« Syndicalismes et enjeux européens ». Tel était le sujet de la table ronde organisée la dernière journée du congrès de la FNSEA qui s’est déroulé du 26 au 28 mars à Dunkerque. Le renouvellement du Parlement européen sera suivi de très près par les agriculteurs qui savent que c’est en grande partie ici que se joue leur avenir.
Partout en Europe, les agriculteurs ont vécu le Green Deal et sa déclinaison agricole, le Farm to Fork comme un « tsunami réglementaire » qui a provoqué chez eux, une sensation d’étouffement. Ce sentiment qui s’est sédimenté à d’autres rancœurs a alimenté les manifestations qui ont éclaté dans 25 des 27 pays de l’Union depuis le mois de janvier. En Allemagne et en Belgique, c’est le dossier sur le gasoil non routier qui a mis le feu aux poudres. Aux Pays-Bas et en Irlande, ce sont les mesures gouvernementales pour réduire les cheptels qui ont fait descendre les agriculteurs dans la rue. « En plus le traitement de cette affaire par les médias a été négatif », a témoigné Francie Gorman, président de l’Irish Farmers Association (IFA) lors de la table-ronde sur l’Europe organisée à l’occasion du dernier jour du congrès de la FNSEA à Dunkerque. Le traitement médiatique a aussi heurté et « blessé les Italiens dans leur orgueil » a ajouté Massimiliano Giansanti, président de la Conf’Agricultura, alors même qu’ils luttaient contre la baisse de leurs revenus et la hausse des coûts de production. La coupe a été pleine quand le gouvernement leur a demandé de protéger les rats et les souris (rats taupiers). « Moi je veux élever des vaches, pas des rats », s’est-il emporté. La France a concentré toutes ces problématiques ou presque. « En plus, on nous a fait des promesses qui n’ont pas été traduites dans les faits, ce qui a engendré de la frustration », a rappelé Franck Sander, vice-président de la FNSEA.
Idéologiquement marqués
Chacun des intervenants réclame alors une Europe plus forte économique et plus concentrée sur les réalités du terrain. « Notre horizon, c’est l’Europe », a martelé Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne (COPA), pour qui l’agriculture doit rester la pierre angulaire du projet européen. L’agriculture s’affirme d’ailleurs comme la seule politique intégrée et concentre plus de 30 % du budget des 27 États-membres. Les orateurs demandent tous de revoir le « Green Deal qui a fragilisé l’Europe », a affirmé Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Ce que disent entre les lignes les différents dirigeants agricoles européens, c’est que ce sont les lobbies les plus puissants et les plus influents qui crient au loup en stigmatisant « tous les reculs qu’on connaît sur les réglementations sociales et environnementales européennes aujourd’hui », comme l’a déclaré la députée européenne, Marie Toussaint, le 26 février. Or ce sont ces lobbies qui sont en majeure partie à l’origine même du problème. « On ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés », a lâché Francie Gorman. Malgré ces obstacles, l’Europe reste le meilleur outil pour conquérir les marchés tiers. Pour réorienter la Pac et le Green Deal et contrebalancer les initiatives intempestives de la Commission, les agriculteurs espèrent disposer des bons relais au sein du Parlement européen. Résultat le 9 juin au soir.
Christophe Soulard