Qualité des eaux
Les sources de progrès

Françoise Thomas
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Avec seulement 26 % de ses rivières en bon état, la Bourgogne Franche-Comté ne semble pas très bonne élève en matière de gestion de la qualité de l’eau. Pourtant, ces chiffres méritent d’être regardés de plus près car si des efforts restent bien évidemment à faire, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse se veut encourageante, dans son discours et dans les faits.

Les sources de progrès
Désenrochement des berges, blocs posés dans le lit, banquettes réinstaurées, etc, après travaux, l'Ouche (21) a retrouvé un profil naturel et de nombreuses espèces de poissons.

Il semblerait que le confinement ait aussi eu une répercussion sur la gestion des cours d’eau. Alors que pendant plusieurs semaines plus aucuns travaux n’étaient possibles, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, l’agence RMC, relance aujourd’hui les appels à projets pour la période 2020-2021 « avec des taux de subvention plus élevés, annonce Laurent Roy, le directeur général de l’agence. Avec cette décision post-Covid, c’est donc le moment pour les maître d’ouvrage de se mobiliser pour lancer leur projet avec ces conditions plus favorables qui peuvent aller jusqu’à 70 % de taux de subvention ! ».

Une question de géographie…

Tous les deux ans, l’agence de l’eau RMC, dont dépend tout le bassin de la Saône et de ses affluents pour ce qui concerne la région Bourgogne Franche-Comté, dresse un bilan de l’état des eaux de surfaces et souterraines et fait le point sur les actions menées.
Côté constat, l’état écologique des eaux de BFC n’est pas le mieux classé : si sur l’ensemble du bassin de l’agence Rhône Méditerranée, la moitié des cours d’eau (51 %) sont de qualité satisfaisante, « c’est nettement moins bien en Bourgogne Franche-Comté avec seulement 26 % », détaille Laurent Roy. Il faut alors distinguer deux zones : les montagnes jurassiennes qui affichent un bon taux, et une situation inverse dans les plaines de la Saône et de ses affluents. Idem pour les masses d’eau souterraines « si 90 % ont un niveau correct dans le bassin, le taux est de 83 % pour la région ».
Et c’est principalement dans la morphologie des terres qu’il faut justement trouver l’explication : historiquement les zones de plaine ont nécessité de « canaliser » les rivières pour être habitables et cultivables, pour lutter contre les crues et les inondations.

… et de volonté politique

 « C’est toute une époque aujourd’hui révolue, puisque la politique est désormais de laisser les rivières s’étaler. On s’aperçoit que c’est plus efficace contre les inondations, moins destructeur et ce, à moindre coût », complète le directeur de l’agence. Une politique qui concerne plus les affluents des rivières d'ailleurs.
Ainsi si les travaux de restauration sont entrepris, « l’ensemble est long, complexe et progressif », reconnait Laurent Roy. Et dépend beaucoup des difficultés techniques, dont l’importance du foncier bâti, de la motivation du maître d’ouvrage et du montage financier, d’où ce coup de pouce post-Covid …

Tout un programme

En parallèle, fonctionnant avec les prélèvements fiscaux, l’agence de l’eau a vu son budget amputé de 400.000 euros pour ce nouvel exercice, passant ainsi de 3 millions d’euros sur le programme 2013-2018 à 2,6 millions pour le 11e programme, celui qui est en cours. Cependant cette baisse de budget n’est pour l’instant pas spécialement préjudiciable : « nous n’avons pas refusé de projets à cause de la baisse de budget », précise Laurent Roy.
Parmi les actions menées ces dernières années, des opérations de restauration des cours d’eau qui commencent à porter leur fruit.
Entre 2013 et 2018, 500 km de cours d’eau ont été « renaturés », près de 9 km l’ont été en 2019 en BFC. « Et ça marche ! », relate Laurent Roy en évoquant les suivis d’indice biologique qui témoignent d’un retour progressif de la biodiversité dans ces cours d’eau réhabilités.

Forte intertie

Cependant, les effets sont loin d’être visibles partout : « il y a une véritable inertie du côté des nappes phréatiques ». Ainsi en surface, si certains effets sont assez rapides, les analyses des eaux souterraines peuvent encore relever des traces de substances chimiques interdites pourtant depuis des années. « Et cela ne témoigne pas d’un usage qui perdurerait mais plutôt du caractère très persistant de certaines substances, insiste le directeur général. Ce problème de l’état chimique des nappes souterraines reste une menace pour l’alimentation en eau potable ».
Les développements urbains contribuent à la pression sur les cours d’eau, auquel s’ajoute le réchauffement climatique qui influe indéniablement sur le débit des rivières. « Il reste encore des marches importantes à franchir », reconnait Laurent Roy.

Les sources de satisfaction

Avec l’amélioration des systèmes d’assainissement des eaux usées, la qualité physicochimique de l’eau s’est nettement améliorée. Alors qu’elle était à 30 % satisfaisante en 1990, elle est passée aujourd’hui à 80 %.
Dans cet ordre d’idée, les concentrations moyenne en ammonium ont été divisées par 20 entre 1990 et aujourd’hui, la toxicité due aux métaux lourds divisée par six sur cette même période.
La toxicité moyenne des substances pesticides a été divisée par deux entre 2008 et 2018, notamment grâce au retrait des molécules les plus toxiques.
La concentration des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) issus notamment de la combustion de l’essence a, elle, été divisée par quatre, tout en restant cependant très supérieures aux normes admises.

Les leviers d’actions

Le rétablissement de la qualité des eaux passe par plusieurs leviers.
Lutter contre les gaspillages, qu’il s’agisse des fuites d’eau chez les particuliers ou sur le réseau d’alimentation, ou grâce au recours à des modes d’irrigation plus efficaces.
Il convient ensuite de lutter contre l’imperméabilisation des terres pour permettre à l’eau de s’infiltrer plutôt que de ruisseler et rétablir les nappes souterraines comme source de rétention d’eau et les zones humides comme zone tampon. Des actions qui permettent de limiter les pics de pollution lors des fortes pluies, en déconnectant notamment les eaux de ruissellement des réseaux d’eau usées.
Il faut rétablir les continuités écologiques en limitant et éliminant les seuils et barrages, autant d’obstacles qui perturbent l’écoulement naturel de l’eau et empêchent les poissons de passer.
Il convient aussi d’agir sur les sources de pollution chimique en amont en améliorant les connaissances sur ces molécules, en retirant de la vente certains produits, en agissant sur les pratiques agricoles, en sensibilisant le grand public, les professionnels, les collectivités sur le rôle et la responsabilité de chacun. Ainsi, si « en 1990, 25 paramètres étaient suivis, il y en a 1.300 aujourd’hui, souligne Laurent Roy. Ce qui ne veut donc pas dire que les eaux sont de plus en plus polluées, mais que la connaissance a progressé ».

L'Ouche, avant travaux, un cours modifié et longiligne...