Rentrée syndicale
L’urgence de bien s’informer

Cédric MICHELIN
-

Sécheresse, canicule, gestion de l’eau, gestion des risques, loups, décapitalisation, pouvoir d’achat contre ÉGAlim 2, hausse des charges et baisse des trésoreries, énergies renouvelables… le président de la FDSEA 71 balaye les sujets de la rentrée avant une année syndicale élective pour renouveler le réseau.

Après 2018-2019-2020 – et hormis l’excès d’eau en 2021 -, l’année 2022 est à nouveau marquée par une sécheresse. Quelles sont les difficultés rencontrées sur le terrain ?
Christian Bajard : À la FDSEA, nous sommes inquiets de la sécheresse qui dure dans le temps, même si les précipitations de printemps avaient donné de l’espoir à certains. Pour beaucoup, les fourrages et les récoltes de maïs et de soja ont été réduits. À partir du mois d’août, il a fallu nourrir et abreuver les animaux et cette situation n’est pas terminée. Pour autant, ouvrir un dossier calamité va être difficile, car les références des dernières années avec trois sécheresses sur les quatre dernières années en limitent l’accès. Nous avons alerté la DDT et convenu de faire un bilan fin septembre.

Les scientifiques et climatologues semblent d’avis que l’été 2022 sera représentatif des étés futurs. Cela pose de nombreuses questions à plus ou moins long terme ?
C.B. : Les agriculteurs sont amenés à intégrer le changement climatique, de façon plus prégnante, avec des récoltes qui ne poussent pas dans de bonnes conditions, avec l’obligation de taper dans les stocks, en transportant de l’eau pour abreuver… Nous travaillons au niveau national sur la gestion des risques et un système assurantiel pour trouver des leviers plus sécurisants, leviers d’autant plus indispensables que chaque aléa fragilise un peu plus les exploitations. Nous nous inscrivons aussi dans le Varenne de l’eau pour imaginer plus de stockages d’eau afin de sécuriser les cultures ou les fourrages et bien sûr l’abreuvement. C’est un dossier difficile, car il existe beaucoup de blocages idéologiques. Avec les chambres d’agriculture, nous devons travailler sur l’évolution des cultures adaptées à ces changements.

Cela a-t-il déjà commencé à se manifester avec une extensification ou décapitalisation ?
C.B. : L’absence de pluie pose forcément la question de moins charger et de faire plus de stocks, mais il faut réfléchir aussi aux partenariats avec d’autres zones productrices, en ayant toujours en vue l’équilibre économique. Nos systèmes résistent mieux que d’autres, mais avec moins de produits (€) par hectare et des exploitations qui n’auraient pas la possibilité d’irriguer ou de cultiver des variétés plus résistantes à la sécheresse, elles deviennent tributaires, car sans eau, il ne pousse pas grand-chose. Le Département et la Région nous accompagnent dans nos réflexions.

La grêle s’est aussi abattue dans le Charolais. Où en est la cellule de suivi préfectorale ?
C.B. : La grêle a frappé fort les cultures du secteur, mais aussi et surtout les bâtiments et les habitations. Avec les expertises d’assurances, le sujet majeur est le délai pour réparer. L’enjeu étant que les réparations soient faites avant la rentrée des animaux. La deuxième difficulté est le coût des réparations avec l’inflation, même s’il s’agit là de négociations avec les assureurs des agriculteurs. Le reste à charge pour les exploitants peut être très difficile à supporter.
Après mobilisation de l’État, une aide d’urgence a été octroyée à chaque département et nous travaillons avec l’administration pour flécher au plus juste entre cultures et bâtiments, et ce, dès septembre. Des prises en charge de cotisations MSA ont été demandées en cas de problème de trésorerie.
La cellule "grêle" a été réunie par le préfet pour faire le point sur les difficultés locales, comme le désamiantage. On recherche des solutions pour éviter le découragement des agriculteurs.

