Autonomie alimentaire
La technique du toastage des graines de protéagineux arrive en Saône-et-Loire !

Marc Labille
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Mi-décembre, les éleveurs bressans du réseau Cuma ont fait venir la Cuma Terr’Eau pour une démonstration de son toasteur de graines de protéagineux. L’occasion de découvrir ce procédé qui, dans une optique d’autonomie alimentaire, permet d’optimiser la valorisation des graines riches en protéines.

La technique du toastage des graines de protéagineux arrive en Saône-et-Loire !
La démonstration de toastage était organisée sur l’exploitation laitière du Gaec de la Jaraude à Juif.

Le 13 décembre dernier, la fédération Cuma Bourgogne Franche-Comté organisait une démonstration de toastage de graines de protéagineux à Juif. L’idée a germé en 2020 lors d’une assemblée générale des Cuma où le thème de l’autonomie protéique avait été développé avec la présentation de la Cuma Terr’Eau de la Nièvre. Séduits par le principe d’une meilleure valorisation des protéines locales, les éleveurs bressans ont eu envie d’imiter leurs collègues nivernais. Avec le souhait d’être moins dépendant du soja sud américain et de produire eux-mêmes leurs protéines sur leurs exploitations, expliquait David Cornier, représentant de la fédération Cuma Bourgogne Franche-Comté. Un projet qui prend tout son sens dans une région productrice de soja, à l’heure de la flambée des cours des matières premières et alors que Danone impose 100 % de protéines françaises dans son cahier des charges, rappelait le responsable bressan.

Pour des graines riches en protéines

Le toastage consiste à chauffer les graines de protéagineux à 280 degrés (110 degrés à cœur). Ce chauffage provoque un tannage des protéines ce qui améliore leur digestibilité chez les ruminants, limitant ainsi un gaspillage de leur azote soluble, expliquait Denis Chapuis de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Le toastage a aussi pour effet de détruire les facteurs anti-nutritionnels naturellement présents dans les graines de protéagineux. Un préalable indispensable pour les animaux de type monogastrique comme le porc ou les volailles. Enfin, le procédé assèche les graines d’où la possibilité de les stocker jusqu’à au moins six mois malgré une teneur en matière grasse élevée. Entières, les graines toastées peuvent être broyées, laminées ou aplaties. Si le toastage est ouvert aux graines de soja, féverole, pois, lupin, il est tout de même recommandé de le réserver à des protéagineux riches, étant donné le coût de la technique, prévient Denis Chapuis. Avec respectivement 35 et 25 % de teneur en matière azotée totale, ce sont le soja et la féverole qui sont les plus intéressantes, poursuit l’expert qui a livré les résultats de deux essais conduits ces dernières années sur le sujet (lire encadré).

2 tonnes/heure et 110 €/heure

La Cuma Terr’Eau a vu le jour en 2001 avec une activité de compostage. En 2007, elle se diversifiait dans le déchiquetage en bois plaquettes. L’activité toastage a été lancée en 2019. La Cuma est équipée d’un toasteur qui a coûté un peu plus de 140.000 € TTC, subventionné à hauteur de 50.000 €. Autonome et transportée sur une remorque plateau tirée par un tracteur, la machine se compose d’un groupe électrogène, d’un brûleur au fioul qui fournit la chaleur au toasteur proprement dit. À l’intérieur, les graines sont soufflées par de l’air porté à 280 degrés. Le débit moyen du chantier est de 2 tonnes par heure. La Cuma fournit à l’adhérent la machine ainsi que son chauffeur. Sur place, l’agriculteur fournit les graines de protéagineux ainsi qu’une benne pour recevoir les graines toastées. Il existe deux modalités d’adhésion à la Cuma : en inter-Cuma ou avec prise de 200 € de parts sociales au premier chantier. Le tarif est ensuite de 110 € par heure de toastage.

Née sous l’impulsion d’éleveurs allaitants désireux de rendre leurs exploitations plus autonomes vis-à-vis de l’alimentation, l’activité toastage concerne aujourd’hui une vingtaine d’utilisateurs dans la Nièvre et les départements limitrophes pour plus de 400 tonnes de graines toastées. Toujours en hausse, le volume d’activité dépasse le seuil de rentabilité prévisionnel, confiaient les responsables de la Cuma Terr’Eau.

Féveroles et soja toastés dans la ration des laitières

Dans le cadre du Pôle de compétences laitier de Bourgogne Franche-Comté, plusieurs essais ont été menés notamment à la ferme expérimentale du lycée de Fontaines. Dans l’optique d’une meilleure autonomie et d’un cahier des charges non OGM, un essai consistait au remplacement du tourteau du commerce par de la féverole toastée. Deux rations ont ainsi été comparées ; l’une classique (ensilage de maïs et de luzerne, céréales) avec du tourteau de colza et l’autre avec 3,5 kg (MS/vache/jour) de graines féverole toastées. Premier enseignement : la richesse en énergie des graines de féverole permet d’économiser aussi sur la quantité de céréales distribuée, révélait Denis Chapuis. Avec la féverole toastée, l’essai a mis en évidence une baisse de production laitière de – 1,6 kg par vache et par jour, indiquait l’expert. Mais les autres valeurs de production (TB, TP…) ne montraient pas d’écart significatif. Les coûts de rations étaient identiques. L’incorporation de féverole toastée dans la ration se révèle possible à condition de bien analyser la valeur alimentaire des graines, laquelle est très variable, mettait en garde le technicien. La perte de lait peut être compensée par les économies de tourteaux et de céréales, concluait-il.

Le remplacement du tourteau de soja par des graines de soja toastées a également été testé pour une ration de vaches laitières. À ration équivalente, 1,6 kg de tourteau de soja 48 ont été remplacés par 2,6 kg de graines toastées. Contrairement à la féverole, les vaches nourries aux graines de soja toastées ont produit + 2,3 kg de lait supplémentaire par jour, mais avec un lait significativement moins riche en TP et TB, rapportait Denis Chapuis. Sur le plan économique, tout dépend du prix des graines de soja et du tourteau. « Si les graines sont chères et le tourteau bon marché, alors il ne faut pas toaster, indiquait l’expert. En revanche, dans le cas contraire, le procédé est intéressant », complétait-il. Un nouvel essai doit être conduit cet hiver à la ferme expérimentale de Fontaines.

Broutards repoussés au pois toastés
Venu de Moulins-Engilbert, Hervé Mouron a assuré lui-même la démonstration du toasteur de la Cuma qu’il préside.

Broutards repoussés au pois toastés

Président de la Cuma Terr’Eau, Hervé Mouron exploite 260 hectares à Moulins-Engilbert où il élève un troupeau de 180 vaches allaitantes et cultive une centaine d’hectares. Dans la quête d’autonomie et dans un secteur où se côtoient de l’élevage et des grandes cultures, « le but de notre Cuma est de créer une filière dans laquelle des céréaliers vendent des protéagineux aux éleveurs, en limitant les coûts de transport », présente Hervé Mouron. Dans son cas, les graines toastées sont destinées principalement aux broutards repoussés. « Un pois toasté équivaut à un concentré de type VL 30 (70 % d’orge – 30 % de soja). L’aliment que je produis moi-même me revient à environ 240 €/tonne alors qu’un concentré acheté me coûterait 350 € ! », confie l’éleveur nivernais. Avec son concentré fermier aux pois toastés, les broutards d’Hervé Mouron réalisent un GMQ moyen de 1,6 kg par jour pour 420 kg vifs. L’agriculteur produit lui-même une partie de ses graines protéagineuses avec 10 ha de pois et 7-8 ha de féveroles.