Future Pac 2023-2030
Arnaud Rousseau de la FNSEA pose tous les chiffres sur la table

Cédric MICHELIN
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Le 2 décembre, les élus du conseil d’administration de la FDSEA et des JA de Saône-et-Loire avaient invité Arnaud Rousseau, vice-président de la FNSEA, en charge du dossier Pac. L’occasion pour eux de pousser la voix de l’agriculture et des agriculteurs – mais aussi des viticulteurs - de Saône-et-Loire

Arnaud Rousseau de la FNSEA pose tous les chiffres sur la table

Si l’an dernier, rendez-vous avait été donné à Écuisses sur le thème de l’Environnement et du Contrat de Solutions avec Hervé Lapie (FNSEA), cette année, Covid-19 oblige, la visioconférence s’imposait. Ce qui permettait à la quarantaine de participants, tous motivés, à poser leurs questions à Arnaud Rousseau. Cet agriculteur de Seine-et-Marne, sur son « exploitation familiale depuis 2002 », est vice-président de la FNSEA. Il suit le dossier central de la négociation de la future Pac. Une Pac percutée par le Brexit, le Covid-19, le "Trumpisme", la Russie (embargo…), la Chine… ou encore les nouvelles politiques européennes telles que le Green Deal, le plan Biodiversité et Farm2Fork, sans oublier le prochain plan de Relance. Bref, la Pac 2023-2030 est peut-être la plus « complexe » à défendre et à négocier depuis un demi-siècle. Et Arnaud Rousseau de le marteler pendant deux heures : rien n’est figé, tout est sur la table et en permanence en train d’évoluer.

Être prêt pour janvier

Autant dire que le trilogue à venir entre le Conseil, la Commission et le Parlement européens début 2021 sera crucial. La FNSEA prévoit donc de se positionner « clairement » avant (pour la préfiguration du Plan stratégique national notamment). Et évidemment, comme à chaque fois, « cela ne conviendra à personne car chacun devra faire un pas » par rapport à sa position initiale, se montrait-il lucide.
Ce préalable posé, Arnaud Rousseau rappelait les trois volets de la Pac : les Plans nationaux, les OCM (organisation commune des marchés agricoles, générale et viticulture) et le règlement horizontal, « genre de règle du jeu ». Autre rappel d’importance : « toutes les agricultures du monde sont subventionnées ». L’Europe est même plutôt "économe" avec ses agriculteurs puisqu’elle émarge à 190 €/an/habitant, loin derrière les États-Unis, Japon, Norvège, Suisse…. « Nous n’avons pas à rougir. La Pac est un outil stratégique de souveraineté alimentaire car la seule loi du marché ne permet pas de maintenir la production agricole ». Et dont la balance commerciale reste positive. Mais de moins en moins puisque la ferme France est concurrencée par des importations respectant de moins en moins les règles d’un commerce loyal.

Convergence et premières divergences !

Si presque tout le monde était d’accord sur ces valeurs, la seconde partie de sa présentation était beaucoup moins consensuelle. Première divergence avec la convergence « inscrite dans les textes européens et nationaux ». En clair, « les DPB sont encore légèrement supérieurs à la moyenne européenne (baisse depuis 15 ans, NDLR) et il y aura encore un prélèvement (-1,9 %) sur le 1er pilier ». Pas rien lorsqu’on ramène ce pourcentage aux 7 milliards d’€ d’aides directes aux agriculteurs français. À ce sujet encore, la baisse de l’OCM viticole sera « plus forte » encore. Autre politique qui ne fait clairement pas l’unanimité en Europe, les paiements dits "verts" qui seront les futurs éco-régimes (eco-scheme en anglais). Nouveaux enfin, les paiements dits « redistributifs » reconnaitraient de façon indirecte l’emploi, et ce toujours dans le 1er pilier Pac.
Dans le 2e pilier Pac, Arnaud Rousseau annonçait de « bonnes nouvelles » avec des moyens supplémentaires sur le Feader (développement rural) avec néanmoins une partie des fonds prélevés sur le 1er pilier (7,53 % soit 540 millions d’€). Du Feader Relance pourrait grossir l’enveloppe (+2,5 milliards d’€) lorsque le plan de Relance européen ne sera plus bloqué par la Hongrie et la Pologne (conditionné aux droits de l’Homme). Mot savant pour dire que cela revient aux acteurs de terrain de décider, la « subsidiarité », « on peut se battre contre mais en attendant, les taux de cofinancement diffèrent fortement entre régions en France », glissait-il. 19 % en moyenne en Bourgogne Franche-Comté contre 40 % en Auvergne-Rhône-Alpes par exemple. Et de rajouter : « la Pac va se négocier entre les élections régionales en 2021 et les présidentielles de 2022 », histoire de dire que le syndicalisme a intérêt à faire entendre ses choix auprès de la Région et des élus. Les voici prévenus. Gare néanmoins, ONG et autres associations sont déjà prêtes à donner de la voix puisque peu concernées par la production agricole mais plus motivées par d’autres considérations (environnement, social, etc.).

