Jacques Duthel à La Chapelle-de-Guinchay
L'appel à la vente participative

Victime cette année à deux reprises de violents épisodes de grêle, Jacques Duthel, arboriculteur et maraîcher, cherche à préserver les sept emplois sur son exploitation. Il tente de recourir au financement collaboratif par l’intermédiaire de la plate-forme KissKissBankBank. Échange.
132723--Duthel_bis_1.jpg
Dans quel état est actuellement votre exploitation ?
Jacques Duthel : nous avons 14 hectares de vergers qui ont été grêlés à deux reprises à quatre semaines d’intervalle. La grêle a totalement anéanti notre récolte de fruits. Pour ce qui est des légumes, nous avons été inondés. Néanmoins, pour cette dernière production, nous allons pouvoir rattraper ce souci, ce qui ne sera pas le cas pour les fruits. Nous sommes sept personnes –dont mon couple– en permanence sur l’exploitation. Aujourd’hui, je me trouve confronté à un problème insoluble : soit je licencie mes salariés, auquel cas je cesse mon activité ; soit je cherche à préserver les emplois. Or, avec un chiffre d’affaires amputé de la partie arboricole (environ 200.000 €), c’est matériellement impossible sans une aide extérieure.

Quelles solutions se sont présentées à vous ?
J. D. : j’ai sollicité le ministère de l’agriculture, Pôle emploi… J’en conclus qu’il vaut mieux payer des indemnités chômage pour licenciement économique que d’aider une entreprise viable comme la mienne à passer un cap difficile en prenant en charge, par exemple, les charges sociales. A une époque où le chômage devrait être un souci majeur, il semble que rien ne soit possible pour la préservation des emplois.
Faute de trouver des solutions, je me suis tourné vers la vente participative de jus de fruits. Cela consiste à vendre des jus de fruits par anticipation car, aujourd’hui, il nous est impossible de fabriquer des jus à partir de nos poires si nous ne sommes pas sûrs de les vendre. Il s’agit en fait de pré-vendre ces jus de poires à l’aide du site participatif KissKissBankBank, lequel met en relation des créateurs de projets et des contributeurs passionnés par la créativité.

Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?
J. D. : vous vous rendez sur le site et, si vous le désirez, vous pouvez acheter des jus, pour différentes valeurs, qui vous seront remis en février 2017. Il n’y a aucun surcoût par rapport à nos prix habituels. Il est ainsi possible de pré-commander pour des sommes variables allant de 5 à 240 €. Les personnes viendront par la suite chercher leur commande sur l’exploitation. Seules les commandes de 240 € pourront être livrées. En vendant du jus par anticipation, je pourrais lancer la fabrication et espérer collecter une partie des fonds qui me sont nécessaires pour repartir pour une nouvelle année de culture tout en conservant mes salariés. Je propose notamment des bags in box de jus de poires de cinq litres. L’avantage du bag étant la conservation du jus après ouverture.

Quelles sont vos attentes ?
J. D.
: pour tenir jusqu’à la saison prochaine, il me faut 100.000 €. Je compte donc sur ma vente au détail de légumes pour m'apporter une partie de cette somme et sur le projet de KissKissBankBank pour en récolter une autre.
Au départ, l’objectif fixé avec KissKissBankBank est de récolter un minimum de 10.000 € pour lancer la production de jus de poire. En 48 heures, nous avons déjà réalisé 42 % de cet objectif. Il y a la moitié des donateurs que je ne connais pas. Si la collecte dépasse cette barre des 10.000 €, tout l’argent supplémentaire récolté servira au maintien des emplois. Cela signifie que plus on collecte, plus je suis sûr de pouvoir pérenniser le poste de chacun de mes salariés. Mes salariés, qui travaillent bien, ne méritent pas de perdre leur emploi.

https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/des-jus-pour-sauver-des-emplois



La lettre aux ministres du Travail et de l'Agriculture


Madame la Ministre du Travail, Monsieur le Ministre de l’Agriculture,

Je suis exploitant agricole depuis 1980, en arboriculture et maraichage.

Depuis plusieurs années mon exploitation est sujette à des aléas climatiques catastrophiques (tornades en 2013, sécheresse en 2015), et cette année n’échappant pas à la règle, l’intégralité de ma récolte de fruits a été anéantie par la grêle. A ce jour, j’ai assumé seul tous ces dégâts.

Comme je fais du maraichage bio, nous sommes 7 en permanence sur l’exploitation. Aujourd’hui, je me trouve confronté à un problème insoluble. Soit je licencie mes salariés, et auquel cas je cesse mon activité, soit je cherche à préserver les emplois ; or avec un chiffre d’affaire amputé de la partie arboricole (environ 200 000 €), c’est matériellement impossible sans une aide extérieure.

Or à ce jour, où que je me tourne (Pôle Emploi, MSA …), aucune possibilité n’est offerte pour la sauvegarde des emplois. J’en conclus qu’il vaut mieux payer des indemnités chômage pour licenciement économique, que d’aider une entreprise VIABLE à passer un cap difficile (en prenant en charge, par exemple, les charges sociales).
Pourtant, financièrement et humainement parlant, la collectivité a tout à y gagner ; 5 emplois à plein temps préservés (coût pour l’UNEDIC, la première année, environ 65 000 €, perte de rentrée de cotisations à la MSA, 60 000 €…), une exploitation sauvegardée…

A une époque où le chômage devrait être un souci majeur, il semble que rien ne soit possible pour la préservation des emplois.

Espérant que vous aurez à cœur de me répondre, je vous prie, Madame, Monsieur, d’agréer mes sentiments respectueux.


Jacques DUTHEL