Imaginer demain – Agir maintenant
Il y a eu du travail de fait !

Berty Robert
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Fin juin, la soirée de restitution des six mois de travail consacrés à imaginer l’agriculture régionale de 2040 et les conditions de sa mise en œuvre était organisée à Genlis, en Côte-d’Or. L’important investissement d’une multitude d’acteurs régionaux doit maintenant se traduire de manière concrète sur plusieurs points.

Il y a eu du travail de fait !
Des échanges ont eu lieu avec la salle.

Depuis novembre 2022 et le lancement de la démarche « Imaginer demain – Agir maintenant. Ensemble vers 2040 : des territoires dynamiques, des agriculteurs épanouis », Christian Decerle, le président de la Chambre régionale d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) n’a cessé de le rappeler : cette démarche ne doit pas déboucher sur un énième rapport rangé au fond d’un placard. De fait, il serait très décevant de constater que l’implication d’un grand nombre d’acteurs régionaux (agriculteurs, techniciens de chambres, enseignants, étudiants, élus, chercheurs…) dans les travaux menés depuis six mois, dans le cadre d’ateliers, de réunions de groupes, ou dans le résultat de l’analyse de plus de 2.000 questionnaires remplis, reste lettre morte. À Genlis, en Côte-d’Or, le 27 juin, devant 300 personnes rassemblées à la salle Agora, Christian Decerle tenait à le souligner : « c’est le travail d’une profession qui s’est prise au jeu. Il ne s’agit pas du « Grand soir » de l’agriculture, mais, si on a la volonté de mettre ces propositions en musique, il y a matière à donner espoir aux agriculteurs. Il faudra s’approprier ce travail. Il y a la véritable attente d’une trajectoire clarifiée ».

Un avenir lisible

Une vision, un axe, c’est ce qui manque beaucoup aujourd’hui en agriculture comme dans tout un tas d’autres aspects de la vie socio-économique en France, alors, si le rapport d’une centaine de pages qui était présenté ce soir-là permet déjà d’ouvrir une perspective, il aura au moins partiellement atteint son but. Marie-Guite Dufay, la présidente du Conseil régional de BFC, présente également, affirmait partager la fierté du monde agricole à travers ce travail. « Je partage aussi vos inquiétudes » ajoutait celle qui, 15 jours plus tôt, lors de la Conférence régionale agricole, avait dû faire face à l’expression de la colère des jeunes agriculteurs quant aux difficultés de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (lire nos précédentes éditions). C’est donc sous le regard des deux invités d’honneur de cette soirée, (Olivier Krumbholz, entraîneur de l’équipe de France féminine de handball, multi-médaillée, et Bruno Cayzac, colonel de gendarmerie et ancien directeur de la sûreté monde chez Danone) qu’ont été présentées quelques-unes des conclusions du travail de réflexion sur l’avenir de notre agriculture, et quelques pistes qui permettront peut-être de maintenir et de développer une agriculture capable de réaliser la quadrature du cercle entre attractivité professionnelle, viabilité économique, acceptation sociétale et prise en compte du changement climatique…

60 propositions

60 propositions émergent donc dans le rapport présenté. Impossible, bien évidemment, de toutes les présenter ici. Vous pouvez néanmoins percevoir les grandes lignes de certaines dans l’encadré proposé dans cette page. Incontestablement, il y a eu du travail de fait, cela était reconnu lors des échanges qui ont eu lieu avec la salle. Christian Decerle a insisté sur le rôle moteur, en l’espèce, d’Anne Bronner, la directrice de la chambre régionale, et des équipes placées sous sa responsabilité. « Il était important, à nos yeux, précisait-elle, que ce projet soit porté en interne par les services des chambres, plutôt que confié à un cabinet externe ». La question qui se posait inévitablement au terme de cette soirée était la suivante : et maintenant ? Fort justement, la dernière page du rapport comporte un texte intitulé « Épilogue (En forme de préliminaire…) ». On est donc bien à la fin du début de quelque chose et la volonté de participer à la réflexion globale, qui s’est exprimée depuis six mois donne envie d’y croire, en grande partie parce qu’il faut que le monde agricole se réapproprie ce qu’il est et la manière dont on peut parler de lui. Bruno Cayzac le remarquait : « J’ai parfois l’impression que l’agriculture se fait voler la vedette et ne parvient pas à valoriser ce qu’elle fait de bien ». Une invitation à redevenir le messager, plutôt qu’à subir le message…

Des pistes à creuser…

Parmi les très nombreuses propositions d’actions portées par le rapport afin de permettre à l’agriculture de BFC de se projeter dans les quinze ans qui viennent, en voici quelques-unes :

– Transmettre les exploitations sur des bases qui feraient plus appel à la valeur économique qu’à la valeur patrimoniale

– Ne pas subir son travail, en rester maître

– Promouvoir les formes d’agriculture sociétaires

– Nécessité d’accueillir « à bras ouverts » dans nos territoires les personnes attirées par la profession agricole

– Mieux anticiper pour réussir les transmissions

– Disposer d’un réseau d’accompagnateurs qualifiés pour les transmissions

– Créer des groupements d’employeurs à vocation de transmission

– Garantir un statut aux porteurs de projet d’installation

– Partager une vision économique de l’agriculture régionale

– Création d’un club d’acteurs économiques liés à l’agriculture, et même d’un fonds d’investissement, complémentaire à celui mis en place par le Conseil régional

– Mieux accompagner les projets agricoles controversés

– Accompagner l’agriculture vers plus d’autonomie vis-à-vis des réseaux d’adduction d’eau potable

– Évaluer précisément les besoins en eau des exploitations agricoles

– Créer un inventaire de connaissance des plantations arborées en BFC

– Faire évoluer les formations agricoles dans un sens où l’on supprimerait les frontières artificielles entre productions animales et productions végétales

– Permettre aux agriculteurs de faire des points réguliers sur leur carrière, afin qu’ils puissent, si nécessaire, prendre du recul par rapport à leur projet global et le faire évoluer

– Mettre en place dans chaque département une structure employeuse de main-d’œuvre qui serait chargée d’alléger le travail administratif des agriculteurs

– Développer des opérations d’autoconsommation énergétique collectives

– Mettre en place des commissions agricoles et forestières locales, pour un partage d’expériences adapté aux besoins et aux réalités des territoires

– Mettre en place un comité de pilotage afin de développer la restauration collective régionale.