Agriculture bio de Saône-et-Loire
Un vent porteur

Retour sur l’assemblée générale du Groupement des agrobiologistes de Saône-et-Loire. Si une dynamique certaine est perceptible au niveau de la production, l’actualité du secteur est liée aux aides, à leur retard de versement et à leur insuffisance…
133415--Photo_vignoble_3.jpg
Le 9 février, le Groupement des agrobiologistes de Saône-et-Loire (Gabsel) - présidé par Olivier Devêvre, agriculteur à Cortevaix - avait choisi de tenir son assemblée générale à Vinzelles, au cœur du vignoble mâconnais. L’occasion de dresser un état des lieux de l’agriculture biologique dans le département, laquelle bénéficie ces dernières années d’une dynamique certaine, notamment en élevage.
« Nous avons enregistré en 2015 et 2016 pas mal de conversion en élevage », note Marine Philippe, animatrice au Gabsel depuis un an maintenant. Ainsi, toutes productions confondues, 53 nouvelles exploitations se sont converties au bio en Saône-et-Loire au cours des deux dernières années, dont 31 en 2016. Et la dynamique ne semble pas s’essouffler alors d’ores et déjà l’année 2017 compte 4 nouvelles conversions en polyculture-élevage et en viticulture et d'autres sont dans les tuyaux... Au total, la Saône-et-Loire comptait ainsi quelque 276 exploitations bio au 31 décembre dernier (lire encadré ci-dessous).
Reste que « 2016 a été compliquée », ne cache cependant pas la technicienne en faisant allusion à la météorologie compliquée qui a caractérisé l’année dernière : printemps froid et humide, gel, grêle… « En viticulture et en maraîchage en particulier, cela a été compliqué ». Et si certains viticulteurs bio ont été contraints de traiter avec des produits non bio, leur nombre est très limité : quatorze sur l’ensemble de la Bourgogne viticole dont un seul en Saône-et-Loire, lequel exploite de surcroit à cheval entre le département et la Côte-d’Or ont été contraintes de traiter avec des produits non bio. Pour autant, tous ont réengagé leurs parcelles en bio et devront à ce titre attendre à nouveau trois ans avant de remettre le label bio sur leurs produits.




Un changement d’échelle


Pour le Gabsel, « il est clair que nous assistons à un changement d’échelle de l’agriculture bio, tant dans le département que plus généralement en France », fait remarquer la technicienne qui évoque les surfaces nouvellement converties ces derniers mois, mais aussi le nombre d’exploitations concernées. Et ce changement d’échelle intervient alors même que le marché du bio « est en pleine croissance, avec une consommation en hausse ». Ainsi, en 2015, neuf Français sur dix avaient-ils ainsi consommé du bio. Quant à l’avenir, 93 % des consommateurs mettent en avant leur intention de maintenir ou d’augmenter leurs achats sous label bio. Marine Philippe évoque une croissance de +20 % au 1er trimestre 2016 par rapport à la même période l’année précédente d’un marché qui, à l’échelle nationale, pèse déjà près de 6,9 milliards d’€. Bref, « les indicateurs sont au vert », d’autant que 76 % des produits consommés sous label bio sont d’origine France et que, parmi les 24 % restants, on trouve nombre de produits peu ou pas produits en France métropolitaine, comme le café, le chocolat, certains fruits ou légumes…

Actualité chargée…


Pour autant, les responsables du Gabsel ne cachent pas leur inquiétude, notamment au sujet des aides… D’une part, les aides bio de 2015 ne sont toujours pas versées à ce jour. Et même si elles ont fait l’objet d’une avance de trésorerie remboursable (ATR), il n’en demeure pas moins que leur versement n’est pas attendu avant le mois de mars. Quant aux aides pour 2016, on évoque un versement au second trimestre 2017…
Sans parler des aides de 2017 ! « Nous avons de sérieuses craintes sur les dates de versement au sujet desquelles nous attendons un calendrier de paiement définitif », souligne Marine Philippe. « Mais nos craintes sont plus fortes encore en ce qui concerne leur montant alors même que les enveloppes disponibles font redouter - au retard de la dynamique de développement constatée sur le terrain - une réelle insuffisance ».
Dans la foulée de cette assemblée générale, une lettre ouverte a été adressée « à ceux qui pensent (encore) que les attentes sociétales et les demandes citoyennes déterminent les politiques publiques », lettre cosignée par l’ensemble des Groupements d’agrobiologistes de Bourgogne Franche-Comté (lire encadré ci-dessous). Une interpellation vigoureuse.



