EXCLU WEB / Quelle ruralité pour demain ?

L’Institut de formation des cadres paysans (IFOCAP) a organisé mi-décembre, une conférence sur le thème « Ruralité demain : tous urbains ? ». En toile de fond, s’est dessiné l’avenir des territoires ruraux en lutte constante avec leurs homologues urbains. De l’avis des intervenants, l’équilibre est compliqué à trouver.

EXCLU WEB / Quelle ruralité pour demain ?

Définir la ruralité ne va pas de soi. La manière d’appréhender cette notion a varié selon les époques et elle ne cesse d’évoluer au gré des travaux scientifiques, des précisions statistiques et des enquêtes sociologiques. Si l’on s’en tient aux récentes définitions de l’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) qui a fixé, en 2020, un modèle à peu près accepté par tous, 88 % des communes françaises sont situées en milieu rural et elles accueillent 33 % de la population française. La France compte ainsi 30 775 communes rurales dont 18 763 « peu denses » et 12 012 « très peu denses ».

Comme la ruralité, le monde urbain ne cesse de se transformer au quotidien. « Ruralité et urbanité sont un processus dynamique, mais avec des caractéristiques différentes », rappelle Marc Dedeire, enseignant-chercheur et professeur en aménagement du territoire à l’Université Paul Valéry de Montpellier.

Si la première se caractérise par une « notion sociologique et de représentation », la seconde s’inscrit plus dans une « logique de pratique », résume-t-il. Décrivant les quatre phases de la reconquête de la ruralité (exode rural, transition, repeuplement, revitalisation), il explique que les déterminants géographiques et socio-économiques des nouveaux flux ruraux s’ancrent dans la prédominance de ménages jeunes avec des enfants en bas-âge. De même, les territoires ruraux voient-ils venir des actifs ou des individus en âge d’activité. « Il n’y a pas que des retraités dans le milieu rural », martèle l’enseignant.

De plus, ceux qui s’exilent des villes pour rejoindre les campagnes ont un niveau de formation « nettement supérieur à celui des populations d’accueil ». D’après ses relevés statistiques, 30 % des néo-ruraux proviennent des régions périphériques, 20 % de la région parisienne et 10 % de l’étranger, plus particulièrement de l’Europe du Nord. Le reste provient de l’ensemble du territoire national. Mais surtout, les deux tiers des ménages néoruraux résident avant leur mobilité en milieu urbain. C’est d’ailleurs la promesse d’une vie meilleure que beaucoup viennent rechercher dans les zones peu peuplées. Ce que Gérard Peltre, président du Mouvement européen de la ruralité (MER), appelle « un désir, un rêve de campagne ».

Lieux d’innovation et valeur ajoutée

A l’inverse, les aspirations des jeunes ruraux est plutôt de s’extraire d’un milieu où ils ne se retrouvent plus. Ils aspirent comme leurs aînés ont pu le faire à d’autres époques, notamment à partir de la fin du XIXe siècle à rejoindre ce lieu de « modernité et d’émancipation » que représente la ville, explique en substance, Gérard Peltre.

« Les campagnes continuent à perdre des jeunes », soutient-il, pointant l’effet de « zapping permanent » des pouvoirs publics sur les politiques publiques. « Il faut que nos gouvernants aient une vision choisie et une vision collective du développement rural. Même si les agriculteurs ne constituent pas la grande majorité des habitants, ce développement ne peut pas se faire sans eux », explique le président du MER.

Il faut aussi, selon lui, construire et financer une vraie stratégie de développement local qui permette aux néoruraux de trouver les services qu’ils attendent : culture, petite enfance, sports, mobilités… A cet égard, il semble aux yeux des deux intervenants que le Contrat de Plan État-Région constitue l’un des moteurs essentiels de cet équilibre entre ruralité et urbanité. « A condition de reconnaître les territoires ruraux comme des lieux d’innovation et de développement et à condition d’intégrer pleinement la question de la politique agricole dans ces CPER », reconnaissent Marc Dedeire et Gérard Peltre. Pour ce dernier, il faut faire reconnaître la valeur ajoutée des territoires ruraux « car il est difficile de dialoguer avec les pôles urbains qui, par ailleurs, n’irriguent pas leur périphérie ».

Réconcilier l’urbain et le rural serait-il un projet utopique, s’interrogent les deux experts ? « En tout cas, la PAC 2023-2027 a tendance à bien séparer les deux », remarque Gérard Peltre et cela quand bien même la ruralité ne se résume pas à l’agriculture. La fracture de deux mondes qui parfois se toisent, souvent s’ignorent, risque donc de perdurer… A moins que l’État encourage les stratégies d’accueil et de développement, notamment envers les néoruraux entrepreneurs « pour faire reconnaître la valeur ajoutée des territoires ruraux », avance le président du MER. Une idée sans doute à développer.