Disparition Giscard d’Estaing et l’agriculture
L’homme du « pétrole vert »

« Les produits de l’agriculture sont notre seule matière première. Ce n’est pas acceptable qu’un pays comme la France dépende encore largement de l’étranger pour son alimentation. L’agriculture doit être notre pétrole ». Sur l’agriculture, l’histoire retiendra de Valéry Giscard d’Estaing son grand discours de Vassy dans le Calvados, le 16 décembre 1977. Ce jour-là, il esquissa les grandes missions qu’il assignait à l’agriculture française et quelques thèmes toujours d’actualité, la souveraineté alimentaire, la solidarité envers les femmes de l’agriculture, le souci de ne pas gaspiller les bonnes terres, l’installation des jeunes….

C’est l’époque où notre déficit de notre balance commerciale se creuse d’année en année (déjà) après le choc pétrolier de 1973. Le président de la République mise sur l’agriculture pour le réduire. D’abord par la reconquête du marché intérieur à l’époque plombé par de lourds déficit en matière de bois, de tourteaux de soja et de viande porcine et surtout par le développement des exportations agricoles et agroalimentaires. « Ni l’Hexagone, ni l’Europe, ne sont à la dimension de nos capacités de productions agricoles », affirme-t-il encore en fixant un objectif de 20 milliards de francs (3 milliards d’euros) d’excédent agroalimentaire. Un objectif vite atteint et dépassé dans les années suivantes. Pour concrétiser cette ambition, il annonce l’élaboration d’une loi cadre d’organisation et d’orientation agricole qui sera adoptée par le Parlement et promulguée le 4 juillet 1980. Si cette loi prévoit différentes dispositions pour améliorer l’organisation économique, un volet foncier pour drainer l’épargne publique vers l’agriculture, l’histoire retiendra surtout la mise en place du statut de coresponsabilité des époux agriculteurs. En fait, la reconnaissance du rôle des femmes sur les exploitations qui étaient considérées jusqu’alors comme « sans profession ».

Grandes ambitions pour l’agriculture

 
C’est sous son septennat également que furent lancées les grandes interprofessions que l’on connaît aujourd’hui. Une première étape avait été franchie, l’année précédant son arrivée en 1973 avec la création du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). Les réflexions de l’époque sur l’amélioration de l’organisation des marchés aboutissent en 1975 à la loi sur les interprofessions privées qui permettront la naissance, quelques années plus tard, d’Interbev (viandes), d’Interfel (fruits et légumes) et de l’Unip (protéagineux) notamment. Valéry Giscard d’Estaing restera dans les mémoires comme un grand européen. Il fut l’un des moteurs de l’élection au suffrage universel du Parlement européen en 1979 pour la première fois. Il fut aussi, avec le chancelier allemand Helmut Schmidt, l’artisan du système monétaire européen, le précurseur de la monnaie unique, l’euro. Ce qui mit progressivement un terme aux désordres monétaires qui perturbaient les échanges agricoles au sein de l’Union européenne. S’il ne cultivait pas la même proximité avec les agriculteurs que son grand rival, Jacques Chirac, l’ancien président de la République a toujours affiché de grandes ambitions pour l’agriculture française qu’on aimerait entendre aujourd’hui. Comme en témoigne d’ailleurs la création d’un secrétariat d’État à l’industrie agricole et alimentaire qui fut confié à Michel Debatisse, l’ancien président de la FNSEA, sous le gouvernement de Raymond Barre. 

La FNSEA salue « un visionnaire » 

La FNSEA a rendu hommage « avec respect et reconnaissance » à Valéry Giscard d’Estaing. L’organisation syndicale souligne que l’ancien chef de l’Etat « aura porté une conception moderne et progressiste de la société et plus particulièrement de l’agriculture française, dont la contemporanéité résonne particulièrement de nos jours. » La FNSEA lui sait gré des actions qu’il a mises en place et dont l’héritage perdure : « Renouveau de la souveraineté alimentaire, exigence d’une Europe agricole et alimentaire forte, protectrice et soudée, révolution du “pétrole vert“, nécessaire organisation économique des producteurs, ... sont autant d’orientations politiques qui marquent, comme un héritage, le débat public et agricole présent. ». Adressant à « sa famille et à ses proches toute la gratitude et la profonde reconnaissance du monde agricole », la FNSEA salue aussi la mémoire de celui qui fut « le Président des agricultrices, en étant le premier à assurer aux femmes une véritable égalité sociale et professionnelle par la création, en 1980, du statut pionnier de co-exploitante »