Grand Autunois-Morvan
Le Projet alimentaire territorial prend corps

Marc Labille
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Le Grand Autunois-Morvan est l’un des premiers de France à avoir adopté un Projet Alimentaire Territorial. Il est le fruit d’une habitude de concertation avec les agriculteurs locaux qui sont impliqués depuis plusieurs années dans la politique agricole et alimentaire du territoire.

Le Projet alimentaire territorial prend corps
Producteurs, responsables agricoles partenaires et animatrices du PAT de l’Autunois devant la cantine de l’école du Clos Jovet à Autun.

Le 3 mai dernier, les écoliers d’Autun ont pu déguster les premières lentilles produites dans le Grand Autunois-Morvan et approvisionnant les cantines du territoire. Un évènement symbolique qui justifiait le point presse organisé par la communauté de communes du Grand Autunois-Morvan (CCGam) et qui permettait de mettre en lumière la concrétisation du projet alimentaire territorial de l’Autunois (le PAT). Ces 55 premiers kilos de lentilles cuisinés par la cuisine centrale de la communauté de communes, et au menu des 900 repas servis ce mardi d’école, faisaient la fierté des acteurs de cette belle initiative collective. D’ailleurs, aux côtés de la présidente de la CCGam Marie-Claude Barnay, ce n’étaient que des agriculteurs qui étaient présents pour ce point presse. Tous membres de la commission agricole de la CCGam ou producteurs fournisseurs dans le cadre de l’approvisionnement local.

Venus à la rencontre des enfants attablés à la cantine de l’école publique du Clos Jovet à Autun, les intéressés ont rappelé le chemin parcouru pour en arriver là. Une démarche de territoire pionnière qui a vu tous les acteurs de la filière agricole s’impliquer favorablement dans ce projet initié par la collectivité.

Tout est né d’une volonté politique de permettre à la population d’accéder à une alimentation saine et locale couplée à un besoin de consolider les exploitations agricoles de ce territoire rural.

Agriculteurs partie prenante

Un des premiers sujets sur lequel se sont retrouvés agriculteurs et élus locaux fut l’abattoir d’Autun. La profession s’était alors mobilisée pour sauvegarder ce précieux outil et la communauté de communes avait consenti à investir dans ce projet indispensable aux circuits courts. Dès lors, des habitudes de travail concertées et constructives avaient été prises et cette coopération s’est concrétisée en 2014 par la création d’une commission paritaire agricole composée de représentants agricoles et d’élus locaux au sein de la CCGam. À la même époque, un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) voyait le jour ; l’un des tout premiers du genre en Bourgogne Franche-Comté. Ce nouvel outil allait permettre aux agriculteurs de l’Autunois de rechercher de nouvelles pistes en termes de développement agricole : trouver des idées de diversification, rendre les exploitations plus résilientes… Le GIEE est devenu un acteur majeur des projets agricoles de l’Autunois aux côtés de la chambre d’agriculture, de la FDSEA, des associations de producteurs, etc.

Mise en place d’un système alimentaire local

Avec la CCGam, ils ont réfléchi ensemble à un système alimentaire local avec notamment la structuration de filières en circuits courts. Cela s’est concrétisé par la fourniture de viande locale dans la restauration collective communautaire et un partenariat entre éleveurs et une GMS autunoise. Au préalable, le projet a débuté par un diagnostic de l’offre et de la demande alimentaires. Un guide des producteurs était édité tandis que de nombreuses actions de communication étaient déployées auprès des scolaires, des consommateurs, des professionnels de la restauration collective… Des marchés de producteurs voyaient le jour également.

Ce projet de système alimentaire local préfigurait le Projet alimentaire territorial que le territoire a fait labelliser officiellement en 2020. Ses quatre grands thèmes sont la restauration collective, l’éducation à la jeunesse, la justice sociale, le gaspillage alimentaire.