276 exploitations bio


La Saône-et-Loire comptait 276 exploitations bio au 31 décembre 2016. Parmi celles-ci, 47 % sont des exploitations d’élevage, en majorité en élevage allaitant, 29 % sont en viticulture, 13 % en maraîchage. Pour le reste, on compte notamment 3 % d’exploitations en grandes cultures, autant en plantes aromatiques et 2 % en apiculture, le solde étant en productions diverses. Le Gabsel comptait en 2016 une cinquantaine d’exploitations adhérentes, un chiffre qui est stable par rapport à l’année précédente. « Nous avons travaillé à un système d’adhésion plus souple », signale Marine Philippe qui compte bien, grâce à la dynamique enclenchée depuis plusieurs années, inverser la courbe et gagner des adhérents.







Lettre ouverte


Sous le titre "L’agriculture biologique en Bourgogne Franche-Comté aura-t-elle un bel avenir derrière elle ?", les agrobiologistes de la région ont adressé une « lettre ouverte à ceux qui pensent (encore) que les attentes sociétales et les demandes citoyennes déterminent les politiques publiques ». Extraits.
« Alors même que les agriculteurs bio aux abois attendent toujours le versement sans cesse repoussé des aides à la conversion et au maintien 2015 (!!), alors même que l’incertitude est grande quant à la possibilité pour la Région de renégocier - à mi-parcours de la Pac 2015-2020 - une réaffectation budgétaire sans laquelle l’enveloppe globale dédiée aux aides environnementales sera asséchée dès 2018, on estime déjà pourtant à 9.000 ha, pour la seule Bourgogne, les engagements en Agriculture biologique pour l’année 2017 !


Dans un tel contexte, la dynamique de conversions dans notre région reste malgré tout forte. Mais pour combien de temps encore ? Et surtout, quel prix les nouveaux venus auront-ils à payer dans les années qui viennent pour leur engagement ?
».


Et les GAB de poursuivre avec la passion qu’on leur connaît : « en BFC (comme dans bien d’autres régions du reste), l’agriculture bio connaît une situation absurdement paradoxale. Portée par une demande sociétale sans précédent, tenue de répondre à une hausse sans cesse croissante de la consommation, poussée par les crises environnementales et sanitaires, elle apparaît comme la clé d’une transition inévitable vers un nouveau modèle de production et de consommation alimentaires respectueux de l’environnement et de la santé publique. Et pourtant, son développement se trouve aujourd’hui dans un goulet d’étranglement politique, administratif et financier où s’épuise sa dynamique et s’obscurcit son avenir ». Et de dénoncer pêle-mêle les dysfonctionnements administratifs, les problèmes "techniques", les "bug" informatiques ou encore la tiédeur politique, tant au ministère, que dans les services de l’Etat, les exécutifs régionaux et autres acteurs institutionnels... « De toute évidence, le changement d’échelle de la bio, dont on parle tant, n’est pas le résultat d’un grand projet politique partagé, pas plus qu’il ne suscite une ambition déterminée des décideurs en phase avec les attentes de la société. A cet égard, la Région Bourgogne Franche-Comté ne fait pas exception à la règle. Si la dynamique des conversions y reste forte, son infléchissement n’en est pourtant pas moins réel. Pour la Bourgogne seule : 16.000 ha en 2015, 13.000 en 2016, 9.000 prévus en 2017... Comment pourrait-il en être autrement ? La situation est critique et les perspectives ne cessent de s’assombrir ».


Et les agrobiologistes de déplorer la sous-estimation chronique dans la prévision des surfaces et des besoins, l’insuffisance flagrante des enveloppes dédiées aux aides conversion et maintien, l’abaissement des plafonds, la gestion calamiteuse des versements, l’assèchement prévu dès 2018 des enveloppes budgétaires ou encore la suppression possible des aides au maintien en agriculture biologique. « Autant de coups portés à la survie financière des exploitations comme à la pérennité des conversions, et qui décourageront à coup sûr les nouveaux projets d’engagement ».


Ainsi, « l’incertitude et la méfiance sont en passe de tarir la vague des conversions ; qu’ils attendent encore, et la Région aura raté le virage de la bio et durablement discrédité son projet agricole et environnemental », poursuivent les GAB qui interpellent les élus et les décideurs : « les agriculteurs bio attendent un signal fort et sans équivoque ». Pour les bio, « l’Etat et la région doivent :


- dégager en urgence des moyens pour pallier les préjudices les plus criants ;


- reconsidérer le niveau d’intervention dans le montant des aides ;


- sans tarder relancer une vraie politique d’appui au développement de l’agriculture bio sur le territoire. Ils doivent maintenir le principe d’une aide au maintien fondée sur la reconnaissance des aménités positives de la bio et des économies qu’elle génère à terme sur le territoire
».