Interview de Jérôme Volle, président de la Commission employeurs de la FNSEA
« Une convention collective qui permet de concilier compétitivité et attractivité des métiers agricoles »

La FNSEA a signé avec les cinq organisations syndicales représentatives des salariés une convention collective nationale dont l’application est prévue le 1er janvier prochain. Jérôme Volle se félicite de cette avancée qui permet à l’agriculture d’être reconnue comme une activité économique à part entière par les pouvoirs publics et de favoriser l’attractivité des métiers agricoles.

 

« Une convention collective qui permet de concilier compétitivité et attractivité des métiers agricoles »

Vous avez signé une convention collective avec l’ensemble des organisations syndicales de salariés ? En quoi cette convention constitue-t-elle une première ? 

Jérôme Volle : Actuellement, il n’existe pas de convention collective nationale en agriculture, uniquement des conventions collectives territoriales et sectorielles.  Pas moins de 141 conventions couvrent les différents champs des métiers agricoles dans les départements et dans deux secteurs : l’aquaculture et l’accouvage. Nous avons souhaité, comme nous y incitait le gouvernement, créer un cadre national qui permet à l’agriculture d’être reconnue en tant que secteur économique à part entière et d’être l’interlocuteur des pouvoirs publics. Si nous ne nous étions pas engagés dans cette voie, le risque était grand que le secteur agricole soit rattaché à une autre convention collective, sans que notre spécificité soit prise en compte. 

Dans quelle ambiance se sont déroulées les négociations ? 

J.V. : Nous partions de rien. Et il y avait tant du côté de la FNSEA que des organisations syndicales de salariés la volonté de construire quelque chose de nouveau et de solide qui donne un cadre national et qui s’impose à l’ensemble des territoires. Je dois dire que nous avons réussi et que le succès a été au rendez-vous. Nous sommes parvenus à un compromis équilibré avec toutes les organisations syndicales de salariés (CFDT, CGT, CFTC, CGT, FO). Par principe, cette convention n’est pas figée. Elle évoluera avec le temps en fonction des obligations légales et des demandes des uns et des autres. Pour l’instant elle permet de concilier compétitivité et attractivité des métiers.

Les compétences privilégiées 

Quel plus apporte-t-elle par rapport aux conventions collectives territoriales ? 

J.V. :  Contrairement à ce qui se pratique jusqu’à présent, la convention promeut une nouvelle approche en termes de classification des emplois, permettant de s’appliquer non seulement aux métiers traditionnels de la production agricole, mais également aux nouvelles activités agricoles liées aux prestations de services, à la transformation, à la commercialisation et aux fonctions administratives. Nous avons également voulu privilégier les compétences, ce qui permet de concilier l’intérêt des entreprises agricoles et l’évolution professionnelle des salariés. Ainsi, nous nous sommes basés sur cinq critères classants. Il s’agit de l’autonomie, de la technicité, de la responsabilité, du relationnel et du management. Chacun de ces critères a plusieurs degrés auxquels sont attribués des points. L’addition des points pour chaque critère donne l’accès à un palier auquel est rattaché un salaire minimum. Nous avons ainsi défini douze paliers déterminant une grille de salaire nationale qui s’impose à tous. Étant entendu qu’il s’agit de salaires minima, l’employeur peut accorder davantage comme cela arrive très souvent. Autres sujets qui ont fait l’objet d’avancées dans cette convention : le travail de nuit ainsi que les jours de repos, en cas de décès d’un proche par exemple. 

Les conventions collectives territoriales sont-elles appelées à disparaître ? 

J.V. : Pas du tout. Le dialogue territorial doit se poursuivre et nous l’encourageons notamment sur les sujets qui ne sont pas abordés dans la convention, comme l’ancienneté, le 13e mois ou l’octroi de jours de repos pour des fêtes locales, etc., l’un ou l’autre de ces sujets pouvant être introduit dans la convention collective nationale, le moment venu, s’il est souhaité par les partenaires sociaux.

Une retraite supplémentaire 

Quel est le périmètre concerné par cette convention ? 

J.V. : Cette convention permet de doter près d’un million de salariés de la production agricole et des Cuma, y compris pépiniéristes et horticulteurs, d’une couverture conventionnelle nationale. Ce qui donne un signal fort de la vitalité du dialogue social en agriculture et de la capacité de la filière à se restructurer. 

Quand s’appliquera-t-elle ? 

J.V. : Pour le moment, le texte est à la signature des partenaires qui ont donné leur accord, à savoir toutes les organisations syndicales de salariés, sans exception. Il a été soumis à la Commission des conventions collectives le 22 octobre et étendu dans la foulée par les pouvoirs publics. Son entrée en application est prévue pour le 1er janvier prochain. Parallèlement à cette convention collective qui constitue une réelle avancée sociale, un accord mettant en place une retraite supplémentaire pour les salariés non-cadres de la Production agricole et des CUMA a été signé avec trois organisations syndicales, la CFDT, la CFTC et la CGC. Cet accord permet d’étendre à tous les salariés agricoles un régime de retraite supplémentaire qui existait déjà pour les cadres de l’agriculture depuis 1952. Ce nouveau régime entrera en vigueur, le 1er juillet 2021. Il sera financé par un prélèvement de 1 % sur la masse salariale, supporté à parts égales par les employeurs et les salariés.

Contre le travail illégal 

Le ministre de l'Agriculture et de l’Alimentation, la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion ainsi que de nombreuses organisations professionnelles agricoles dont la FNSEA et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricoles (CCMSA) ont reconduit la convention nationale de partenariat relative à la lutte contre le travail illégal en agriculture pour la période 2019-2021. Le secteur agricole représente plus de deux millions de contrats signés chaque année (CDD, CDI…). Cette convention s’inscrit dans le cadre du Plan national de lutte contre le travail illégal (PNLTI). La lutte contre le travail clandestin est aussi inscrit dans le contrat d’objectif et de gestion 2016-2020 de la CCMSA. Donnant une « complète information des emplois et des salariés », cette convention détaille les diverses formes de travail illégal, de fausses prestations de services, des faux statuts et naturellement des « sanctions encourues en cas de recours au travail illégal ».