ÉLEVAGE
Vétérinaire en milieu rural, un métier plus que jamais à préserver

Chaque année, de nombreux vétérinaires ruraux spécialisés dans le soin et le suivi des animaux de rente ne sont pas remplacés même si le manque de vocation n’est pas toujours la raison première de cette désertification. Certains départements des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté sont particulièrement touchés par ce phénomène qui inquiète la filière agricole. Pour faire face, des solutions pour promouvoir ces métiers sont mises en place.

Vétérinaire en milieu rural, un métier plus que jamais à préserver
En 2021, 6 520 vétérinaires ont déclaré une compétence pour les animaux de rente, un chiffre stable par rapport à 2020. ©Fotolia

En 2021, près de 20 200 vétérinaires étaient inscrits à l’Ordre des vétérinaires. Par rapport à l’année 2020, le nombre de professionnels spécialisés dans le soin d’animaux de compagnie a augmenté de près de 5 %. Ils sont 16 500 à avoir choisi cette voie. Seuls 6520 vétérinaires déclarent une activité d’animaux de rente, essentielle pour la filière élevage.

Si ce chiffre peut paraître alarmant, une lueur d’espoir semble se dessiner. Depuis deux ans, le nombre de vétérinaires qui poussent la porte des élevages commence à se stabiliser. Et le changement de législation n’y est pas pour rien. « Tout est parti de la loi DDADUE* adoptée en 2020, déclare le secrétaire général de l’Ordre des vétérinaires, Jean-François Mourier. Depuis, certaines collectivités locales commencent à appréhender le sujet des déserts vétérinaires et à allouer des aides. »

Le porteur de cette loi n’est autre que le sénateur de la Haute-Loire, Laurent Duplomb, lui-même éleveur laitier. « Grâce à cette loi, les collectivités peuvent aider financièrement l’installation de vétérinaires, détaille-t-il. Des critères ont alors été définis et ont démontré que la pénurie de vétérinaires concernait toute la France. Avec cette loi, nous n’avons pas inversé la tendance, mais nous avons limité un peu plus l’hémorragie. »

Le recensement démographique élaboré par le Conseil de l’Ordre des vétérinaires montre toutefois des inégalités au sein de l’Hexagone. Depuis cinq ans, la population des vétérinaires inscrits stagne en Bourgogne-Franche-Comté. Mais leur répartition est très différente d’un département à l’autre. « Nous avons un bassin d’élevage historique avec des productions bien valorisées et un modèle économique solide dans le Jura, et donc des vétérinaires adaptés, analyse Maxime Chassaing, conseiller au conseil régional de l'Ordre des vétérinaires. Malgré une légère baisse en Saône-et-Loire, cette zone reste globalement attractive, car elle dispose encore d’un bassin d’activités vivant et est à proximité de l’école de Lyon. Mais plus on s’en éloigne et plus on arrive dans des zones mal desservies par le maillage médical. » Selon le conseiller, la Nièvre et l’Yonne seraient les victimes collatérales de cette logique. Il manquerait une vingtaine d’emplois équivalent temps plein au sein de ces deux départements. « À Champagnole, dans le Jura, ils pensaient que leur zone était en tension, car il leur fallait deux semaines pour recruter un jeune vétérinaire… Nous leur avons répondu que dans l’Yonne, nous essayons depuis trois ans », se remémore le conseiller.

Des collectivités locales investies

L’Auvergne-Rhône-Alpes n’échappe pas à ces inégalités territoriales. Selon le secrétaire général de l’Ordre des vétérinaires, l’Ardèche, la Drôme et la vallée de l’Isère seraient les secteurs les plus touchés par la pénurie de vétérinaires d’animaux de rente. Mais les différentes aides allouées par les collectivités, ainsi que les retombées du plan à manifestation d’intérêt (lire par ailleurs) parviennent à maintenir un maillage. Le Conseil régional a notamment alloué une subvention de 4 500 € pour l’achat d’un échographe dans une clinique du Cantal, ou encore 60 000 € pour la construction d’une clinique vétérinaire à dominante rurale dans le Nord de la Loire en 2022.

300 km dans une journée

Dans le Nord de l’Isère, aux contreforts du Vercors, deux confrères ont récemment pu s’installer à Monestier-de-Clermont grâce aux aides allouées par le Département. « Des vétérinaires ont arrêté, nous avons donc repris l’activité de vaches et de chevaux depuis quatre mois, relate Hugot Jeannet, vétérinaire et secouriste en montagne natif de Grenoble. Le Département a participé à notre installation via une subvention de 15 000 € chacun, avec l’obligation d’assurer les gardes et le suivi des élevages. » Mais la disparition des vétérinaires ruraux les oblige à couvrir une zone allant du Vercors à la Chartreuse en passant par le massif de Belledonne. « Nous pouvons faire jusqu’à 300 km dans une journée… Nous sommes contraints par ces trajets. » Bien qu’animé par la passion pour son métier, le jeune installé admet qu’un troisième vétérinaire ne serait pas de trop. « Mais il faudrait payer un salarié supplémentaire et cela coûte cher, surtout durant les astreintes… » Au-delà de ce coût financier, les deux vétérinaires sont conscients que trouver un confrère ou une consœur dans cette zone s’avérerait difficile. « Il faut jouer sur l’immobilier et fournir un logement pendant les six premiers mois. Et surtout trouver un local adapté pour trois vétérinaires », avance Hugo Jeannet, persuadé que les collectivités locales de son territoire ont saisi l’enjeu des déserts vétérinaires.

Outre l’investissement des Pouvoirs publics, les acteurs de la profession poussent en faveur d’une augmentation des stages tutorés. « Cela motive à faire de la rurale et c’est formateur comme une alternance », assure le jeune vétérinaire. « C’est réclamé par beaucoup de praticiens sur le terrain », ajoute Maxime Chassaing. Une solution qui pourrait susciter des vocations et éviter certaines désillusions une fois le diplôme en poche. 

Léa Rochon

*Loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, NDRL.