De la cuisine au terroir
Pâtisserie ou pain ? Par ici les farines !

Ariane Tilve
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Les Français restent de grands consommateurs de douceurs du boulanger-pâtissier. Des douceurs qu’ils sont nombreux à vouloir faire eux-mêmes, grâce notamment aux machines à pain. En 2021 il s’en est vendu plus de 2.400 par jour, soit 900.000 dans l’année. En pâtisserie le "fait maison" garde également une bonne place. La demande de farine n’a pourtant pas augmenté, elle aurait même plutôt tendance à légèrement reculer, mais on en consomme mieux. Les producteurs s’adaptent.

Les farines de céréales anciennes et de légumineuses sont très tendances dans les cuisines cet automne.
Les farines de céréales anciennes et de légumineuses sont très tendances dans les cuisines cet automne.

Le règne du "fait maison", qui a émergé durant la crise sanitaire et ses confinements, a laissé des traces, même s’il recule sous les assauts de la spéculation. Selon le baromètre de l’institut Kantar du mois de septembre, la consommation de farine, tout comme celle du beurre ou du chocolat, subissent de plein fouet l’inflation. Dans cette même étude, on apprend néanmoins que les produits du "mieux manger" résistent plutôt bien, en particulier ceux liés à la santé et à l’écologie. Une aubaine pour le Gaec Limousin-Bourgogne : éleveurs de bovins bio, Paul et Isabel Copret ont décidé de se diversifier il y a trois ans en se lançant dans la culture de seigle, de blé, mais aussi de petit et grand épeautre, toujours bio, pour en faire des farines. Ce couple de Saint-Eugène propose ses produits en vente directe et sur les marchés, l’occasion d’échanger avec les clients sur les usages des différents produits. Des clients soucieux de leur santé qui sont à la recherche de céréales anciennes, qui n’ont pas été sélectionnés mondialement comme ont pu l’être certains blés. Cette ancienneté s’accompagne souvent d’un moindre apport en gluten, qui a mauvaise presse, à tort ou à raison. Une tendance confirmée par la directrice commerciale de Terres de Moulin Madame. « Le consommateur est sensible à l’utilisation de farines naturelles, brutes, affirme Marie-Christel Ducrot. Nous travaillons évidemment avec l’épeautre, le seigle ou encore le blé dur, et nous avons fait nos premières moissons de légumineuses, lentilles et pois chiches, pour en faire des farines cette année. Il y a une forte demande en la matière, une tendance établie depuis plusieurs années, dans la fabrication du pain notamment » (lire notre entretien avec Nicole Darmon, chercheuse à l’Inrae, dans notre édition du 4 novembre).

Comment utiliser ces farines ?


Pour répondre à cette question, que de nombreux clients lui posent, Isabelle Copret utilise ses produits afin de pouvoir les conseiller au mieux. « Pour ce qui est du grand épeautre, la T80 s’utilise comme de la farine de blé, dans les mêmes proportions, pour la pâtisserie notamment. C’est un peu plus lourd pour les gâteaux à lever, mais plusieurs de mes clients satisfaits me surprennent, affirmant qu’ils ne voient pas la différence ». Encore plus lourde, avec une teneur en gluten au ras des pâquerettes, la T110 de petit épeautre est idéale pour les pâtes à tartes. Les perfectionnistes pourront tenter l’un des cours de pâtisserie de la Maison des Ateliers ou de Coffret bio, à Mâcon.

Si vous êtes l’un des heureux détenteurs d’une machine à pain, peut-être avez-vous déjà trouvé là, ou les, recettes qui vous conviennent. Pour les autres, il y a les ateliers proposés notamment par Françoise Bergère, deux fois par an, à Torpes. Grâce à son association, Grain à moudre, créée il y a près de quatre ans, il est possible d’apprendre à préparer un pain au levain naturel. « Nous fabriquons un pain à pousser lente, qui se fait en plusieurs étapes. Nous le préparons le matin puis il faut attendre entre quatre et cinq heures avant de le cuire dans le four extérieur ». Autres ateliers de pain, ceux de la Maison du blé et du pain, à Verdun-sur-le-Doubs, qui organise, entre autres activités, un atelier de façonnage du pain accessible aux enfants. Une façon ludique d’apprendre à pétrir la pâte, d’assister à la cuisson puis de repartir, chacun, avec sa miche sous le bras.

 

De nouveaux systèmes de production

À l’instar de Terres de Moulin Madame, une petite exploitation de 13 hectares, on assiste dans notre département à l’émergence d’exploitations à taille humaine. « Il y a une émergence de petites structures avec des concepts un peu différents, comme les paysans boulangers ou les boulangers qui travaillent chez eux, avec un fournil créé et habilité spécialement sur place, confirme la directrice commerciale Marie-Christel Ducrot. C’est un système de fonctionnement qui est différent de la vitrine boulangère habituelle. Ce sont des personnes qui, très souvent, se sont reconverties grâce à un CAP boulangerie. La majorité d’entre elles travaillent avec des farines biologiques issues de petites structures comme la nôtre avec l’utilisation de blés anciens. Ils travaillent sur commande et n’ouvrent que quelques jours par semaine, puis vont sur les marchés. Pour nous, fournisseurs, cela implique de diversifier la gamme ». Dans le cas des paysans boulangers, l’artisan maîtrise la totalité de son processus de production, à l’instar de Cécile Dubart qui a justement investi le Moulin des Essarts à la suite d’une reconversion professionnelle. À la tête d’une exploitation d’une quinzaine d’hectares sur la commune de Montbellet, elle produit blés, seigle, épeautre, sarrasin, mais aussi des variétés anciennes comme le barbu du Mâconnais, le mottet de Bresse ou encore le blanc de Chalon. Céréales qu’elle cultive et transforme en farines pour la fabrication de ses pains bio au levain, cuits au feu de bois.

Plus récemment, Gabriel Joly a décroché son CAP de boulangerie. L’occasion pour lui de rejoindre son père, Michel Joly, pour monter un laboratoire de transformation de céréales en pâtes sèche et fraîche à Monthelon. Ainsi, il pourra décliner en pizzas et en pâtés en croûtes, le tout en vente aux côtés de la farine déjà proposée dans la boutique du Gaec Joly. De quoi donner des idées aux pâtissiers et boulangers en herbe.

 

Une source d’inspiration pour les boulangers du dimanche.