EXCLU WEB / Les vins IGP veulent anticiper leur avenir, jusqu'à imaginer fusionner avec les AOP

Un exercice de prospective sur la filière des vins à indication géographique protégée (IGP) à l’horizon 2040-2045 a été mené par FranceAgriMer et l’Institut Agro Montpellier. Les scénarios oscillent entre évolution, révolution et fusion avec les AOP.

EXCLU WEB / Les vins IGP veulent anticiper leur avenir, jusqu'à imaginer fusionner avec les AOP

Quel scénario attend les vins IGP français à l’horizon 2040-2045 ? C’est la question qu’a exploré pendant 18 mois un groupe de travail animé par la Mission Prospective de FranceAgriMer et l’Institut Agro Montpellier, à la demande de la confédération des vins IGP de France. Une interrogation légitime pour une catégorie de vins encore relativement jeune et qui évolue dans un contexte mouvant, avec, entre autres, la montée des préoccupations environnementales, l’émergence des nouvelles technologies à la vigne et au chai et une évolution en profondeur des comportements des consommateurs.

Abandon des aides publiques

L’étude, dont les résultats ont été présentés, s’appuie sur une méthodologie prospective mise au point par l’INRAE en vue d’élaborer différents scénarios qui puissent servir aux décideurs de la filière pour élaborer leurs stratégies. Quatre hypothèses sont ressorties des travaux du groupe d’experts et assignent des évolutions très diverses à l’IGP en fonction de l’évolution du contexte économique, social et réglementaire, de celui de la filière vin et enfin de celui de la filière des vins IGP, qui représente approximativement un quart des volumes des vins produits en France (environ 12 Mhl sur 42 Mhl en 2022)

Le scénario A explore celle d’une remise en cause de l’IGP, dans le cadre d’un abandon des aides publiques à défaut d’engagements importants en matière agroécologique et de préférence des consommateurs pour les preuves du respect de l’environnement plutôt que pour la provenance des produits. Une volonté de simplification aboutirait à la suppression des différents niveaux d’indication géographique et à la création de deux grandes catégories, l’une de produits « entièrement obtenus » dans une zone géographique donnée et l’autre de produits dont l’identité serait liée essentiellement au lieu de la transformation avec un rayon de collecte des raisins très large qui pourrait même dépasser les frontières nationales. L’évolution amènerait les anciennes IGP (et les anciens vins AOP) à choisir entre deux modèles.

Des évolutions technologiques déterminantes

Les deux scénarios suivants envisagent un maintien de l’IGP viticole, avec des évolutions différentes. Selon le premier, la filière viticole privilégierait « les innovations technologiques et notamment génétiques proposées par la recherche pour répondre aux attentes de « vins propres » exprimées par les consommateurs », en adoptant en particulier les variétés résistantes. Les vins IGP s’engouffreraient dans cette brèche -à la différence des AOP- et parviendraient à jouer à la fois la carte de la modernité et celle de l’authenticité accessible. L’autre scénario « intermédiaire », le C, imagine une évolution à deux vitesses, une partie de la production choisissant les vins de marque et les « vins plaisir », l’autre optant pour des territoires de niche. « Dans un contexte général de déclin du rendement dans la plupart des vignobles, la différenciation permet mieux de se démarquer d’une concurrence trop frontale par les coûts et les IGP de « produits de niche » résistent relativement mieux que les IGP de « produits de marques de grande consommation », imaginent les experts.

Enfin, le scénario 4 envisage une fusion pure et simple entre AOP et IGP, liée à une perte d’intérêt des consommateurs pour le critère de la provenance et à une concurrence croissante avec des vins de France aux critères de production moins corsetés par la réglementation. Les pouvoirs publics décident alors d’entreprendre la fusion des AOP et des IGP au sein du segment des indications géographiques pour constituer un socle d’offres régionales simplifiées. Les exploitations IGP les plus favorisées profiteraient alors du déplafonnement des rendements et des technologies pour moderniser leurs pratiques et accroître leur productivité, quand d’autres en zones mixtes se différencient préférentiellement par une « AOP ».

« Ces quatre visions scénarisées du futur de la filière française des vins IGP, ne s’apparentent en rien à de la prévision », prévient la mission en conclusion de ses travaux. Selon elle, c’est à la Confédération IGP d’examiner ces « futurs possibles et crédibles sans considération de probabilité pour leur occurrence » et de se prononcer sur les attitudes à adopter vis-à-vis des différents scénarios. Les filières de vins IGP seront ainsi amenées dans les mois qui viennent à agir offensivement ou défensivement pour favoriser ou défavoriser l’advenue d’un scénario ou à s’y préparer.