Expérimentation
Une technique pour des vaches plus tranquilles à l’engraissement

Marc Labille
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Il est possible de rendre des femelles plus tranquilles à l’engraissement en leur faisant subir une stérilisation chirurgicale. C’est ce qu’ont expérimenté un vétérinaire et un éleveur engraisseur dans l’ouest du département.

Une technique pour des vaches plus tranquilles à l’engraissement
Organisée par Laurent Dauvillaire et son vétérinaire Frédéric Dugenetet, la dégustation a été conduite par René Poiseau et Raymond Dauvillaire de la Confrérie des Saveurs du Pays Charolais. Parmi les dégustateurs experts figuraient Armand Lagrost (fabricant d’aliments du bétail), les bouchers Cédric Jolivet et Justin Lacroix, le sommelier Matthieu Martinache et François Chaintron (coopérative viande bovine).

L’appellation « viande de Bœuf » témoigne à elle seule de l’intérêt historique de la transformation des mâles en bœufs pour la production de viande bovine. Mais ce que l’on sait moins, c’est que le même type d’opération peut être appliqué aux femelles bouchères. Comme pour les mâles, la stérilisation des femelles a, parmi ses avantages, la faculté de rendre « les bêtes plus tranquilles pendant l’engraissement ». C’est ce qui a motivé la demande auprès des vétérinaires Frédéric Dugenetet et Charles-Henri Vignier, praticiens sur Digoin Gueugnon. « Nous étions sollicités pour trouver un moyen contraceptif pour les vaches », confie Frédéric Dugenetet. En d’autres temps, l’usage d’hormones aurait pu faire l’affaire ou une solution aurait été de « faire remplir ces femelles » lesquelles auraient été abattues gestantes… Une pratique impensable aujourd’hui.

1 mn à 1,30 mn par vache

Techniquement, la médecine vétérinaire offre la possibilité d’une « stérilisation chirurgicale », présente Frédéric Dugenetet. Elle est pratiquée de longue date sur des vaches laitières en fin de carrière, ce qui a pour effet d’allonger la dernière lactation. Il s’agit d’une intervention plutôt légère sur des femelles simplement prises au cornadis. L’acte prend entre une minute et une minute trente par animal, décrit le praticien qui explique que le geste consiste à aller « poser un élastique sur l’ovaire afin de provoquer une nécrose sèche ». Le coût de cette chirurgie reviendrait entre 30 et 50 € par animal, indique Frédéric Dugenetet qui estime que, sur une femelle à l’engraissement, cette dépense peut largement être amortie par les bénéfices de la stérilisation.

Moins d’accidents, moins de paille, moins d’aliments !

Une vache stérilisée serait en effet nettement plus paisible que ses congénères en proie aux chaleurs. Exemptes de chevauchement, les femelles stérilisées seraient moins victimes d’accident. Avec des bêtes plus calmes, la consommation de paille en litière serait moindre. Enfin, les vaches à l’engraissement consommeraient également moins d’aliments, fait valoir le vétérinaire. Des bénéfices confirmés par un essai réalisé dans le cadre d’une thèse de doctorat vétérinaire. Il comparait deux lots de vaches à l’engraissement ; les unes stérilisées, les autres non. Outre le gain en tranquillité et l’économie de paille, cet essai faisait ressortir un écart de consommation de 4 kg d’aliment par jour et par animal en faveur du lot stérilisé, rapporte Frédéric Dugenetet.

Impact sur la qualité de viande

Avec Laurent Dauvillaire, éleveur-engraisseur à la Chapelle-au-Mans, le vétérinaire a eu envie de mener un nouvel essai sur une quinzaine de vaches charolaises de réforme. Cette fois, les acteurs de ces travaux voulaient acquérir des données au-delà de l’abattage, en allant jusqu’à la qualité de la viande. Le 1er février dernier, la famille Dauvillaire et Frédéric Dugenetet ont organisé une dégustation de viande issue de deux vaches de dix ans, l’une stérilisée au mois d’avril 2021 et l’autre non. Les deux femelles ont été engraissées à partir du mois de septembre avec un aliment à volonté durant 118 jours, détaillait l’éleveur. Comme escompté, la bête stérilisée a consommé moins d’aliments : 1,8 tonne contre 2,1 tonnes pour l’autre vache.

La dégustation a été conduite sous l’égide de deux membres de la Confrérie des Saveurs du Pays Charolais – René Poiseau et Raymond Dauvillaire, père de Laurent. Habitués à officier dans des jurys d’analyse sensorielle, les deux confrères ont guidé un petit groupe d’une douzaine de personnes dans la dégustation de deux morceaux de viande issus des deux vaches.

Besoin d’une étude à plus grande échelle

Si, de par son caractère informel, cette séance n’a pas permis de livrer de véritable conclusion, elle a eu le mérite de prolonger la réflexion en présence de connaisseurs de la filière charolaise. « La stérilisation a forcément un effet sur la qualité de la viande comme c’est le cas pour le bœuf », confiait à l’issue de la séance Frédéric Dugenetet. Cela mériterait une étude à plus grande échelle, sur un plus grand nombre d’animaux et suivant un véritable protocole expérimental, estime le vétérinaire qui pointe la problématique du coût d’une telle expérimentation. À ce stade, il faudrait que la filière trouve un intérêt à cette conduite et que les animaux qui en sont issus bénéficient d’un segment. Et si la méthode ne manque pas d’arguments à l’étape de l’engraissement, en revanche, sa perception par les consommateurs est incertaine, reconnaissent les intéressés. À l’heure où l’opinion publique est tellement focalisée sur le bien-être des animaux, il y aurait conflit entre ses réticences à une intervention chirurgicale bénigne et son refus de savoir des animaux accidentés…