Réglementation
Flavescence dorée, on fait le bilan

Ariane Tilve
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Alors qu’une nouvelle année débute, retour sur l’état des lieux de la présence de la flavescence dorée en France, de la réglementation et des connaissances scientifiques récoltées par l’Institut français de la vigne et du vin (IFV).

Flavescence dorée, on fait le bilan

Sylvie Malembic Maher Inrae UMR Biologie du fruit et pathologie, pose en premier lieu une question apparemment simple : « quelle est la différence entre la flavescence dorée et le bois noir ? » Ce sont les mêmes symptômes de jaunisses de la vigne, c’est-à-dire une décoloration en rouge pour les cépages rouges, ou en jaune pour les cépages blancs ; un enroulement du feuillage, un flétrissement des grappes et une absence de lignification des bois.

Ces jaunissements sont associés à des phytoplasmes, des petites bactéries sans paroi qui se multiplient dans la sève élaborée par la vigne. Ces phytoplasmes diffèrent entre flavescence dorée et bois noir. Le seul moyen de les différencier est d’effectuer un prélèvement et une analyse de laboratoire. Lorsque des insectes hémiptères piqueurs-suceurs (cicadelles, fulgore et psylles) se nourrissent de ces bactéries, ils ne seront infectieux qu’à partir de quatre ou cinq semaines et le resteront toutes leurs vies.

La contamination peut également se faire par du matériel infecté, du greffage ou encore de la multiplication végétative. Mais la flavescence dorée est, elle principalement, propagée par la cicadelle Scaphoideus titanus qui vit et se nourrit sur la vigne. Elle transmet de vigne à vigne avec une propagation épidémique, en foyers. Cet insecte originaire d’Amérique du Nord a été introduit dans le sud-ouest de la France au début du XXe siècle lors d’importation de porte-greffe qui avaient pour but de lutter contre le phylloxéra. Détectée pour la première fois en Armagnac, dans les années 50.

Officiellement classée comme maladie de quarantaine au sein de l’UE, sans méthode curative, la présence de flavescence dorée implique une lutte obligatoire et collective qui repose sur quatre piliers : la plantation de matériel sain, la prospection annuelle du vignoble, l’arrachage de plants infectés et les traitements insecticides, qui peuvent être modulés. Près de 44 % du vignoble français est infecté.

Le bois noir, lui, repose sur un autre phytoplasme, propagé par le cixiide Hyalesthes obsoletus qui ne vit pas sur la vigne et ne provoque donc pas de propagation épidémique. Moins grave, il faut quand même lutter contre car il peut masquer des cas de flavescence dorée et induit aussi des impacts économiques, environnementaux et sociaux.

Dynamiques de dispersion à courte et longue distance de la flavescence dorée

Des expériences de marquage-recapture des cicadelles adultes montrent que les insectes diffusent à moins de 30 m, mais quelques-uns sont retrouvés jusqu’à 300 m. Autre expérience avec des ceps infectés, arrachés mais sans faire de traitement durant deux ans. On réalise alors que la distance moyenne de transmission sur un an est de 12 m. 80 % des évènements de dispersion ont lieu dans les 22 m, des évènements plus rares entre 50 et 100 m. Grâce à ces études, on sait que l’arrachage est important pour limiter la propagation mais il ne suffit pas. Le contrôle de la cicadelle est indispensable, en raison des infections critiques qui touchent les pieds mais dont l’ampleur ne sera détectable que l’année suivante, voire encore après.

À noter qu’il existe aussi une dispersion passive de la cicadelle par les vents et par les machines. Il faut donc éliminer les feuilles et les rameaux qui restent sur les engins et privilégier les déplacements de zones non infectées vers les zones à risque. Enfin, la dispersion par plants de vigne infectés est possible, d’où l’importance du traitement à l’eau chaude pour éliminer les phytoplasmes avant plantation, obligatoire dans les cahiers des charges des appellations bourguignonnes.