« Un projet qui redonne du sens à notre métier »

En 2020-2021, la collectivité a souhaité aller plus loin en accentuant sa contribution à la transition écologique, en amplifiant « le développement d’une économie de la ressource » pour plus de valeur ajoutée, en s’inscrivant dans les questions de santé environnementale, etc. Parmi les projets pilotes : le développement d’un outil de gestion pour la restauration collective ; la mise en place de micro-filières territorialisées… C’est dans cette dernière catégorie que s’inscrit la production de lentilles et autres légumineuses destinées à être consommées localement. Une démarche Haute valeur environnementale (HVE) a été impulsée auprès des exploitations. Un travail sur la précarité alimentaire est également entamé et une étude de faisabilité est menée pour un outil de transformation inter-territorial. Cet automne, un point de vente collectif verra le jour à Autun. Sa genèse a bénéficié d’un accompagnement dans le cadre du PAT. Enfin, l’ambition est aussi de faire partager les expériences acquises dans l’Autunois avec d’autres territoires.

Pour la profession, ce projet a le mérite de « remettre le producteur au cœur de la machine et, grâce aux retours directs de la part des consommateurs, il redonne du sens à notre métier », résumait Fabrice Voillot, agriculteur à Charbonnat et vice-président de la CCGam. Tous s’accordent à saluer l’existence d’une commission agricole au sein de la collectivité, un lieu où « le fait de se parler permet de se comprendre en donnant une cohérence sur le territoire », soulignait Luc Jeannin, représentant la chambre d’agriculture et la FDSEA.

 

HVE, restauration collective, légumineuses locales…

Engagée pour une agriculture plus durable, la CCGAM encourage les productions agricoles responsables d’où sa volonté de développer le label HVE sur son territoire. Un collectif d’une cinquantaine de producteurs s’est d’ores et déjà engagé dans cette démarche. Les agriculteurs du territoire bénéficient de formations techniques pour optimiser leurs charges et faire face aux aléas climatiques. Un accompagnement spécifique concerne les exploitations en maraîchage. Pour la restauration collective, une animation vise à coordonner les volumes de production et les besoins, travailler sur la logistique et le stockage. En matière d’approvisionnement local, il est prévu d’augmenter la part des produits locaux sous signe de qualité dans la restauration collective (loi EGAlim). La mise en place d’une filière légumineuses destinée à fournir la restauration collective fait partie des projets phares. Lentilles et pois chiches ont le double intérêt d’entrer dans la confection des menus végétariens tout en étant un excellent précédant agronomique dans la rotation des cultures. Six agriculteurs se sont lancés dans ces cultures de légumineuses en 2021.

Thomas Michon, producteur de lentilles à Mesvres
Thomas Michon qui a produit les premières lentilles locales servies dans les cantines de l’Autunois.

Thomas Michon, producteur de lentilles à Mesvres

Thomas Michon exploite 130 hectares à Mesvres et il élève 45 vaches allaitantes et cent brebis. En quête d’autonomie et de diversification, le jeune agriculteur s’est mis à cultiver 1 ha de lentilles, 1 ha de pois chiche et des pommes de terre en plus de ses céréales et méteils auto-consommés. Ces cultures l’ont intéressé à plus d’un titre. Ne serait-ce que pour leur vertu en termes d’apport d’azote au sol, fait valoir Thomas. Engagé en démarche HVE, le jeune agriculteur conduit cette culture de façon « très naturelle ». Le désherbage est mécanique (herse étrille). Le semis est réalisé fin mars. La moisson doit être réalisée par temps chaud et la récolte triée par un prestataire. Thomas Michon ne cache pas que la culture est assez « fragile ». En 2021, il était le seul de l’Autunois à avoir pu récolter des graines de lentilles : 440 kg seulement pour 1 ha semé ! Une année où la récolte nationale a été cinq fois moins volumineuse que d’habitude en raison d’une météo défavorable.