Juillet 2022 a aussi été marqué par de nouvelles attaques de loup dans le Charolais et des loups sont signalés régulièrement dans les départements voisins. La menace est-elle constante ?
C.B. : Oui, c’est pourquoi nous travaillons sur la révision du plan Loup 2023. Nous avons déjà obtenu le recomptage et nous avons eu la confirmation que les loups étaient bien plus nombreux que ce que les autorités disaient. Le constat reste donc le même : une totale incompatibilité loup-élevage. On voit dans le Doubs des meutes qui attaquent désormais des bovins !
Nous demandons donc avec véhémence un changement de statut du loup au niveau européen et mobilisons en conséquence nos parlementaires. Nous souhaitons le renforcement des brigades loup. Nous travaillons avec la chambre d’agriculture sur la notion de non-protégeabilité des troupeaux pour accélérer le prélèvement du loup lors des attaques. Chaque attaque est traumatisante pour nos éleveurs. Ils ne peuvent pas vivre en permanence dans la peur.

Avec l’inflation générale et celle en particulier des énergies, la loi ÉGAlim 2 est-elle encore portée par le gouvernement ?
C.B. : La profession a beaucoup d’incertitudes, mais nous ne lâcherons rien. Nos hausses de charges peuvent atteindre plus de 50 % selon les postes. Certes, nos prix de vente ont évolué – cependant pas dans toutes les filières – mais le bilan reste difficile : beaucoup de filières ne couvrent pas leurs coûts de production alors qu’ils devraient être répercutés. Par exemple, en viande, on partait avec du retard, que l’on n’arrive toujours pas à combler. Idem en lait.
Reste qu’ÉGAlim 2 bouscule et a fait réfléchir les filières... mais le résultat n’est pas encore celui escompté.
On compte aussi sur le volet de la loi concernant les collectivités et l’État, les obligeant à s’approvisionner en local et en produits sous signe de qualité.

Le plan stratégique national de la France vient d’être validé dans le cadre de la prochaine Pac. Quelles conséquences pour les exploitations de Saône-et-Loire ?
C.B. : Le PSN a été validé mais il reste des arbitrages régionaux sur le second pilier Pac, notamment pour les aides à l’investissement. Sur la gestion des risques, l’objectif reste d’être prêt pour 2023 mais les arbitrages budgétaires ne sont pas encore connus pour l’assurance récolte.
Sur les aides UGB, les écorégimes, etc., des réunions et des formations pour les agriculteurs vont être organisées. Les agriculteurs doivent s’informer rapidement, notamment pour l’implantation des prochaines cultures ou pour avoir de bons accompagnements pour les écorégimes par exemple.

Tout semble bouger en même temps ?
C.B. : Oui, il y a du changement et tellement de données que l’on ne maîtrise pas (Ukraine…). La FDSEA accompagne les agriculteurs sur le court et le long terme. Ce sont eux qui assurent la barque de l’alimentation dans les rayons des magasins. C’est important que les filières ne fragilisent pas plus les exploitations agricoles. Comme sur les aspects climatiques, revenus agricoles, etc., on cherche des solutions pour soutenir les trésoreries afin d’éviter le choc des charges actuelles. Dans le plan de Résilience, il existe des mesures à regarder rapidement (dont la prise en charge des cotisations MSA), même si cela ne résout pas tout.
En viticulture, une réflexion est menée sur une évolution du mode de calcul des fermages viticoles pour tenter d’harmoniser entre départements.

D’autres pistes de réflexion pour l’avenir ?
C.B. : Les crédits carbone et les services environnementaux sont des sujets importants qui devraient apporter un plus pour les exploitations.
L’agriculture a aussi sans doute un rôle à jouer sur les énergies renouvelables. Pour le photovoltaïque, privilégier l’implantation sur les toits est une priorité. Nous ne sommes pas favorables à l’implantation au sol pour préserver le foncier agricole, mais nous souhaitons analyser les nouvelles formes d’agrivoltaïsme avant de prendre une position départementale.

Comment allez-vous informer les agriculteurs sur tous ces sujets ?
C.B. : 2023 est une année de renouvellement du réseau. Nous organiserons de nombreuses réunions sur le terrain. Nous allons engager un travail pour mobiliser de futurs élus pour débattre du projet agricole que nous voulons pour le département.