AOP Volaille de Bresse
La volaille, la production la plus facile à démarrer

Yolande Carron
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Les éleveurs de volaille de Bresse avaient rendez-vous jeudi dernier chez Ghislaine et Éric Deroche à Biziat (Ain) pour une journée d’échange avec les opérateurs et les partenaires de la filière.

La volaille, la production la plus facile à démarrer

Juste après le repas sous chapiteaux, les participants semblaient contents de voir tomber la pluie tant attendue, bien que cet orage soit venu troubler le déroulement de la journée où 190 personnes avaient répondu présentes à l’invitation du CIVB (Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse) et des Chambres d’agriculture.

C’est dans la spacieuse cour de l’exploitation de l’Earl du Lavoir, chez Ghislaine et Éric Deroche que les 25 partenaires avaient installé leurs stands. Des ateliers thématiques ont complété la journée. Cyril Degluaire, président du CIVB, a qualifié cet événement de « grand-messe. Nous le réalisons tous les deux ans, nos éleveurs viennent pour y trouver les informations dont ils ont besoin concernant l’alimentation, la sécurité, les énergies, les soutiens que proposent les structures comme la MSA, la chambre d’agriculture et aussi les organismes financiers et fonciers comme la Safer ou encore les questions juridiques avec les services de la FDSEA ». La filière a du mal à recruter, « c’est pourtant la production la plus facile à démarrer » affirmait le président. Le chef Georges Blanc était présent en tant qu’ambassadeur de la volaille de Bresse, il a remercié les élus et les présidents des collectivités territoriales conviés pour le repas, pour le soutien qu’ils apportent à la filière en précisant : « nous avons une grande chance d’avoir un produit emblématique sur notre département, tant que vous aurez besoin de moi, je reste à vos côtés ».

Grippe aviaire, un niveau bas

Cyril Degluaire a fait le point sur l’état sanitaire de la volaille de Bresse : « le niveau est au plus bas pour nous, mais nous restons solidaires avec les éleveurs d’Aquitaine qui se battent avec la grippe aviaire en ce moment ». Il en a profité pour remercier les élus, les députés qui les ont soutenus durant cette période, « c’était important pour nous éleveurs, d’avoir votre appui ».
Le président a précisé qu’avec les mesures de biosécurité, il était possible de limiter la grippe aviaire : « nous appliquons des mesures drastiques, nous passons dans un sas de décontamination avant d’entrer dans les bâtiments, le camion d’équarrissage ne rentre plus sur nos exploitations, mais malgré tout, il est impossible de l’éviter ». Il n’a pas caché son désaccord de confiner les volailles : « nous aimerions avoir la visite de nos ministres afin qu’ils mesurent un peu l’impact sur nos élevages. Avec un parcours minimum de 10 m2 par volaille on ne peut pas les concentrer, aussi nous demandons la vaccination, elle existe ».
On compte 800.000 volailles sur toute la zone d’appellation qui s’étend sur trois départements. C’est dans l’Ain qu’il existe le plus d’élevages avec des ateliers complémentaires, mais la Saône-et-Loire totalise plus de production avec des élevages plus importants.

L’après confinement

Les éleveurs n’ont donc pas été vraiment touchés par le confinement. « Nous avons réussi à écouler toutes nos volailles, les départements nous ont aidés en achetant pour les collectivités, explique Cyril Degluaire, malgré tout nous avons besoin de faire le point, savoir où en est la filière au niveau national et mondial aussi ». L’exportation existe toujours, mais elle baisse au Japon et en Chine, alors que c’est dans ce pays où elle était le plus forte. « Nous voulons être prophète en notre pays, que nos volailles soient bien distribuées. Nous avons donc lancé une étude sous forme de questionnaire et 1.500 personnes ont déjà répondu. On va maintenant adapter notre communication en fonction des réponses. Une chose est sûre : nous ne sommes pas assez présents sur les réseaux sociaux ». Pierre-Emmanuel Forest, éleveur à Sainte-Agnès dans le Jura fait un autre constat : « les Glorieuses sont des trésors pour la volaille de Bresse. La volaille de Bresse n’est pas en déprise chez les grands chefs, elle est plus consommée dans le reste de la France que dans la zone d’appellation, c’est pourquoi il nous faut mieux communiquer ». Ce sera le vaste chantier de cette année.

 

« La volaille une passion, mais mon revenu c’est le lait à Comté »

Pierre-Emmanuel Forest, éleveur à Sainte-Agnès dans le Jura, est secrétaire général du CIVB. « Nous sommes arrivés tous les deux avec Cyril il y a quatre ans au bureau ». Il souhaite travailler en fonction des attentes sociétales, « on essaye de coller notre produit. Au CIVB, nous faisons le choix d’accompagner les éleveurs sur des modèles d’élevages écologiques, nous les orientons vers des pratiques plus vertueuses sachant qu’on est déjà bien placé en volaille de Bresse. Nos abattoirs ne sont pas loin de nos exploitations, nous travaillons avec une race pure issue de nos lignées donc pas de croisement. 90 % des éleveurs font la nourriture avec leurs propres cultures, elle reste unique chez chaque éleveur, il peut mettre sa propre patte tout en respectant le cahier des charges. Je suis éleveur laitier aussi et comme nous avons l’obligation de donner 500 g de lait sec ou liquide sur 15 semaines, j’utilise le lait de mes vaches. D’ailleurs, mon revenu je le tire du lait à Comté, la volaille n’est qu’une passion ». Pour en vivre, Pierre-Emmanuel Forest estime qu’il faut avoir 10 à 12.000 volailles. « La pression au niveau sanitaire a mis un stress chez les potentiels agriculteurs et ils ne veulent plus s’installer ».

Ghislaine et Éric Déroche, un beau parcours

L’arrière-grand-père d’Éric est né sur l’exploitation de Biziat. Ghislaine et Éric se sont installés en 2015 et 2018 après une reconversion professionnelle. Ils élèvent 15.000 volailles à l’année, 1.000 pintades, 900 chapons et 900 poulardes sur 50 ha de parcours. Les 33 ha de céréales pour l’alimentation proviennent de la ferme qui curieusement ne possède pas de tracteur, « nous fonctionnons tout en Cuma », déclare fièrement Éric. L’Earl du Lavoir, ce sont six démarrages par an de volailles avec 2.400 poussins à chaque fois, un laboratoire, un magasin pour la vente directe et l’atelier abattage depuis 2018. Ghislaine accueille aussi des écoles pour les sensibiliser sur l’élevage : « ce n’est pas parce qu’on abat nos volailles lorsqu’elles sont grandes qu’on ne les respecte pas, j’essaye de faire passer ce message ». Éric et Ghislaine Déroche ont trois enfants, aucun ne reprendra l’exploitation lorsque l’âge de la retraite viendra, aussi ils ont en projet d’ouvrir un gîte dans leur bâtisse de caractère.

Le poulet et la dinde de Bresse sont réunis

À l’issue de la visite, s’est déroulée l’assemblée générale extraordinaire du CIVB et du syndicat de défense et de promotion de la dinde de Bresse (SDPDB). À l’unanimité, les membres des deux syndicats ont accepté la fusion et validé les nouveaux statuts. Une mesure visant à sécuriser les deux Appellations d’origine protégée.