Cours d’eau curé à Versaugues
Lettre au préfet de Saône-et-Loire pour mettre au clair l'injustice d'une condamnation d'un cours d'eau curé

Le tribunal correctionnel de Mâcon a rendu sa décision le 25 novembre dans l’affaire du cours d’eau curé sur la commune de Versaugues. Le maire Louis Accary et la société ayant procédé aux travaux ont été condamné, en partie avec sursis. Nous reproduisons ici dans son intégralité la lettre écrite par le maire de Versaugues au préfet en date du 7 décembre.

Lettre au préfet de Saône-et-Loire pour mettre au clair l'injustice d'une condamnation d'un cours d'eau curé

Monsieur le préfet,

Maire de Versaugues, petite commune de 195 âmes, je viens d’être reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Mâcon, en date du 25 novembre 2020, pour curage d’un fossé devenu cours d’eau.
Vu la manière dont cela s’est produit, cela m’affecte profondément et m’oblige à réagir par la présente lettre.
En effet, au printemps 2017, soit un an avant que la commune ne lance les travaux et ses demandes d’autorisation de les effectuer, alors qu’ils étaient avertis de notre projet de curage de cet ouvrage, les techniciens de l’Agence pour la Biodiversité ont décidé unilatéralement de changer de catégorie le fossé qui, ainsi, est devenu un cours d’eau. Le dossier pénal nous a permis de découvrir que la DDT en avait été avertie dès juin 2017, mais personne n’a jugé utile de modifier la carte des cours d’eau et d’en informer le maire de la commune…
J’ai fait la demande de curage à la DDT en avril 2018 en fournissant la carte disponible sur le site avec le tracé précis des travaux à réaliser et j’ai sollicité un rendez-vous aux agents de la Biodiversité pour qu’ils puissent me faire part de leurs éventuelles remarques sur le projet.
Ces derniers sont venus sur place sans avoir répondu à ma demande et « sans juger nécessaire de m’avertir préalablement de leur déplacement ».
Après quelques relances à la DDT pour obtenir leur retour sur la demande de la commune, cette dernière m’a répondu en juillet 2018 dans un courrier ayant pour objet : Le curage d’un cours d’eau… -dont, je redis, personne ne m’avait prévenu d’un changement de statut- avec une autorisation de travaux qui s’est avérée extrêmement tendancieuse dans sa rédaction. Lors de l’instruction du dossier, nous avons appris avec étonnement que les techniciens de l’Agence pour la Biodiversité avaient émis un avis circonstancier à la DDT, avis dont, bien entendu, je n’avais pas eu connaissance. Dans son autorisation, la DDT a repris l’avis de l’Agence pour la Biodiversité en " supprimant quelques mots " qui en changent totalement le sens, et qui a donné lieu à un vif débat durant l’audience, entre mon avocat Maître Levant Saban, l’agent de l’OFB, et le tribunal.
Forts de l’autorisation de la DDT, nous avons réalisé les travaux qui ont été achevés le samedi 29 septembre 2018 à midi. Et dès le lundi 1er octobre au matin les agents de la Biodiversité sont venus visiter le site « par pur hasard », la visite étant soi-disant prévue dans leur tournée annuelle.
À compter de ce jour, j’ai été prévenu qu’une procédure pénale serait mise en place à mon encontre et à celle de l’entreprise ayant réalisé les travaux de curage. Au résultat, nous avons tous les deux été condamnés pour « Exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l’eau et au milieu aquatique ».
Dès lors, je me pose des questions :
- Pourquoi la DDT ne m’a-t-elle pas prévenu du changement de statut du fossé en « cours d’eau »  à la suite de la visite des agents biodiversité en juin 2017, et pourquoi la carte n’a-t-elle pas été mise à jour ?
- Pourquoi n’a-t-elle rien dit lors de la demande de travaux en 2018 ?
- Pourquoi un tel acharnement sur une toute petite commune, sur son maire et sur une petite entreprise de travaux publics ?
- Quelle image en tirent la justice et l’Administration de notre pays ?
- Afin que d’autres maires ou agriculteurs ou entreprises ne se retrouvent pas confrontés aux mêmes « tracasseries » (et c’est un euphémisme) dans l’avenir, j’ai l’honneur de vous demander instamment d’organiser une réunion à la préfecture, sous votre présidence, avec la DDT, l’Office pour la Biodiversité, les élus, les représentants agricoles et des travaux publics pour que soit redéfinie une méthode de travail qui permette à chacun de savoir ce qu’il peut et doit faire.
Il me semble nécessaire qu’au lieu de vouloir ne faire que du répressif, l’administration commence par redevenir une véritable partenaire qui conseille, alerte, et informe. Notre démocratie s’en trouvera bien plus efficace au service de la population.
Mais que peut bien être l’utilité des maires de petites communes, dont je fais partie, si un nouveau cadre de relation entre Administration et élus n’est pas redéfini et mis en place ? Je conviens parfaitement de l’importance des modifications et du renforcement des règles en vue de protéger l’environnement. Toutefois, il me semble inadmissible que cette évolution positive soit effectuée et exécutée de façon désorganisée, sans aucune pédagogie ni travail collectif. La commune a pourtant tout mis en place pour mobiliser et interroger les services de l’État compétents, et je me retrouve déclaré coupable pour n’avoir pas compris l’autorisation de travaux rendu par vos services, et qui selon le tribunal ne portait que sur les passages busés du «  fossé banal » connu de tous dans ma commune, alors que ce terme de « busé »  avait disparu du courrier de la DDT !
Qui suis-je pour réussir à comprendre à l’époque la portée de l’avis mal rédigé (sur les passages non busés !) de votre DDT, alors qu’il a fallu le représentant de l’OFB, un procureur la République, un tribunal et quinze pages de jugement pour venir dire comment devait être lu et compris cet avis de la DDT sur la portée des travaux de curage à réaliser !
Après plusieurs jours de difficile réflexion, et même si j’estime ne pas être coupable des faits pour lesquels j’ai été condamné, j’ai choisi de ne pas faire appel du jugement, et ce pour les raisons suivantes :
1 : Lorsque j’ai lu les quinze pages du délibéré, je n’ai vu nulle part la moindre prise en compte des lacunes de l’administration bien que nous les ayons largement démontrées lors du procès. Par exemple, en page 8 la présidente du Tribunal affirme que la dernière version actualisée de la carte des cours d’eau a été éditée en décembre 2017 alors que, lorsqu’en avril 2018 j’en ai reçu copie, l’information du changement de destination du fossé devenu cours d’eau depuis juin 2017 n’était toujours pas notée. Cet exemple n’est qu’une des nombreuses fautes de l’Administration non retenue par le tribunal. 
2 : J’ai décidé de privilégier ma santé et celles de mes proches et m’épargner ainsi un nouveau combat judiciaire toujours difficile à porter, et éviter aussi une mobilisation humaine et financière de la commune.
En vous remerciant par avance d’avoir pris le temps de prendre connaissance de cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de ma parfaite considération.
Louis ACCARY.
Maire de VERSAUGUES