AGRICULTURE BIO
Grandes cultures biologiques : un marché en baisse

Le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes, la Frab Aura1 et la chambre régionale d’agriculture, ont uni leurs compétences pour réaliser un tour d’horizon du contexte de production, du marché et de la consommation des grandes cultures bio.

Grandes cultures biologiques : un marché en baisse
Bastien Boissonnier, chargé de projets filières au Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes. ©Linkedink

Au niveau national, 783 000 ha sont cultivés en grandes cultures biologiques en 2022 (soit 6,5 % de l’ensemble des surfaces nationales des grandes cultures), contre 174 815 ha en 2021. « La dynamique de progression, en termes de surfaces, a quadruplé entre 2011 et 2021 », a indiqué Bruno Barrier-Guillot, directeur Études scientifiques et économiques d’Intercéréales, à l’occasion d’un webinaire dédié au marché des grandes cultures bio, le 27 octobre dernier. En France, les assolements en bio sont assez diversifiés, avec une dominance du blé tendre et du tournesol. « Nous voyons une envolée des oléagineux (tournesol, soja) en 2022 alors que les surfaces en protéagineux augmentent beaucoup moins vite. Les légumes secs sont également en progression », a-t-il précisé. Quant à la collecte nationale de grandes cultures bio, « nous avons atteint le million de tonnes collectées lors de la campagne 2021-2022, après une évolution constante lors des cinq dernières campagnes. Cette hausse est essentiellement tirée par la collecte de blé tendre (+ 65 % par rapport à la campagne précédente), de soja (de 43 000 t en 2017-2018 à 88 000 t en 2021-2022) et de tournesol (de 26 000 t à 75 000 t) », a annoncé Tiana Smadja, chargée d’études économiques à Terres Univia. En région Auvergne-Rhône-Alpes, au 1er septembre 2022 (collecte juillet-août 2022), 354 tonnes de légumineuses bio, 36 970 t de céréales bio et 1 500 t d’oléagineux bio, ont été collectées.

Baisse des achats de produits bio

Si les chiffres de la production et de collecte sont en nette progression, le marché économique français a subi un ralentissement en 2021, avec une baisse de 1,3 %, selon les chiffres de l’Agence bio. « La consommation alimentaire des ménages a baissé d’environ 5 milliards d’euros par rapport à 2020, avec une part des achats alimentaires bio qui représentent 6,63 % de la consommation générale », a prévenu Tiana Smadja. Les circuits de distribution du bio, très diversifiés, ne sont pas tous impactés de la même manière. La baisse des achats de produits bio se voit principalement dans la grande distribution généraliste (- 5,3 % de chiffre d’affaires) et dans les magasins spécialisés bio (- 16 % de chiffre d’affaires), au profit de la consommation en vente directe, chez les artisans commerçants et dans la restauration collective. Ainsi, les produits bio issus des grandes cultures connaissent une diminution de la consommation : c’est le cas notamment de la catégorie pâtes, riz et autres céréales, les huiles, les biscuits et produits pour le petit-déjeuner, les produits à base de soja, etc.

Concurrence des labels

« Le ralentissement de la consommation s’explique par des raisons multifactorielles, à savoir l’inflation, la concurrence des labels HVE ou zéro résidu de pesticides, ou encore la confiance des consommateurs envers le label agriculture biologique », a déclaré Bastien Boissonnier, chargé de projets filières au Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes. « Globalement, après plusieurs années de croissance, le marché des grandes cultures bio est au ralenti en 2021, un phénomène confirmé en 2022 en raison notamment de l’inflation et du réarbitrage des consommateurs », a souligné Bruno Barrier-Guillot. En parallèle, le contexte international a bouleversé les échanges internationaux de marchandises biologiques avec une flambée des prix des matières premières. « À long terme, le bio reste tout de même sur une dynamique forte, avec une croissance du chiffre d’affaires de + 15,5 % entre 2019 et 2022, et une augmentation du nombre de consommateurs (un million supplémentaire) depuis 2017 », a conclu Bastien Boissonnier.

Amandine Priolet

1 Fédération régionale de l’agriculture biologique.
Développement du bio

Vers quelles stratégies se tourner ?

Face aux inquiétudes liées au développement du marché du bio, s’est posée la question de l’organisation de la filière à l’occasion d’une table ronde, proposée en visioconférence le 27 octobre dernier. « Ce contexte montre l’importance de structurer la filière, d’anticiper et de cerner les besoins avant l’implantation des cultures », a signalé Amandine Poizot-Clément, responsable de la coopérative Bioagri. « Il faut vraiment s’assurer des débouchés avant d’implanter des espèces. De plus, la diversification des cultures est importante et peut apporter des solutions, même si cela reste des marchés de niche », a-t-elle ajouté. Parmi les débouchés évoqués pour valoriser la production biologique de la filière, celui de l’exportation. « En tant que producteur, quand on parle d’exportation, on s’attend forcément à une diminution du prix. Je ne suis donc pas sûr que nous soyons capables d’être en mesure de produire moins cher que ce que l’on fait actuellement. Si l’on se dirige vers l’exportation, ce sera, je pense, au détriment du prix », s’est inquiété Francis Surnon, producteur et référent bio au sein de la coopérative Oxyane. « Dans le contexte actuel, l’exportation pourrait être une solution mais je pense qu’il serait plus intéressant de réussir à utiliser les céréales biologiques sur le marché intérieur, avec notamment l’obligation en restauration collective de proposer a minima 20 % de produits bio dans les cantines scolaires par exemple », a ajouté Guillaume Carruzo, responsable filières chez Moulin Marion (meunerie et nutrition animale bio). Par ailleurs, la filière doit également miser sur la communication. « Les bienfaits du bio doivent être mis en valeur », a insisté Bastien Boissonnier, chargé de projets filières au Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes. « Il faudrait en effet mieux communiquer sur l’agriculture biologique et mettre en avant les avantages de consommer des produits biologiques. Dans un contexte d’inflation des prix, c’est normal d’être tenté de se tourner vers des produits conventionnels, mais il est important que les consommateurs reprennent conscience de l’importance de consommer bio, ne serait-ce que dans un contexte de changement climatique important », a prévenu Guillaume Carruzo. 

A.P.

Les grandes cultures bio en Aura
EN CHIFFRES

Les grandes cultures bio en Aura

« En Auvergne-Rhône-Alpes, d’après le recensement agricole de 2020, les exploitations cultivent en moyenne 23 ha de céréales, contre 14 ha de céréales bio par exploitation. De plus, 7 % des céréales régionales sont cultivées en bio ou en conversion, soit 11 % des exploitations régionales », a indiqué Alice Odoul, chargée de mission Observatoire de l’agriculture biologique et grandes cultures à la fédération régionale de l'agriculture biologique d'Auvergne-Rhône-Alpes (Frab). D’après l’Agence bio, 69 % des exploitations en agriculture biologique ayant comme production principale les grandes cultures sont 100 % bio ou en conversion. 31 % sont donc mixtes (conventionnel et biologique). Les principales céréales cultivées en agriculture biologique dans la région sont le blé tendre, l’orge, le maïs, le triticale, le soja et des mélanges céréaliers, qui représentent 76 % des surfaces menées en bio. « En 2021, 2 805 exploitations sont engagées en grandes cultures bio, soit près de 50 000 hectares (9 561 ha en conversion, 40 262 ha certifiés bio) », a précisé Alice Odoul.

A.P.

En 2022, 783 000 ha sont cultivés en grandes cultures biologiques contre 174 815 ha en 2021. ©DR
Les produits bio issus des grandes cultures connaissent une diminution de la consommation. ©DR