Julien Fuet à Flagy
Chiens de protection : la solution face aux loups ?

Marc Labille
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Julien Fuet possédait un jeune patou lorsque les attaques de loup ont durement impacté son élevage. Habitué aux chiens de troupeau, l’éleveur reconnait une certaine efficacité à ses chiens de protection. Mais leur conduite est très contraignante et les chiens seuls ne suffisent pas face à des grands prédateurs.

Chiens de protection : la solution face aux loups ?
La conduite des chiens de protection nécessite une surveillance quotidienne et le mode d’élevage pratiqué en Saône-et-Loire complexifie les choses.

Il y a quatre ans, Julien Fuet reprenait un élevage de 650 brebis à Flagy. Sur cette exploitation ovine auparavant tenue par Maurice Huet, l’idée des chiens de protection est d’abord venue après des problèmes avec des « nuisibles ». Avec quatre périodes d’agnelage, une partie importante des naissances ont lieu en plein-air et les agneaux sont très exposés à la prédation par les renards et autres rapaces, explique l’éleveur. L’autre nuisance provenait des sangliers qui, dans leurs pérégrinations, ébrèchent les murs de pierre qui entourent les parcelles. Le premier patou a été acheté par Julien en janvier 2020. C’était quelques mois avant la vague d’attaques de loup dans le Charolais. Mais l’éleveur ne se doutait pas encore qu’il serait lui-même victime du loup un an plus tard. Durant cinq semaine du printemps 2021, l’élevage a en effet essuyé huit attaques du prédateur tuant 40 brebis et en blessant 50 autres. Sur cet épisode douloureux, Julien Fuet témoigne encore du traumatisme vécu par lui, son épouse et ses jeunes enfants, sans oublier le préjudice économique. Les animaux éventrés, les cadavres qui s’accumulent, le surcroît de travail, l’impact sur les stocks de fourrage et toutes les pertes économiques directes et indirectes : agnelles vides, agneaux déclassés… Des pertes couvertes à hauteur de seulement 40 % par les indemnisations, évalue aujourd’hui l’éleveur. 

Filets de protection et patous

Conformément à la procédure en vigueur face à la prédation du loup, Julien s’est mis à protéger ses animaux avec des filets. Il s’est aussi servi pour la première fois de son jeune patou alors âgé d’à peine un an et demi. De ce baptême du feu, l’éleveur retient que des attaques surviennent malgré tout, même avec les filets et même avec les chiens… Mais la mise en œuvre de ces mesures de protection est un passage obligé pour espérer obtenir un tir, résume Julien. 

Bon connaisseur des chiens de troupeau avec lesquels il travaille depuis vingt ans, l’éleveur ne cache pas que la mise en place de chiens de protection demeure très complexe. Il faut avoir une fibre d’éleveur et la configuration des élevages saône-et-loiriens, avec de nombreux lots dans de nombreuses parcelles, se prête moins bien à cette technique que le pastoralisme de montagne.

« Le chien s’attache à l’espace de vie des brebis »

Julien a acheté son premier patou dans un élevage des Hautes-Alpes où il a trouvé un chiot né en bergerie. Arrivé dans le Clunisois, le jeune patou a tout de suite été remis en contact avec les brebis dans un petit lot d’agnelles. « Le chien s’attache à un territoire qui doit être l’espace de vie des brebis. Dans cet espace, un copinage s’installe entre le chien et les moutons », explique l’éleveur. Durant deux mois en bergerie, le chien se « fixe » au troupeau. La mise au pré débute par une phase de transition dans une petite parcelle près de la ferme. C’est encore le temps des apprentissages où il faut veiller à ce que le chien ne touche pas aux brebis et que ces dernières ne volent pas les croquettes du canidé !

« Il faut faire en sorte que le chien soit plus lié aux brebis qu’à l’éleveur. Mais il faut tout de même conserver une certaine autorité pour pouvoir le sortir du troupeau si besoin : les conduire chez le vétérinaire par exemple », explique Julien.

Le Clunisois diffère des alpages !

Julien Fuet confirme que le mode d’élevage de la région se prête mal à la protection par des chiens. « Ici, nous avons de nombreux lots – entre 10 et 15 chez moi. Il faudrait au moins autant de patous ! Les chiens doivent savoir respecter les clôtures et ne pas sortir des parcelles… La nuit, ils jappent après la faune sauvage alors que les prés sont à proximité de hameaux ou de lotissements… ». Contrairement aux alpages où les chiens de protection nombreux sont en bonne compagnie, les patous conduits en Saône-et-Loire arrivent à s’ennuyer faute de congénère, fait remarquer Julien. Autre écueil propre aux exploitations de la région, un éleveur ne peut pas assurer une surveillance continue comme le ferait un berger en montagne. « Le chien peut sortir pendant que l’on est parti faucher », illustre Julien. Cette surveillance pose aussi problème en cas d’absence prolongée de l’éleveur. Même pour partir une semaine en vacances, il faut former un remplaçant qui soit en mesure de surveiller et nourrir les patous quotidiennement … S’il estime que deux patous ne lui permettraient pas de se protéger complètement d’un loup comme il en a connu en 2021, Julien Fuet constate cependant que ses chiens lui ont partiellement réglé ses problèmes de prédation par des renards. La présence des patous dissuade aussi les promeneurs et autres riverains de laisser divaguer leurs chiens. 

Nés et élevés parmi les brebis
Les brebis fuient le border, mais elles ne craignent pas le patou qui les accompagne dans leur mouvement.

Nés et élevés parmi les brebis

Pour dégoter un bon chien de protection, on ne peut pas compter sur l’information liée aux origines comme elle existe en border, fait remarquer Julien Fuet. Le patou n’est pas une race officiellement reconnue pour le travail. Julien s’est appuyé sur un réseau des référents chiens de protection (Idele) ainsi que sur ses connaissances dans le monde des chiens de troupeau. De son côté, Alain Dufour, éleveur de 600 brebis à Saint-Sernin-du-Bois, connaissait des éleveurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes confrontés de longue date au problème du loup. Sa jeune chienne de trois ans lui a coûté 250 €, pucée, vaccinée contre la rage, rapporte-t-il. Quant à Julien Fuet, ses deux chiens lui ont coûté 300 €. Les chiens de protection doivent impérativement provenir d’élevages d’ovins protégés par des chiens. Cela exclut les élevages de chiens sans moutons et les animaux du commerce à plus de 500 €, confie Alain Dufour. Dans les zones officiellement classées pour la présence du loup, les éleveurs ont droit à des aides. Avec une exploitation située dans le cercle 3, Alain a bénéficié d’une prise en charge à hauteur de 80 %.

Aides du plan loup pour les chiens de protection

Dans le cadre du plan loup, des aides sont prévues pour les chiens de protection. Les plafonds de dépense applicables sont les suivants. Pour l’achat, 375 €/chien au maximum, avec une prise en charge s’élevant à 80 % de la dépense éligible dans la limite du plafond de dépense annuel. Pour l’entretien, forfait de dépenses de 815 €/chien/an, avec une prise en charge s’élevant à 80 % de la dépense éligible. Stérilisation : 250 €/chien au maximum, avec une prise en charge s’élevant à 80 % de la dépense éligible. Test de comportement : 500 €/chien au maximum sur la période 2017-2022, avec une prise en charge s’élevant à 100 % de la dépense éligible.