Une Pac économique

Une chose est actée du côté de la FNSEA (lire aussi encadré) : « la Pac doit rester un outil d’aide économique au service de la production pour tous les territoires », insistait Arnaud Rousseau. Avant de présenter diverses simulations, il rajoutait que concernant la « convergence des aides du 1er pilier (moyenne à 245€ /Otex), tous ceux au-dessus sont appelés à baisser mais reste à caler à quelle vitesse » et si la FNSEA « réaffirme son soutien aux zones intermédiaires, la Pac ne sera pas l’alpha et l’omega pour résoudre ces problèmes ».

Transparence des possibles

Il présentait différents scénarii et simulations faisant varier de nombreux paramètres : convergence, découplage… à différents degrés et pourcentages pour voir les évolutions. Chacun des participants ayant les yeux rivés sur la Saône-et-Loire et la région, tentant de comparer. Otex, Rica… « on ne peut pas le faire à l’échelle d’une exploitation donc ce sont des moyennes qui cachent des écarts types fruit de l’histoire ». À la fin d’une dizaine de simulations, Arnaud Rousseau livrait le même message qu’il fait à toutes les FDSEA et FRSEA de France : « c’est un exercice de transparence complet. Cela n’avait jamais été fait. Certes les cartes peuvent être challengées dans le détail. Nos organisations travaillent dessus avec les données de l’État et celles des Régions, plus compliquées à affiner d’ailleurs ». 
Les 65 administrateurs FNSEA vont maintenant devoir trancher le 17 décembre prochain « pour peser sur la rédaction du Plan stratégique national français en janvier ». Le trilogue ne sera pas clos et il faut donc « garder de la flexibilité » par rapport aux derniers arbitrages possibles.
À la fin de la présentation, les présidents des sections de la FDSEA faisaient valoir les forces et les faiblesses de leur production et redisaient les revendications départementales (lire encadré).
Le président de la FDSEA71, Christian Bajard, le remerciait pour sa présentation et sa franchise. « On peut ne pas être d’accord mais on comprend mieux les niveaux de réflexion nécessaires, sachant qu’en plus, les arbitrages ne sont pas encore faits ». Et, la présidente des JA de Saône-et-Loire, Marine Seckler, de rappeler néanmoins un autre objectif majeur de cette prochaine Pac : « plus de 50 % de notre population agricole va partir en retraite dans les dix ans à venir. Nos élevages et nos céréaliers souffrent donc il faut rassurer les jeunes générations pour qu’ils s’installent ». Arnaud Rousseau le notait et concluait : « on a besoin d’unité entre nous sinon l’arbitrage se fera ailleurs, entre ministères et ONG. On prend ici de la hauteur, on analyse et après, il faudra avoir le courage de la réalité. L’équation des responsabilités n’est jamais simple ».

Les questions qui « titillent » la Saône-et-Loire

À la question du couplage des aides, notamment pour les filières animales « fortement impactées si la France les abandonne alors qu’elles constituent souvent le revenu », le découplage total « pourrait dramatiquement déstabiliser nos économies et nos territoires », alertaient Guillaume Gauthier et Stéphane Convert, pour les sections bovine et lait. Arnaud Rousseau répondait à ce sujet « qu’il n’est pas question de passer le couplage à 0. Mais la réalité aussi est que le couplage n’a pas la même efficacité selon les productions et peut être capté par d’autres ». L’aval « captant » souvent ces aides au détriment des producteurs, mentionnant notamment la filière bovine. Il saluait par exemple la « dynamique » de la filière ovine, comme en témoignait la section via Alexandre Saunier, et regrettait de « ne pas voir vu sortir de l’ornière les protéagineux », au grand dam de Benoît Regnault qui attendait de longue date un plan Protéine pour notre région, actuellement deuxième producteur national de soja. Dernier point sur ce sujet, la « volonté de la FNSEA est bien d’en finir avec les références historiques », insistait Arnaud Rousseau.
ICHN, volet assurantiel (climat, sanitaire…), éco-régimes, statut de l’agriculteur… les questions transversales s’enchainaient ensuite. « Nous voulons un outil économique pas politique. À la question par exemple de comment on valorise l’actif, la France a une obligation de définir un agriculteur « véritable » selon le terme officiel. Le paiement redistributif peut partiellement y répondre. La FNSEA a aussi réaffirmé son soutien à maintenir des agriculteurs sur tous les territoires (ICHN…) mais selon les ayants droits et selon les secteurs, il y a des formes de rente. Enfin, sur l’assurance, il nous faut trouver une marge de manœuvre de 100 millions d’€, sans retirer à l’ICHN mais plutôt dans des MAE mal ciblées. Sur l’environnement, on a peu de détails sur les éco-régimes. On veut accompagner la transition mais pas le maintien ».

Les orientations FNSEA et propositions pour la future Pac

- Prendre en compte le sens des évolutions actuelles et futures de la Pac (convergence et fin de l’historique…),
- les évolutions doivent être supportables pour toutes les exploitations, en permettant leur adaptation aux changements,
- les secteurs et territoires fortement contributeurs des deux dernières réformes doivent être préservés, afin de respecter ce caractère supportable,
- une attention particulière doit être portée aux Zones intermédiaires, pour lesquelles la Pac a un rôle à jouer, même si cela ne constitue pas LA solution,
- le paiement du nouvel éco-régime doit être accessible à tous les agriculteurs, quels que soient leur région et leur système de production,
- les outils de gestion des risques doivent être rendus plus efficients, notamment par l’application d’Omnibus.