Culture du sorgho
Les types génétiques conditionnent la valorisation

Hugues Chauveau, Benjamin Collin (Arvalis)
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Le terme « sorgho » renvoie à des qualités différentes, liées au type génétique des plantes considérées. Ces types correspondent à des usages variés, tels que la production de fourrage pour l’alimentation animale, celle de biomasse pour l’industrie (ou la méthanisation), mais aussi la production de grain, voire en couvert végétal…

Les types génétiques conditionnent la valorisation
La sole de sorgho progresse fortement en Europe, et en France en particulier. Crédit photo Christian Fischer.

Les sorghos se distinguent avant tout par leur mode de récolte : ils sont dits « monocoupe » s’ils sont récoltés une fois ou bien « multicoupes », s’ils sont destinés à être exploités plusieurs fois au cours de leur cycle. Les sorghos multicoupes constituent un fourrage estival ayant un cycle de végétation très court. Ils peuvent être semés en culture principale ou en dérobée d’été après une récolte de céréales-protéagineux immature, de céréales ou de colza. Suivant la date de semis et les conditions de culture, une première exploitation peut être réalisée 45 à 60 jours après semis avec 1 à 4 coupes sur l’année. Le potentiel de rendement en matière sèche de cette culture dérobée est élevé : de l’ordre de 8 à 13 t MS/an.

Cycle court et haut potentiel de rendement

Souvent valorisés par les ruminants, ces sorghos peuvent être pâturés ou fauchés (affourragement en vert, ensilage, enrubannage, foin). Parmi ces sorghos, on retrouve deux groupes de variétés. Les Sudan grass ou « herbe du Soudan » ont une forte capacité de tallage et de repousse et présentent des tiges et feuilles fines. Les hybrides (Sorghum bicolor x Sudan grass) sont plus tardifs que le type Sudan Grass, et leur potentiel de rendement est plus élevé. Ils présentent une morphologie plus grossière, mais plus vigoureuse.
L’exploitation de ces sorghos multicoupes en pâturage doit être réalisée au-delà d’une certaine hauteur d’herbe : 40 à 50 cm pour les types Sudan grass, et 50 à 60 cm pour les hybrides. En effet, à un stade jeune, les sorghos contiennent de la durrhine, une molécule qui entraîne une libération d’acide cyanhydrique dans le rumen pouvant causer une paralysie respiratoire chez les bovins. Il n’y a, en revanche, pas de risque dès lors qu’un préfanage est réalisé. Notons ici que cette libération d’acide cyanhydrique est mise à profit par certains maraîchers pour abaisser la pression de différents ravageurs présents dans le sol de leurs planches, en disposant des bâches sur un sorgho jeune, fraîchement fauché, pendant quelques jours.
La valeur alimentaire du sorgho multicoupe est proche d’une fétuque élevée sur le plan de l’énergie, de l’encombrement et de l’azote. Ainsi, au stade montaison en vert, le sorgho multicoupe présente une teneur en énergie supérieure à 0,80 UFL par kilo de matière sèche. Malgré sa valeur alimentaire limitée en comparaison des prairies temporaires de type ray-grass anglais + trèfle blanc, il faut souligner que le sorgho multicoupe peut être un complément de pâturage significatif en période estivale, lorsque les prairies de pâturage « classiques » produisent peu, limitant ainsi le recours aux fourrages conservés.

Des sorghos monocoupes ensilage, industriels ou à double usage

Les sorghos monocoupes peuvent être moissonnés en grains pour l’alimentation humaine ou l’alimentation animale (comme l’oisellerie), ou ensilés pour la production de fourrage. Dans ce dernier cas, ils sont classés en trois catégories (classification CTPS) selon leur niveau de valeur énergétique.
En premier lieu, les sorghos « ensilage » caractérisés par une très bonne valeur énergétique, recommandés pour la production d’un ensilage de haute qualité et destinés à l’alimentation de troupeaux ayant un niveau de production élevé (lait et viande). Suivent Les sorghos « à usage principalement industriel », plus riches en fibres et moins digestes, ces sorghos sont à réserver pour la méthanisation, les biomatériaux, les biocarburants… Ils sont connus sous différentes appellations : sorgho biomasse, fibre ou encore papetier.
Enfin, de type intermédiaire, les sorghos « double usage » offrent une valeur énergétique intermédiaire et une productivité souvent supérieure aux sorghos « ensilage ». Ils peuvent être destinés à la production de fourrage pour les animaux à besoins modérés ou à la production de biomasse pour le débouché biogaz.

