Dégâts de corvidés
La riposte s’organise !

Marc Labille
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Face à la montée des dégâts de corvidés, fédération des chasseurs et agriculteurs unissent leurs forces en Saône-et-Loire. Alors que certaines associations animalistes rêvent d’interdire toute régulation, les agriculteurs sont incités à signaler tous les dégâts au moyen de fiches dommages. Dans le même temps, la fédération propose de former des agriculteurs au permis de chasser. Et une opération pilote de régulation des corvidés est conduite en partenariat sur le territoire Terres de Bresse. Explications avec Évelyne Guillon, présidente de la Fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire et Luc Jeannin, secrétaire général de la FDSEA.

La riposte s’organise !
Face au problème des dégâts de corvidés, agriculteurs et chasseurs de Saône-et-Loire sont parvenus à unir leurs forces pour mettre en place une régulation collective efficace.

Depuis un peu plus d’un an, la fédération des chasseurs et les agriculteurs du département sont confrontés à la problématique des dégâts de corvidés. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Évelyne Guillon : nous avons besoin de la mobilisation des agriculteurs pour sauvegarder la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. C’est elle qui permet de réguler les corneilles noires, les corbeaux freux, les renards, les fouines, les martres, les pies bavardes, les étourneaux. Proposée par le préfet au ministère pour une durée de trois ans, cette liste est très importante pour l’agriculture et elle peut toujours être remise en question sous la pression des associations animalistes. Il existe des départements voisins où les corneilles, les corbeaux freux et les renards sont exclus de cette liste. Corneilles, corbeaux freux et renards ne peuvent dès lors être régulés que pendant la période de chasse.

Comment les agriculteurs peuvent-ils contribuer au maintien de cette liste des espèces susceptible d’occasionner des dégâts ?

La liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ndlr : dite Esod) doit être validée pour une nouvelle période de trois ans le 30 juin 2022. D’ici là, une procédure va se dérouler durant l’automne prochain, au cours de laquelle des argumentaires devront être fournis à l’administration afin qu’elle valide - ou pas - la liste proposée. Les associations interviendront pour qu’aucune espèce ne figure sur cette liste. Face à elles, nous devrons justifier les dégâts et la présence significative de chaque espèce. Les agriculteurs doivent nous faire remonter le maximum de fiches de dommages dus à la prédation. Ces déclarations de dégâts à retourner à la Fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire sont indispensables pour que le préfet puisse disposer de chiffres donnant l’étendue réelle de ces dégâts.

En Saône-et-Loire, les espèces concernées sont bien présentes et ne sont pas du tout menacées. Renards, martres et fouines se portent bien et font des dégâts. Depuis plusieurs années, nous assistons à une croissance inquiétante des populations de corvidés. Ils sont connus pour faire beaucoup de mal aux poussins d’élevages et aux semis de printemps. Il faut faire comprendre que sans une bonne régulation, les populations risquent de croitre trop vite et devenir hors de contrôle.

Luc Jeannin : même si ces déclarations de dégâts ne servent pas à être indemnisé, il faut qu’un maximum d’agriculteurs fassent l’effort de les rédiger le plus précisément possible et de les remettre à la fédération des chasseurs. Et il faut aussi que les chasseurs n’hésitent pas à aller voir les agriculteurs pour recueillir des fiches de dégâts dans chaque secteur. La mobilisation sera d’autant plus forte si chasseurs et agriculteurs le font dans un climat de convivialité. Si les présidents de sociétés de chasse prennent le temps au moins une fois par an d’aller rendre visite aux agriculteurs de leurs territoires pour discuter de tout cela, ils pourront facilement obtenir des fiches de dégâts. C’est la meilleure façon de prévenir ces dégâts. Et il faut à tout prix conserver la possibilité de réguler ces espèces en dehors des périodes de chasse.

Quelles pistes sont explorées pour tenter de réguler les corvidés sur le terrain ?

Évelyne Guillon : une opération pilote contre les dégâts de corvidés va être menée sur le territoire Terres de Bresse. 

Luc Jeannin : nous travaillons actuellement pour que des partenariats permettent un accompagnement financier dans la régulation. Nous avons mis en place un partenariat entre la profession, la fédération des chasseurs et l’association Cultivons nos campagnes. La protection des semences avec des produits répulsifs risque d’être interdite à partir de 2022. Aussi, nous avons voulu tester une solution de remplacement grâce à un partenariat au quotidien entre agriculteurs et chasseurs. Ce partenariat inclut aussi la coopérative Bourgogne du Sud et les minoteries Gay.

Évelyne Guillon : nous voulons mobiliser les jeunes chasseurs pour qu’ils participent à la régulation des corvidés. La régulation des corvidés nécessite des équipements et une formation qui ont un coût. Le partenariat permettra de prendre en charge ces équipements (affût, cartouches, etc.), leur formation et de leur verser une indemnité par corvidé régulé.

Nous avons aussi l’ambition de former des agriculteurs au permis de chasser. Nous proposons de leur dispenser également une formation spécifique sur la régulation des corvidés. Ainsi, ils pourront être actifs sur le terrain dans la régulation de ces espèces à l’origine des dégâts. La Fédération des chasseurs est prête à délocaliser une session de formation théorique. Pour toute inscription, contacter la fédération au 03.85.27.92.71.

Luc Jeannin : ce partenariat est la preuve que chasseurs et agriculteurs ont tout intérêt à s’entendre en qualité de connaisseurs et pratiquants réguliers de l’espace rural. Il faut que nous portions ensemble le même message.

Appel à participer aux consultations publiques

« Nous devons aussi nous mobiliser collectivement dans les consultations publiques concernant les arrêtés préfectoraux liés à la chasse (ouverture, période complémentaire vénerie sous terre, etc.) », alerte Évelyne Guillon. « Les associations animalistes se sont structurées pour y déposer des centaines de contributions opposées à ces arrêtés. À notre tour, nous nous sommes mobilisés pour y faire valoir nos arguments. Et nous faisons suivre le lien aux forestiers et au monde agricole pour qu’ils contribuent eux aussi à ces consultations publiques. En s’y mettant tous, nous pourrons faire le poids face aux opposants dont certains agissent même depuis l’étranger ! Grâce à notre mobilisation, les sondages sur la chasse commencent à évoluer », se félicite la présidente des chasseurs.