EXCLU WEB / Le Farm Bill repoussé à 2025 ?

L’administration du président Biden est en pleine négociation pour définir sa stratégie agricole (Farm Bill). Entre contraintes budgétaires, chausse-trapes politiques et enjeux environnementaux, elle devra louvoyer pour trouver un bon équilibre. Avec en toile de fond, l’aide alimentaire (Food Stamps) à préserver. 

EXCLU WEB / Le Farm Bill repoussé à 2025 ?

Depuis la fin du mois de janvier, les États-Unis ont atteint le plafond maximum de la dette publique autorisée par le Congrès, soit 31 000 milliards de dollars (Md$). Ce qui correspond à plus d’une année de PIB (23 000 Md$). À titre de comparaison, la France est dans une situation un peu meilleure, toutes proportions gardées : 2 800 Md$ de dette pour un PIB quasi équivalent (3 000 Md$). Pour éviter le défaut de paiement, le Congrès des États-Unis (Chambre des représentants et Sénat) doivent régulièrement relever les plafonds de la dette, mais aussi trouver des secteurs d’économie. C’est dans ce contexte que s’ouvrent les négociations du prochain Farm Bill qui, jusqu’à une date récente était l’objet d’un consensus entre Démocrates et Républicains, a été politisé en 2018. Les premiers entendent réduire les soutiens à l’agriculture (dont l’assurance récolte constitue l’un des piliers) quand les seconds veulent rogner sur les dépenses sociales. En coulisses, les députés et sénateurs urbains, quel que soit le bord, plaident pour des enveloppes supplémentaires en faveur des banlieues défavorisées et les élus ruraux veulent conserver les aides agricoles.

ONG environnementales

Selon les experts de l'American Farm Bureau, la bataille qui avait eu lieu entre Républicains et Démocrates et entre urbains et ruraux en 2018 devrait « resurgir » dans les prochaines semaines, « car les dépenses 2022 pour les programmes sociaux ont explosé ainsi que les aides et les indemnités versées par les assurances agricoles », explique une note que nous nous sommes procurés. Ces dépenses auraient quasiment doublé l’an dernier en raison de la hausse des prix des denrées et des intrants pour atteindre près 16 Md$.

Le système des assurances agricoles est attaqué par les organisations de protection de l'environnement, car il encouragerait les grosses exploitations et la monoculture ; le montant des subventions aux primes, dont les agriculteurs bénéficient indirectement, n'est pas plafonné. Il faut souligner que « la moitié des agriculteurs représentent moins de 3 % des primes versées, alors que le top 1 % des exploitations absorbe 10 % des aides », indique la note du Farm Bureau.

50 % de plus qu’en 2020 

Par ailleurs, l’explosion des coûts de l’aide alimentaire domestique (Food Stamps ; timbres alimentaires, proche de l'idée de chèque alimentaire, NDLR) provoque une levée de boucliers de la part des républicains de la Chambre des Représentants (députés). En effet, si l’assurance récolte se compte en dizaines de milliards, le coût des programmes alimentaires sociaux se compte désormais en centaines de milliards. Les Républicains estiment que l’USDA a largement outrepassé ses droits en interprétant les dispositions du Farm Bill de 2018. La dépense fédérale pour l’ensemble des programmes d’assistance domestique à l’alimentation a atteint 182,5 Md$ en 2022, soit 50 % de plus que l’année 2020, niveau le plus élevé jamais enregistré. Le programme SNAP (Food Stamps) est la principale source de dépenses, avec 159 milliards de dépenses en 2022, plus haut niveau jamais atteint, même durant la récession 2008-2009. Si l’on ajoute le fait que les Républicains menacent de réaffecter tout ou partie des 20 Md$ votés pour l’environnement et la lutte contre les émissions de gaz carbonique dans l’Inflation Reduction Act (IRA), il est fort à parier que le Farm Bill 2023 ne sera pas voté à temps pour la campagne 2023-2024. Il est beaucoup plus probable qu’il soit repoussé en 2025, après l’investiture du président des États-Unis qui aura été élu en novembre 2024.