Interprofession bétail et viande
Interbev BFC face à la contractualisation

Berty Robert
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Le dernier conseil d’administration d’Interbev Bourgogne-Franche-Comté aura consacré une large place au déploiement, parfois laborieux, de la contractualisation, sur le terrain.

Interbev BFC face à la contractualisation
Capture d'écran de la vidéo mise en ligne sur le site interbev.fr permettant de mieux comprendre la contractualisation, dans une démarche « pas à pas ».

Égalim 2 et la contractualisation sont les deux points qui, sans surprise, auront occupé la majeure partie du conseil d’administration de l’interprofession Interbev Bourgogne-Franche-Comté (BFC), tenu le 24 février à Saint-Apollinaire, près de Dijon. Le fait est qu’en dépit de l’obligation de contractualisation en viande bovine, entrée en vigueur pour de nombreuses catégories de bovins (jeunes bovins, génisses, vaches de races à viande et tous bovins, dont les veaux, sous signes d’identification de qualité et d’origine (Siqo) le 1er janvier dernier, la phase d’appropriation de cette loi réclame du temps. Ses différents aspects sont complexes à maîtriser mais il faut quand même reconnaître que les organismes professionnels n’ont pas ménagé leurs efforts pour en faire comprendre les tenants et les aboutissants. Les réunions de terrains ont été nombreuses.

« Effort d’appropriation »

Anne Bronner, la directrice adjointe de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) BFC, a précisé qu’un comité de suivi régional d’Égalim 2 a été mis en place. Co piloté par la Draaf et la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et de la solidarité (Dreets BFC), il s’est réuni le 10 février. « Néanmoins, reconnaissait la directrice adjointe de la Draaf, il y a un énorme effort d’appropriation de la loi à faire par les éleveurs ». Dans ce domaine, Interbev et les syndicats sont actifs, mais il y a peut-être la nécessité d’élargir cet effort en y impliquant les Chambres d’agriculture. Anne Bronner a en tout cas précisé qu’un courrier rappelant globalement les termes de la loi et la contractualisation allait être envoyé dans les jours prochains. L’interprofession Interbev, consciente du problème, a également mis en ligne sur son site internet (interbev.fr) un protocole « pas à pas » sous la forme d’une vidéo pédagogique, qui peut s’avérer très utile. Ce manque de connaissance de la loi, il est également constaté par d’autres composantes de l’interprofession : les bouchers, les abatteurs… Lors de la réunion du 24 février, certains de leurs représentants se disaient « actifs sur la question pour que tout le monde s’en sorte. Nous aussi, on tente de déchiffrer la loi mais on constate que sa mise en place est compliquée ». Ce secteur considère néanmoins qu’il peut être prêt pour le mois de septembre. Pour ceux qui tentent néanmoins de se lancer, la déception est parfois au rendez-vous : c’est le cas pour Romaric Gobillot, éleveur dans la Nièvre qui dressait le constat d’une obligation de passer ses vaches par le marché, sa coopérative n’ayant pas donné suite à sa proposition de contractualisation. Anne Bronner a rappelé que dans pour ce type de situation, il est possible de faire appel à un médiateur.

Nécessité d’un véritable dialogue

Difficile, en effet, de savoir si ce type d’impasse est lié à une mauvaise volonté, ou simplement à un malentendu sur les termes du contrat. Ces situations sont sans doute inévitables alors que se met en place un système totalement inédit. « La contractualisation suppose un véritable dialogue, elle est l’aboutissement de ce dialogue, précisait Françoise Moreau-Lalanne, ambassadrice de la loi Égalim 2 au ministère de l’Agriculture, qui participait à ce conseil d’administration en visio. Mais je reconnais que contractualiser du jour au lendemain, c’est difficile… » De nouvelles habitudes doivent être prises par les éleveurs. Contractualiser, ce n’est pas seulement se contenter d’envoyer par la poste un contrat. Il faut pouvoir le discuter, le faire évoluer, relancer si besoin les destinataires… Un contexte de travail nouveau dans lequel il faut s’intégrer. Du côté des négociants en bestiaux, on note une crainte de beaucoup d’éleveurs sur leurs capacités à fournir des animaux en nombre suffisant. Se projeter à long terme, sur trois ans, n’a rien d’évident. Plusieurs participants au conseil d’administration d’Interbev BFC rappelaient toutefois que conclure un contrat de trois ans n’empêche pas de le renégocier mais fondamentalement, ce qui apparaît c’est aussi la nécessité de mieux maîtriser ce que l’on produit. Certains voient ainsi dans la contractualisation le moyen de mieux organiser la filière. Jean-Pierre Fleury, ex-président d’Interbev BFC, considère pour sa part qu’au-delà des difficultés que peut poser la contractualisation, elle constitue néanmoins le premier outil permettant enfin aux éleveurs de défendre le prix de leur travail : « Cela fait 30 ans que nous, éleveurs, devons toujours nous préoccuper des problèmes des autres (abatteurs, négociants, grande distribution, transformateurs…) alors qu’eux n’ont jamais pris en compte nos problèmes. On nous dit aujourd’hui que la contractualisation risque d’entraîner des hausses de prix préjudiciables mais, que je sache, avec la loi LME en 2008, la grande distribution a bien su, à l’époque, utiliser les outils dont elle disposait pour limiter la hausse des prix. Aujourd’hui, Égalim 2 nous permet d’inverser un peu les choses. Alors oui : la loi, c’est compliqué mais c’est le dernier ressort pour le monde de l’élevage. Aujourd’hui, alors que les cours sont plutôt bons, certains ne voient pas pourquoi ils s’embêteraient avec ça mais il ne faut pas être naïf : le marché de la viande se retournera un jour ou l’autre et on peut craindre un retour des importations. Je crois que chacun va devoir rappeler aux consommateurs une évidence : que cela plaise ou non, l’alimentation aura un prix ! »