Forêts
Pour une évaluation objective de la santé des forêts

Françoise Thomas
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Les forêts françaises ne sont pas au mieux de leur forme, cependant, hors de question de noircir exagérément le tableau. Les outils de surveillance existent, les acteurs sont sur le terrain et des solutions sont mises en place. Justement, depuis plus de 30 ans, le centre national de la propriété forestière (le CNPF), le département de la santé des forêts (le DSF) assurent le suivi sanitaire des massifs forestiers.

Pour une évaluation objective de la santé des forêts
Exemple des conséquences de l’évolution climatique dans cette parcelle de douglas située au-dessus de Pierreclos, avec Romain Lachèze et Louis-Adrien Lagneau du CNPF.

À rechercher dans les archives des comités scientifiques et des articles de presse, il s’avère qu’en 1956, on s’inquiétait déjà de l’avenir du sapin dans le Jura, mis à mal par une série d’étés caniculaires (1945, 1947, 1949, 1950 et 1952) ayant entraîné l’invasion d’insectes parasites, les bostryches. Soixante-dix plus tard, les sapins sont toujours bien présents dans le Jura et les Vosges « preuve que la forêt peut aussi faire preuve de résilience », présente Louis-Adrien Lagneau du centre national de la propriété forestière, le CNPF. « On surestime en effet trop souvent le dépérissement », complète son collègue Romain Lachèze. « Attention donc à ne pas tomber dans le sensationnalisme », insistent les représentants du CNPF.
Il convient malgré tout de noter que la forêt doit faire face actuellement à plusieurs problèmes majeurs, car les faits sont là. Les changements globaux, entre évolutions climatiques et nouvelles pratiques forestières, entraînent ou amplifient des événements climatiques de plus en plus marqués (tempête, grêle, sécheresse, etc.). Cet affaiblissement, voire ce dépérissement des arbres, est là aussi accentué par la pression d’organismes nuisibles (insectes ou champignons) et par l’arrivée de nouveaux parasites « phénomène accentué par la mondialisation ».

Bilan d’une année

En 2022, après un hiver majoritairement doux et à la pluviométrie contrastée, le printemps (mars-avril-mai) s’est classé le troisième plus chaud sur la période 1900-2022 et le troisième plus sec sur la période 1959-2022.
Parmi les conséquences observées, le phénomène de rougissement physiologique sur les jeunes douglas, conséquence de nuits très froides et de journées à la température élevée. « Les arbres transpirent en journée et ne peuvent pas puiser suffisamment d’eau pour compenser car les sols sont encore gelés », détaillent les représentants du CNPF.
Par la suite, l’été a été marqué par des épisodes de grêle, ou des orages avec fortes rafales de vent localement très impactant sur le peuplement forestier. Le suivi d’une chênaie du côté de Digoin prouve la capacité de résilience des arbres. En effet, après avoir été totalement défoliés en juin par la grêle, les chênes arborent à nouveau des branches bien feuillues six semaines après. Cependant, qu’on ne s’y trompe pas, « les arbres ont pris dans leurs réserves, d’où un fort risque d’épuisement ».
Cependant, les techniciens préconisent de se laisser une année complète « pour voir si le peuplement réagit ou pas », selon l’importance des blessures subies.

Latence des répercussions

Les arbres ne réagissent pas immédiatement et ce qui inquiète le plus les techniciens du CNPF, « c’est l’effet cumulatif des problématiques climatiques. Les arbres finissent par tomber KO car ils ont trop reçu de coups », illustre Romain Lachèze.
Ce qui a par ailleurs été rappelé, c’est que les parasites type scolytes ou agriles, ne viennent finalement que « donner le coup de grâce » à des arbres déjà bien affaiblis par les sécheresses, les canicules, etc.
De façon générale, pour limiter les impacts, mieux vaut limiter les plantations mono spécifiques sur de trop grandes surfaces, respecter également les altitudes naturelles d’implantation, éviter les coupes rases et maintenir en permanence une ambiance forestière, diversifier les implantations et les itinéraires de culture.
Et lorsqu’une problématique survient, établir « une évaluation objective quantitative de l’importance de dépérissement » et ne pas hésiter à solliciter le DSF.

Les principaux problèmes selon les familles d’arbres

Pour les résineux, l’un des plus voraces est le scolyte typographe dont les une à quatre générations par an s’attaquent généralement aux épicéas, mais aussi parfois aux sapins, mélèzes, pins sylvestres. Il se repère par les taches de sciure rousse qu’il laisse sur le tronc.
Sur les douglas, l’une des problématiques rencontrées est la nécrose cambiale entraînant une déformation du tronc et de l’écoulement de résine. Le charançon hylobe et la petite mouche cécidomyie sont également à surveiller de près entre l’évolution de leur population et leur progression sur le territoire.
Enfin, les orages de grêle ont été du pain béni pour le champignon sphaeropsis sapinea, profitant des plaies de grêle pour se développer dans les pins.

Sur les feuillus, le vent a fortement facilité le développement de la chalarose du frêne (champignon), les nécroses du bois qu’il entraîne empêchant la sève de circuler.
Les successions de déficits hydriques ont entraîné localement des phénomènes de dépérissement brutal de hêtres, de chênes. Les chenilles processionnaires sont en augmentation dans la région depuis 2017 dans les chênes et les peupliers eux doivent faire face à la présence de pucerons lanigères, lesquels leur injectent des toxines lorsqu’ils se nourrissent.
Le champignon asiatique le chancre entraîne, pour les châtaigniers, mortalité ou forte dépréciation de leur valeur.