EXCLU WEB / Le Giec invite à réconcilier climat et biodiversité

Dans son rapport sur l’adaptation publié le 28 février, le Giec recommande, pour adapter l’agriculture au changement climatique, de favoriser la restauration des milieux naturels. Un défi technique et scientifique sur lequel l’Inrae et l’OFB planchent déjà, avec plusieurs projets pilotes en France.

EXCLU WEB / Le Giec invite à réconcilier climat et biodiversité

« C’est le premier rapport dans lequel nous reconnaissons aussi clairement l’interdépendance entre le climat, les écosystèmes et la biodiversité », souligne Hoesung Lee, président du Groupe international d’experts sur le climat (Giec) lors d’une conférence de presse le 28 février. Dans ce nouveau rapport sur l’adaptation au changement climatique publié ce jour, le Giec estime désormais que plus de 50 % de la population, principalement les personnes les plus démunies à travers le monde, seraient désormais à risque face au changement climatique.

Dans le secteur alimentaire particulièrement, les experts soulignent, sur la base de près de 34 000 études scientifiques, que « le changement climatique, y compris la hausse de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes, a réduit la sécurité alimentaire ». En Europe, poursuivent-ils, « des pertes substantielles de productions sont attendues dans la majorité des régions », qui ne seront pas compensées par les hausses de rendement en Europe du Nord.

Des enjeux face auxquels, prévient le Giec, l’irrigation ne sera pas suffisante, puisque son efficacité « décroît avec la hausse des températures », et qu’elle peut même « avoir des effets indésirables », notamment en altérant les précipitations. Les experts recommandent donc de développer les variétés et races adaptées, mais aussi de se tourner vers les « approches qui travaillent avec les processus naturels ». En restaurant zones humides et rivières, en arrêtant l’artificialisation des sols, ou encore en diversifiant le paysage ou encore en encourageant l’agroforesterie.

Le sujet oublié du Varenne

La science de l’écologie a depuis longtemps prouvé ce lien entre le bon état des écosystèmes, et leur capacité à répondre à un stress météorologique ou biologique, rappelle Thierry Caquet, directeur scientifique environnement de l’Inrae. « Les systèmes les plus résilients sont les plus riches », résume-t-il. Mais d’autres travaux sont encore pour lui nécessaires avant de comprendre précisément les services précisément rendus par un cours d’eau ou une zone humide à une exploitation agricole.

« Nous n’avons pas encore été au bout de l’exercice à l’échelle du paysage. Nous avons des résultats empiriques, sur la présence de ravageurs dans les parcelles par exemple, détaille le scientifique. Mais pour comprendre précisément les interactions des fermes avec leur environnement, nous avons besoin d’intelligence artificielle, de modélisation, pour réellement intégrer toutes les variables de ces systèmes extrêmement complexes. »

Quelques travaux commencent malgré tout à offrir des réponses concrètes aux pistes soulevées par le Giec. L’Inrae mène ainsi depuis plus de quinze ans une expérience sur le site de Rampillon (77), avec une zone humide tampon de 1 ha entre plusieurs parcelles, qui vise avant tout à filtrer les résidus de pesticides et d’engrais, mais qui crée également un îlot de fraîcheur. Coordonné par l’OFB, le projet Life Artisan vise, lui aussi, à explorer ces solutions basées sur la nature, en se déployant sur dix sites démonstrateurs. Avec quelques projets très agricoles, comme celui du bassin-versant du Neal (35), où les zones humides ont été restaurées pour éviter le stress hydrique en période d’étiage.

Dans le rapport de la thématique 2 du Varenne, celle dédiée à l’adaptation, ces projets sont bien mentionnés brièvement. Les auteurs, parmi lesquels Thierry Caquet lui-même, reconnaissent d’ailleurs même la nécessité de construire « une agriculture de résilience », grâce à des pratiques comme l’agroforesterie, la restauration de ripisylves ou encore le développement des prairies permanentes. Mais ces développements occupent une place très mince par rapport à ceux dédiés à l’irrigation, aux semences, ou à la technologie, qui restent les techniques plébiscitées par la plupart des filières. Un chantier qui reste donc entièrement ouvert, et reposera certainement sur l’échelon régional, au travers des diagnostics prévus par le Varenne.