Label bas-carbone en grandes cultures
Tout reste à construire

Après l’élevage et l’arboriculture, le ministère de la Transition écologique a validé, fin août, une méthode de production bas carbone pour les grandes cultures. Les acteurs de ce marché devront convaincre les agriculteurs à s’engager et les aider à monter leurs projets, tout en trouvant des débouchés pour les crédits générés.

 Tout reste à construire

Céréales, oléoprotéagineux, cultures industrielles, semences : « Tout ce qui est en rotation dans une parcelle est concerné par la méthode », résume Baptiste Soenen, chef du service Agronomie au sein d’Arvalis. Une méthode très attendue par la profession, que le ministère de la Transition écologique a officiellement validée fin août, après 18 mois de travail mené par Arvalis aux côtés de l’ITB, d’Agrosolutions (In Vivo) et de Terres Innovia.

Trouver l’équilibre entre émissions et stockage
La méthode des instituts techniques liste les données nécessaires pour décrire précisément les rotations et pratiques des exploitations, tout en détaillant les équations permettant d’établir un bilan carbone initial. « Ensuite, le porteur de projet se projette sur cinq ans pour choisir ses leviers techniques. Il peut s’agir de leviers d’optimisation, comme un changement de forme d’engrais, mais aussi de leviers plus complexes, avec une reconception du système de culture, comme l’introduction de légumineuses dans la rotation », précise Baptiste Soenen.
Inspirée de l’analyse de cycle de vie, la méthode prend en compte non seulement les émissions de gaz à effet de serre, mais également les variations de stock de carbone dans les sols, ainsi que le lien entre ces compartiments. Car, comme le rappelle Morgane Hénaff, cheffe de projet chez Agrosolutions et co-auteure de la méthode, « il y a des effets antagonistes assez forts entre la partie réduction de gaz à effets de serre et le stockage ».
Le stockage de carbone, détaille-t-elle, est directement lié à la restitution de biomasse au sol, qui dépend des rendements, et donc de la fertilisation – elle-même source d’émission. Si les systèmes à bas rendement type blé dur-tournesol n’auront aucune difficulté à conserver un stockage similaire tout en réduisant les apports d’engrais, le défi peut s’avérer plus complexe pour des systèmes colza-blé-orge dans les plaines céréalières. « Dans tous les cas, on arrive à trouver un compromis, mais il est plus ou moins facile à atteindre », reconnaît Baptiste Soenen.

Des gains de 6 à 45 €/ha/an
Du côté des émissions, les leviers à actionner concernent principalement la consommation d’énergie, avec la diminution du travail du sol pour économiser le carburant, et la réduction des apports et pertes d’azote, grâce aux outils d’aide à la décision ou l’introduction de légumineuses. Et en matière de stockage, comme l’avait déjà souligné l’étude 4p1000 de l’Inrae, « il y a un vrai levier à aller chercher du côté des cultures intermédiaires dans la majorité des exploitations, en choisissant mieux les dates de semis et les espèces, pour assurer une plus grande production de biomasse », résume Morgane Hénaff de Agrosolutions.
Arvalis teste actuellement l’effet de ces leviers sur des fermes virtuelles et devrait prochainement publier une étude sur les économies de carbone possibles en fonction des systèmes de production. D’après les premiers résultats, « la moyenne pourrait être au-dessous d’une tonne de crédit par hectare et par an », avance Baptiste Soenen. Les agriculteurs pourraient au total espérer générer aux alentours de 0,6 t de carbone par ha et par an (tC/ha/an), avec une variabilité allant de 0,2 à 0,3 tC/ha/an pour les projets les plus simples, et jusqu’à 1,5 tC/ha/an pour les plus ambitieux. Soit des gains allant de 6 à 45 € par ha et par an en considérant la rémunération de 30 €/t actuellement proposée par France Carbone Agri.
Comme le prévoit le cadre ministériel du label, les projets devront également montrer patte blanche au-delà de leurs seuls résultats en matière de climat. La méthode approuvée impose notamment aux agriculteurs de prouver que les leviers choisis n’augmentent pas la consommation d’eau, d’énergie ou de pesticides. De manière optionnelle, les producteurs pourront également évaluer le pourcentage de cultures favorables aux insectes, la taille des plus grandes parcelles, ou même le potentiel nourricier des cultures semées ou leur intérêt en matière de lutte contre la déforestation.

Pour calculer les économies de carbone réalisées, les agriculteurs pourront choisir entre deux systèmes de références : une référence générique départementale, basée sur les itinéraires techniques et résultats de leur Otex, ou une référénce spécifique, basée sur les indicateurs de leur propre exploitation sur les trois dernières années. Mais attention, « la méthode ne précise pas les petites lignes qui devront figurer dans les contrats », résume Phillipe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB.