Filière caprine
Un projet pour valoriser la viande de chevreau

Marc Labille
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Face au problème récurrent de la valorisation de leurs chevreaux, les producteurs caprins fermiers s’apprêtent à créer une marque collective pour mettre en avant les vertus de la viande de chevreaux nés, élevés et engraissés dans leurs élevages. 

Un projet pour valoriser la viande de chevreau
Pas de production laitière sans la naissance de chevreaux. De ce fait, la consommation de viande de chevreau participe au cercle vertueux de l’alimentation locale.

La problématique de la valorisation des chevreaux n’est pas nouvelle dans la filière caprine. Depuis plusieurs années, les éleveurs de chèvres s’inquiètent de prix de vente de leurs chevreaux de plus en plus bas, au point que ce coproduit de l’atelier caprin (pas de lait sans la mise bas d’un chevreau) en devient presque une charge, déplore Jean-Philippe Bonnefoy, président du syndicat caprin de Saône-et-Loire. Le Covid n’a fait qu’exacerber cette crise en perturbant deux années de suite le principal débouché que sont les fêtes de Pâques. Face à une filière aval bien peu favorable aux éleveurs, ces derniers s’estiment heureux que la collecte ait été maintenue malgré les perturbations liées aux confinements. Mais la profession est bien décidée à faire en sorte que le chevreau redevienne rémunérateur pour le travail qu’il implique. Quitte à ce que les producteurs se réinvestissent eux-mêmes dans l’engraissement et la valorisation des chevreaux nés dans leurs élevages.

C’est dans ce but qu’un travail d’envergure régionale est conduit depuis quelque temps par la profession pour améliorer la valorisation des chevreaux de ferme. Il a consisté dans un premier temps en un recensement des éleveurs commercialisant de la viande de chevreaux en vente directe. Le recensement concerne aussi les points de vente où est commercialisée cette viande de chevreau.

Une marque pour communiquer sur le produit

Le projet consiste à mettre en place, collectivement, une démarche de commercialisation de la viande de chevreau issue d’élevages fermiers auprès de nouveaux débouchés. Cela passe par la création d’une marque collective adossée à un cahier des charges pour une meilleure mise en valeur du produit auprès des clients potentiels, explique Éléonore Sauvageot, animatrice du projet. Misant sur le fait que ces chevreaux sont nés, élevés et engraissés dans des élevages traditionnels producteurs de fromages fermiers, le collectif a inscrit dans un cahier des charges l’absence d’OGM et d’antibiotique. Il communiquera sur le caractère local et fermier de la viande de chevreau. Une viande aujourd’hui oubliée en France, mais qui est pourtant l’une des plus consommées dans le monde, fait-on valoir. La viande de chevreau bénéficie aussi de vertus culinaires et diététiques, étant une viande blanche savoureuse et maigre, se prêtant à de nombreuses recettes rôties, mijotées, mitonnées, en terrines, etc.

Sous cette marque collective, la viande de chevreau sera mise en valeur auprès des consommateurs, lesquels se verront indiquer où se procurer le produit ; les points de vente. Côté producteurs, un accompagnement technique est apporté pour optimiser les méthodes d’engraissement (aliment, poids, etc.). Avec l’impératif de contenir le temps consacré et les charges, étant donné la piètre rémunération de cette production.

Un projet d’éleveurs…

Si le projet fait l’objet d’une remarquable mobilisation de la part de la filière caprine amont, plusieurs difficultés tendent à freiner les démarches pourtant légitimes pour la pérennité de la filière fromagère fermière. Face à une société à fleur de peau pour tout ce qui touche aux animaux, la viande de chevreau souffre d’un problème d’image, confie Éléonore Sauvageot. « C’est dans le cadre de la vente directe que le contexte est le plus favorable à l’adhésion du consommateur. Déjà client des fromages de chèvres, il acceptera plus volontiers de goûter de la viande de chevreau, d’autant plus que l’éleveur est présent pour lui expliquer les choses », estime l’intervenante. 

Un autre frein réside dans l’aval. Les partenariats et coopérations sont inexistantes avec les outils d’abattage spécialisés, ce qui oblige les producteurs à se tourner vers d’autres outils multi-espèces peu adaptés aux chevreaux. 

Les fromagers fermiers ont tenu bon !

La filière fromagère fermière se porte plutôt bien. C’est en tout cas le sentiment qui ressort alors que les éleveurs de chèvres vivent depuis plus d’un an avec la crise sanitaire du Covid. En dépit des conséquences soudaines du premier confinement, survenu en plein démarrage de saison, la filière fromagère départementale a bien résisté. « Notre filière s’est mobilisée pour faire face et les gens ont redécouvert nos produits. Depuis, la consommation de fromages fermiers se tient tant au niveau local qu’à l’échelle nationale », résume le président du syndicat caprin Jean-Philippe Bonnefoy. Tandis que la vente directe et les filières courtes tirent leur épingle du jeu, la filière longue est quant à elle « boostée par les AOP et elle recherche même des producteurs », informe le président. Un constat qui incite à « faire mûrir les projets des futurs installés », poursuit-il. En effet, la majorité des futurs éleveurs se voient dans un projet individuel, misant exclusivement sur la vente directe. Or dans les zones les plus éloignées des bassins de consommation, la valorisation des fromages est plus difficile avec des prix pratiqués plus bas. « La vente de fromage en blanc, à des affineurs, etc., valorise certes moins, mais elle permet d’écouler du volume tout en amortissant les investissements. C’est un bon moyen de consolider des installations », argumente Jean-Philippe Bonnefoy.

Naissance d’un GIEE caprin

Ces temps troublés de restrictions n’ont pas empêché les éleveurs caprins de Saône-et-Loire de faire avancer leurs projets collectifs. L’un des plus importants d’entre eux est un projet de GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental). Porté par un groupe d’une huitaine de producteurs, ce projet a mûri avec l’accompagnement de Camille Prost de la chambre d’agriculture. Baptisé « Lait’s Goat » (Goat voulant dire chèvre en anglais), les finalités de ce GIEE sont de « faire face au changement climatique et de pérenniser la filière caprine ». Ces deux grands axes se déclineront d’une part, dans l’objectif de sécuriser l’alimentation du cheptel tout en diminuant l’impact carbone. D’autre part, il y a l’objectif de maintenir le nombre d’éleveurs (formation, transmission, main-d’œuvre, conditions de travail). Avec la nécessité de « diversifier, valoriser, jouer collectif, se regrouper pour diminuer les charges et créer plus de valeur ajoutée ». Le rôle du GIEE se concrétisera par une somme d’actions portées par des groupes d’éleveurs. Concernant l’alimentation des troupeaux, elles porteront sur les assolements avec l’introduction de légumineuses ; l’amélioration des prairies permanentes et l’optimisation de l’herbe… Concernant l’impact carbone, les consommations d’énergies fossiles des exploitations seront étudiées et la production d’énergies vertes explorée… Plusieurs actions porteront sur le renouvellement des générations avec un accent sur la problématique du manque de main-d’œuvre (parrainage, tutorat…). Enfin, au chapitre de la valorisation des produits, figurent entre autres le projet de développer une filière viande de chevreau (lire ci-dessus) ainsi que le projet de création d’une fête annuelle de la chèvre. « Que toutes les personnes qui sont intéressées par l’un ou l’autre de ces thèmes adhèrent. Il suffit de s’engager pour au moins une action », invite Jean-Philippe Bonnefoy qui annonce le lancement de ce GIEE pour le mois de juillet prochain.