurs difficultés. Voici la vision de quelque 70 répondants. Ainsi, 90 % d’entre eux ont une vision positive à très positive de l’apprentissage qui constitue pour l’entreprise une source de recrutement en vue d’une future transmission ou comme une alternative à l’emploi d’un salarié. Pour 60 % des exploitants souhaitant accueillir un apprenti, le logement est un frein à l’embauche. Sur ce sujet, des réflexions sont en cours pour créer des partenariats avec les collectivités locales. Par ailleurs, le coût ou les démarches administratives semblent un second frein. Toutefois, de nombreuses aides sont en place pour limiter le coût avec des aides spécifiques post confinement pour relancer les embauches. En tant qu’employeur, il y a une vraie fierté de transmettre son savoir (33 %) alors qu’est appréciée la richesse des relations humaines (21 %). Enfin, la plupart des embauches d’apprentis passent par les relations directes et par le bouche à oreilles.