Des caractères génétiques spécifiques

Au-delà de la classification basée sur le niveau de valeur énergétique du fourrage, les sorghos monocoupes se différencient aussi par d’autres caractères influençant la composition chimique du fourrage (voir tableau). La majorité d’entre eux sont des sorghos dits sucriers. Leur teneur en sucres solubles sur vert est élevée (15-20 % de la matière sèche), mais leur teneur en amidon est très variable suivant le type génétique. Certains sorghos sont dits « grain ensilage » : ils présentent une forte proportion de grains impliquant une teneur en amidon élevée, proche de celle du maïs fourrage (environ 30 % de la matière sèche).
Au sein des sorghos sucriers, des variétés ne produisent pas ou peu de grains, comme les sorghos « mâle stérile » (MS) ou les sorghos « photopériodiques sensibles » (PPS) ; ces deux types génétiques présentent donc des teneurs en amidon assez faibles, inférieures à 5 % de la matière sèche. Les sorghos MS présentent des panicules, mais sans pollen, ils ne produisent donc pas de grains lorsqu’ils sont cultivés seuls. Quant aux sorghos PPS, ils sont sensibles à la photopériode et initient leur phase reproductrice en période de jours longs. Ces sorghos n’épient que très rarement sous nos latitudes et ont une croissance continue ; mais attention, leur teneur en matière sèche à la récolte sera souvent faible. À noter que certains sorghos multicoupes présentent également le caractère PPS

Des sorghos BMR

Qu’ils soient monocoupes ou multicoupes, ces différents types de sorghos peuvent présenter le caractère BMR (Brown Mid Rib). L’expression phénotypique de ces gènes se caractérise par une nervure centrale brune des feuilles, visible dès les premiers stades jusqu’à l’épiaison sur l’ensemble des feuilles les plus jeunes. Cette combinaison de gènes interfère sur la lignification des tissus ce qui implique une teneur en lignine moins importante et généralement une meilleure digestibilité des fibres. En revanche, le risque de verse est plus important pour ces variétés.
Attention, tous les sorghos BMR ne se valent pas en termes de valeur énergétique, d’où l’intérêt de se référer à la classification CTPS des sorghos monocoupes.


Tableau : Composition chimique et utilisation de différents types de sorghos fourragers monocoupes

Une plante pleine d’avenir

Probablement originaire d’Ethiopie et déjà connue dans la Rome antique, le sorgho connaît depuis quelques années une belle dynamique de développement, compte-tenu de ses exigences modérées en eau et de sa tolérance à la chaleur.

En 2020, en France, on comptait 122 000 ha de sorgho au total, ce qui plaçait notre pays au deuxième rang des producteurs européens, juste derrière la Russie. C’est également dans l’Hexagone que cette plante affiche la plus forte dynamique, notamment dans le Sud-Ouest région où historiquement cette culture s’est implantée en premier, dans les départements du Lot-et-Garonne et en Haute-Garonne en particulier. L’arrivée de variétés plus précoces et le réchauffement climatique ont permis d’élargir la zone de culture vers le nord. En Europe, la surface implantée a désormais dépassé le demi-million d’hectares.
Peu gourmand en eau, le sorgho offre de nombreux débouchés de l’alimentation animale à l’alimentation humaine. C’est en effet une graminée très bien adaptée au réchauffement du climat, avec ses faibles besoins en intrants et en eau. Elle tolère bien la sécheresse.
Tolérante à la sécheresse et sécurisante
Elle permet à l’agriculteur de sécuriser sa production, d’assurer une diversification dans la rotation des cultures. Elle peut être une culture de remplacement intéressante quand les productions habituelles subissent de mauvaises conditions météo ou sont touchées par des parasites. Pour les éleveurs, c’est aussi un moyen pour sécuriser leurs approvisionnements en fourrage.
En outre, les débouchés du sorgho sont nombreux et variés. Les transformateurs commencent à apprécier le sorgho grain pour les nombreuses qualités de sa graine. Riche en protéine et dotée d’une valeur énergétique intéressante, celle-ci est prisée en alimentation animale et c’est là le principal débouché en Europe (oisellerie, pisciculture, mais aussi aliments pour le bétail). À titre d’exemple, la Catalogne est le plus gros importateur de sorgho grain pour l’alimentation porcine en Europe. Les qualités de la graine limitent le risque de goût ranci que l’on peut retrouver parfois dans les jambons crus ! Riche en fer, zinc, calcium, vitamine B9 et connu pour ses qualités antioxydantes, le sorgho est également utilisé pour l’alimentation humaine et sert à produire du Pop-Sorghum, des flakes, du lait, ou encore des pâtes.