La réglementation

La maladie se gère par arrêté préfectoral régional, fixant la lutte obligatoire se basant sur quatre piliers : le traitement à l’eau chaude des nouveaux plants de vignes, la prospection collective obligatoire, l’arrachage des pieds infestés et le ou les traitements phytosanitaires contre le vecteur. Le décret d’application est destiné à « toutes les communes viticoles » du département et rappelle que la « lutte contre la flavescence dorée est obligatoire en tous lieux de façon permanente sur le territoire régional ». Tout propriétaire ou exploitant de parcelles est donc tenu de déclarer la présence du moindre symptôme, y compris les particuliers, communes, entreprises ou autres. Chaque domaine a l’obligation de participer aux prospections collectives, notamment « sur la base d’une demi-journée pour trois hectares de vigne exploités et dans toutes les vignes et dans toutes les communes qui exploitent au moins un hectare ».

Enfin, sujets de débats et de négociations, « par dérogation, les traitements insecticides conduits dans le cadre de la lutte obligatoire contre l’insecte vecteur ne sont pas soumis aux zones non traitées (ZNT) […] dans la limite d’une ZNT d’une largeur minimale de trois mètres ». L’obligation de traitement est une réalité qui ne saurait être ignorée, au risque de sanctions, le non-respect des ZNT peut lui aussi faire l’objet d’une sanction. Une contradiction pointée par la profession, sachant que « lors des contrôles, l’administration regarde ce qui a été acheté et ce qui a été utilisé », et pas où cela a été utilisé, rappelle Patrice Fortune, vigneron et référent à Crèches et Chaintré.

 

Les risques d’émergence de la flavescence dorée depuis l’environnement des vignobles

Recensement et cartographie de plantes réservoir ont permis de définir les aulnes et les clématites sauvages comme réservoirs originels des phytoplasmes. D’autres cicadelles que Scaphoideus titanus sont aussi capables de propager la maladie au sein de ces plantes, et aller goûter, à peu de fréquence, la vigne. Autre risque, les vignes non cultivées (abandonnées, dans des jardins, etc.) qui représentent un risque élevé car non traités. Ces vignes sont présentes en densité importante, surtout des repousses de porte-greffe. 5 à 18 % sont infectés, 35 % en bordures de foyers de cicadelles infectées qui migrent vers des vignes après traitement insecticide. Ces vignes non cultivées (VNC) sont autant de réservoirs de vecteurs et donc du phytoplasme avec un risque important de recontamination vers les vignobles assainis ou en voie d’assainissement, ce qui représente un frein à la réduction des insecticides. Elles doivent donc être éliminées aux abords des parcelles de zones à risque. Pour mieux contenir cette menace, il est important de recenser et cartographier les VNC en terrains viticoles, chez les particuliers mais aussi sur les terrains publics. Un test mené dans le bordelais montre que la remise d’un livret de sensibilisation à la gestion des VNC a poussé 17 % des particuliers concernés à agir.

Enfin, il existe différentes souches du phytoplasme de la flavescence dorée. Ces génotypes sont caractérisés en quatre grands groupes seront leurs capacités d’infection notamment.

Les phénomènes de rétablissement

Il existe des différences de sensibilité des cépages et variétés de vigne à la flavescence dorée. On ne connaît pas de cépage résistant ou qui n’exprime pas de symptôme. Mais certains sont plus sensibles que d’autres, à l’instar de l’alicante bouschet N, de l’aramont N, du baco blanc B, du cabernet sauvignon N, de notre chardonnay B, du grenache blanc B ou encore du grenache N, contrairement au Cot N, au merlot N et au syrah N qui sont peu sensibles à la maladie. Attention également au phénomène de rétablissement. Les pieds expriment parfois les symptômes une année, puis ne les expriment plus les années suivantes. Un état qui semble stable en absence de recontamination. Pourtant, dans l’année qui suit, une partie de ces pieds seront morts, une autre maintiendra l’infection avec un risque de propagation et une dernière partie se rétablira. Le problème étant qu’il est impossible de quantifier cette partie qui ne sera plus malade. D’autant plus que ce vaccin n’est pas un vaccin et condamne le vigneron au traitement insecticide permanent. Seule certitude, sans arrachage, le nombre de pieds infectés dépasse de loin ceux rétablis.