Photovoltaïque et agrivoltaïque
Le ciel s’éclaircit mais reste indécis

Cédric Michelin
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Alors que le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables (AER) a été soumis à un vote solennel ce 10 janvier à l’Assemblée nationale, pour sa première lecture, la profession agricole continue de faire des propositions aux parlementaires pour concilier souverainetés alimentaire et énergétique, tout en veillant à bien privilégier l’installation de jeunes agriculteurs.

Le ciel s’éclaircit mais reste indécis
Avec 286 voix pour et 238 contre, le projet de loi AER (énergies renouvelables) a été adopté de justesse par les députés en première lecture, grâce au soutien apporté à la majorité par le groupe socialiste. Le texte fixera les nouvelles règles de cohabitation entre l’agriculture et les installations photovoltaïques. Une commission mixte réunira des députés et sénateurs, a priori le 24 janvier, pour tenter d'établir un texte de compromis, en vue d'une adoption définitive.

Lundi 9 janvier à Mâcon, le conseil d’administration de la FDSEA avait invité la présidente des JA71, Marine Seckler et son secrétaire général, Thibault Renaud pour faire le tour des dossiers de la rentrée. Avant de parler de la nouvelle politique de renouvellement des générations en Bourgogne Franche-Comté avec des négociations avec la Région terminées sur les aides à l’installation (DJA…) mais pas encore sur la gestion du parcours des porteurs de projets, un important moment était avant dédié au dossier d’actualité des énergies renouvelables, notamment photovoltaïques. Et plus précisément, en agriculture et viticulture, au sol ou sous sa nouvelle forme agrivoltaïque, concept qui n’est pas encore totalement encadré par la loi, actuellement au vote.

Pour autant, la profession n’a pas attendu pour en débattre. Dès 2019, le Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire s’était penché sur ce sujet en mettant en priorité absolue, la nécessité de préserver le foncier agricole à des fins alimentaires et surtout la volonté d’installer des jeunes pour renouveler les générations. La profession avait alors élaboré une charte, utilisée notamment en CDPenaf, pour redire que la priorité est de couvrir les toits agricoles et friches industrielles en panneaux solaires avant tout autre déploiement. « Reste que des collectivités ont détourné des zones agricoles en zones naturelles dans leur PLUi », gaspillant ainsi des terres propices à la souveraineté alimentaire du pays ou retirant du foncier à de potentiels jeunes voulant s’installer.

Sur terres incultes

Néanmoins, fin décembre, après le vote par les députés du projet de loi AER (énergies renouvelables) qui encadre l’agrivoltaïsme, les Jeunes agriculteurs ont vu leur combat récompensé : « le texte proposé définit l’agrivoltaïsme et autorise de manière strictement encadrée le développement du photovoltaïque (PV) », écrivaient alors les JA au national sur leur compte Twitter. Cet encadrement n’est pas une interdiction du PV au sol, concède le syndicat, mais il « limite les risques » en l’autorisant sur des terres dites "incultes" depuis plus de dix ans. Reste à savoir dans les décrets les critères et les sanctions…

Alors que la loi et les décrets vont donc se poursuivre, Luc Jeannin, administrateur à la FNSEA, se réjouit néanmoins déjà de voir les parlementaires suivre globalement les propositions faites par la profession. « Le calendrier législatif est serré », explique l’éleveur de Saint-Eusèbe, qui a vu les consultations s’accélérer au fur et à mesure que la crise énergétique s’installait dans le pays suite à la guerre en Ukraine. À la FNSEA, de nouvelles propositions législatives seront bientôt proposées aux parlementaires sur la densité des panneaux, leurs hauteurs mini, sur le fait de pouvoir passer des outils sous des monopieux, sans fondation béton, sur la transparence Gaec…

Servir un maximum d’agriculteurs

Les réunions s’enchaînent dans toutes les commissions spécialisées, des JA aux bailleurs, en passant par la fiscalité et le maintien des baux ruraux. L’objectif est d’éviter les « dérives », « spéculations »… et au contraire permettre que l’agrivoltaïsme « serve un maximum d’agriculteurs plutôt qu’un seul ». Pour cela, la profession compte convaincre les parlementaires de tordre le bras des opérateurs énergétiques pour qu’ils soient « obligés de démarcher plusieurs agriculteurs d’une zone définie pour réaliser des grappes » ou encore en répartissant la valeur économique dégagée pour alimenter un « fonds commun de raccordement permettant de relier les toitures agricoles éloignées ». Rétablissant l’équité entre tous et évitant la concurrence qui n’entraînerait alors que des baisses de prix, craint de revivre la FNB, par exemple.

D’abord vivre de l’agriculture

Bien des questions restent donc en suspens pour encadrer les effets d’aubaine de cette nouvelle politique publique qui pourraient servir « d’alibi à mettre deux moutons, même improductifs » en dessous d’un parc solaire.

Au côté des organisations professionnelles (FDSEA, Chambres, Safer…), les JA veillent au grain, notamment en réclamant « une puissance maxi de 5 MWc/ha rapportant environ la moitié du revenu départemental moyen ». « Car on veut d’abord vivre de notre métier », concluait Marine Seckler pour les JA71. Comme les Maires ruraux, notaires… ils seront invités à venir s’exprimer sur le sujet au prochain bureau de la chambre d’agriculture. La DDT a également prévu une séance de travail au printemps avant de livrer ses conclusions au Préfet. Le sujet reste donc sensible et chacun avance en pensant à demain, entre gain de productivité des panneaux solaires, compétitivité agricole internationale, préservation du foncier et des paysages (classement Unesco, AOP…) et surtout pour installer des jeunes dans de bonnes conditions. À l’abri des aléas si possible…