Plan National Nutrition Santé (PNNS)
Quelles protéines végétales pour quels consommateurs ?

Les deux tiers des protéines consommées par les Français sont d’origine animale. Comment équilibrer cette ration, la ramener à parts égales avec des protéines végétales, comme le recommande le Plan National Nutrition Santé (PNNS) ? C’était l’objet du colloque organisé par le Groupe Protéines et Nutrition (GPN) le 30 novembre dernier.

Quelles protéines végétales pour quels consommateurs ?

Tous les intervenants ont souligné les contradictions entre d’un côté les « injonctions » pour une alimentation vertueuse pour sauver la planète et sa santé, et de l’autre, la demande des consommateurs. Comme l’a rappelé Isabelle Maitre, enseignante chercheuse à l’école supérieure d’agriculture d’Angers, « les consommateurs ne choisissent pas ce qu’ils n’aiment pas. Or, certains n’ont pas de chance, ce qu’ils aiment n’est pas recommandé par le PNNS ». Pourtant, les protéines végétales présentent bien des avantages. D’un point de vue nutritionnel, elles permettent de réduire la consommation de protéines animales et apportent des fibres, même si elles sont plus pauvres en acides aminés. La culture des légumineuses procure des bienfaits aux sols, en réduisant les engrais azotés.

Si deux Français sur trois se déclarent omnivores, ils sont près de 40 % à vouloir diminuer leur consommation de viande (90 kg par habitant et par an) et ont une bonne image des protéines végétales. La consommation de légumes secs reste cependant faible en France à 2,3 kg par habitant et par an comparée à 11 kg au Canada. Les possibilités de croissance des protéines végétales sont donc bien réelles même si les Français restent attachés à la viande. Les cibles à toucher (en dehors des vegan et des végétariens) sont les populations urbaines, éduquées, suffisamment aisées et surtout les Milleniums, c’est-à-dire ceux qui sont nés au tournant du siècle. Près de 20 milliards de dollars ont été levés en 2019 par des entreprises pour développer ces produits à base de « protéines alternatives ».

Contradictions

« Les perspectives sont alléchantes mais de nombreuses questions se posent », a expliqué Gaëlle Pantin-Sohier, professeure à l’Université d’Angers et coordinatrice de la toute nouvelle chaire dédiée à la consommation des protéines alternatives. « Comment utiliser et faire accepter ces protéines ? Faut-il offrir des produits similaires aux produits animaux ou bien en rupture complète ? Faut-il avancer l’argument santé et écologique ou bien l’argument sensoriel ? Comment limiter le dégoût pour les insectes ? », s’est-elle interrogée.

D’autres contradictions émergent : les produits « veggie » sont souvent « ultra-transformés », ce qui favorise l’obésité. Quelle est leur véritable incidence sur l’environnement notamment face au soja et autres ingrédients importés de contrées lointaines ? Si le consommateur se dit prêt à y goûter, quel prix est-il prêt à mettre ? Gaëlle Pantin-Sohier souligne également un autre élément. « Les consommateurs veulent bien acheter plus de légumineuses, haricots, lentilles et autres, mais ils tournent en rond avec les mêmes recettes. Ils les associent toujours avec de la viande car ils ne savent pas en faire un plat principal ». Toujours le petit-salé aux lentilles ! 

Jeunes radicaux

Benoît Goldschmidt, chercheur chez Bel dont le groupe vient de lancer une gamme de produits végétaux, rappelle que les fromages sont les aliments les plus regrettés par les vegan. « Comment obtenir cet impossible compromis ? Faire un produit qui ressemble à du fromage avec du végétal, sans transformation ? Comment obtenir la même texture, et en cuisine, le fondant, le gratinant, le filant du fromage ? » Olivier Lapiller, sociologue au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), a évoqué dans un tableau historique, l’époque lointaine où la viande était symbole de richesse, de force et d’abondance. Il est revenu sur l’évolution du débat public, les morales pour une alimentation plus frugale, la loi ÉGAlim qui préconise des repas végétariens dans les cantines et les risques de culpabilisation tout en appelant à conserver une « vigilance critique » face aux intérêts économiques qui promeuvent la viande in-vitro.

Mais il y a néanmoins une « rupture générationnelle » dans la sphère alimentaire, a constaté Florence Gramont de l’institut de sondage BVA. Les jeunes de 18-34 ans sont beaucoup plus radicaux dans leur volonté de changer de mode d’alimentation en raison de l’argument climatique.